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Salariés : tous accompagnés vers l’emploi

À la une | publié le : 01.02.2019 | Gilmar Sequeira Martins, Lucie Tanneau

Les dispositifs d’accompagnement vers l’emploi vont fêter leur vingtième année d’existence. Leur objectif : associer le demandeur à la recherche d’un job, le transformer en acteur de son entrée ou de son retour sur le marché du travail. Les mesures se sont accumulées et impliquent toujours plus d’intervenants. Tour d’horizon.

Contrat de sécurisation professionnelle, congé de reclassement, garantie jeunes, conseil en évolution professionnelle, coaching personnalisé en entreprise, suivi et appui dans la recherche d’emploi, immersion en milieu professionnel… autant de dispositifs – il en existe des dizaines d’autres – qui visent un même objectif : l’accompagnement vers l’emploi. Le terme est à la mode. Il est désormais utilisé dans toutes les politiques de l’emploi, sans que sa définition et sa mise en pratique ne fassent consensus. Avec l’apparition d’un chômage de masse, dont le taux n’est jamais retombé en dessous de 7 % depuis 1983, une prise de conscience a eu lieu. « Le terme « accompagnement » est apparu dans les années 1990-2000, note Maëla Paul, docteure en sciences de l’éducation et spécialiste reconnue de l’accompagnement. Jusqu’à la fin des années 1990, on inscrit les personnes sur des listes de demandeurs d’emploi, on gère des dossiers, on fait du suivi, mais on ne fait pas d’accompagnement, car on n’implique pas la personne, on ne lui fait pas prendre conscience de son besoin d’emploi. » En clair, l’accompagnement vers l’emploi suppose une relation entre accompagnant et accompagné. « Il n’y a pas de définition définitive, mais c’est une pratique qui s’adapte à chaque personne, à chaque situation, à chaque dispositif et à chaque moment », précise la spécialiste. En 1998, la généralisation de l’entretien de suivi pour les demandeurs d’emploi est, par exemple, imaginée comme une mesure d’accompagnement. En réalité, son efficacité dépend de la relation entre le conseiller et le chômeur.

Le passage à l’année 2000.

Au milieu des années 2000, et surtout après la crise de 2008 qui laisse de nombreux salariés dans une situation délicate, ce mode de prise en charge est conceptualisé et renforcé. « À la fin des années 2000, il est intégré à tous les dispositifs d’emploi, comme dans ceux du logement », confirme Anne Fretel, économiste, maître de conférence à Lille 1 et associée à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires). Avec la fusion de l’ANPE et des Assédic, puis la création de Pôle emploi en 2008 et la généralisation du RSA qui s’ensuit, cette évolution est confirmée. Mais si l’accompagnement s’est énormément développé, avec le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), la garantie jeunes ou le conseil en évolution professionnelle (CEP), par exemple, l’ensemble du dispositif reste « une sorte de boîte noire », souligne la chercheuse de l’Ires. « Elle renferme un portefeuille variable, un nombre d’entretiens, la signature d’un contrat et des prestations mobilisables », sans définir de réelle stratégie. Un schéma est généralement utilisé : rencontre de la personne en face-à-face, bilan, projet de parcours professionnel et formation pour y parvenir si nécessaire.

Au cœur de l’accompagnement en France, un acteur clé : le service public de l’emploi. « Pôle emploi est l’opérateur principal, qui travaille avec ses co-traitants, comme les missions locales, explique Anne Fretel. L’État construit des dispositifs, crée des cahiers des charges, et Pôle emploi les met en œuvre. » Accueillir et accompagner font ainsi partie des six missions principales du service public de l’emploi et de ses 54 000 collaborateurs. Avec quatre axes redessinés en 2015 : l’accompagnement renforcé pour les personnes les plus éloignées de l’emploi ; l’accompagnement guidé ; le suivi et l’appui à la recherche d’emploi pour les publics plus autonomes ; l’accompagnement global en lien avec les départements. Mais alors que les conseillers suivent entre 100 et 500 chômeurs, selon les estimations et les régions, l’accompagnement est forcément multiple. Du côté des accompagnants, de nombreux autres acteurs interviennent, publics (comme les missions locales) ou privés, et notamment de nombreuses associations. Du côté des publics ciblés, les demandeurs d’emploi sont les plus concernés. Mais l’accompagnement ne s’adresse pas qu’aux chômeurs. « La situation et les évolutions du marché du travail justifient un besoin et des services d’accompagnement pour l’ensemble des actifs, en emploi ou non », défend ainsi le Conseil d’orientation économique, dans un rapport du 8 juin 2016.

Un mot clé : la personnalisation.

« Le problème de l’accompagnement est qu’il n’est pas assez personnalisé », estime Gérard Cherpion, député LR (ex-UMP) et spécialiste des questions de formation. « On devrait faire de l’accompagnement tout au long de la vie, car aujourd’hui les salariés changent d’emploi plusieurs fois, et ils doivent se tenir au courant des techniques, des réseaux et des savoir-faire. » Pour lui, la notion a pris tout son sens avec la création du contrat de transition professionnelle expérimenté en 2006 par Nicolas Sarkozy, puis généralisé en 2011 sous la forme du CSP. Le taux de retour à l’emploi de ses bénéficiaires, volontaires dans le dispositif, est alors largement supérieur à celui des autres demandeurs d’emploi. Mais le CSP ne concernait, à l’époque, qu’un peu moins de 3 % des motifs d’entrée à Pôle emploi.

« Il n’existe pas de chiffres d’ensemble des personnes accompagnées et des solutions qui fonctionnent », regrette Anne Fretel. L’économiste insiste aussi sur la formation comme « brique indispensable » du parcours vers un retour à l’emploi en France, « alors que des dispositifs innovants montrent qu’une période d’immersion en entreprise peut être beaucoup plus efficace », cite-t-elle en exemple. À condition alors d’accompagner non plus seulement la personne, mais aussi l’entreprise. Aujourd’hui, les réformes du Code du travail, celles de l’apprentissage, et la mise en place du plan d’investissement compétences (PIC) recourent tous à l’accompagnement… Avec une nouvelle idée : « Les compétences sont le premier rempart contre le chômage », défend la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Depuis dix ans d’accompagnement généralisé, et alors que le chômage a encore progressé, passant de 8 % en 2008 à un peu plus de 9 % aujourd’hui, de nombreux autres leviers ont déjà été éprouvés ou testés.

Mais comment innover ? Pour se démarquer du plan massif de formation lancé sous le précédent quinquennat et perçu, après-coup, comme une tentative tardive, brouillonne et sans impact probant, le nouvel exécutif mise sur le PIC. Avec un objectif bien plus ambitieux puisqu’il s’agit de former non plus 500 000 personnes, mais deux millions. Le ciblage se veut aussi plus précis : le PIC veut former un million de chômeurs faiblement qualifiés et un million de jeunes décrocheurs. Ce plan se distingue aussi par l’importance accordée à la formation à distance. Il prévoit, en effet, que 250 000 parcours seront réalisés par cette voie. Sur ces deux publics, le PIC envisage de consacrer, sur l’ensemble du quinquennat, respectivement 7,7 et 6,7 milliards d’euros. À ces montants déjà conséquents s’ajoutent 100 millions d’euros pour l’adaptation et la qualification de la main-d’œuvre, 300 millions d’euros consacrés à des expérimentations portées par l’Éducation nationale, et 400 millions d’euros pour rénover le premier cycle universitaire. Au total, sur l’ensemble du quinquennat, le PIC devrait mobiliser près de 15 milliards d’euros.

Les régions aux commandes.

Les Régions sont en première ligne puisque le PIC est décliné en pactes régionaux d’investissement dans les compétences (PRIC), pour la période 2019-2022. En Île-de-France, l’impact du PIC s’est cependant fait sentir dès 2018 puisque la Région a pu proposer 24 000 formations supplémentaires, qui se sont greffées aux 39 000 déjà financées. Globalement, la nouvelle orientation tracée par le PIC recueille l’approbation, estime David Margueritte, président de la commission emploi et formation professionnelle de Régions de France : « Le PIC imprime une ligne de conduite positive, c’est le contraire du plan 500 000 formations qui misait avant tout sur une logique quantitative. Le PIC est dans une logique pluriannuelle et offre la stabilité que nous demandions. »

La focalisation sur certains publics et la dimension innovante sont perçues comme autant de perspectives de bon augure : « Le PIC a une dimension qualitative qui va permettre d’attirer les publics de niveau IV (baccalauréat), de niveau V (CAP et BEP) ou infra V. L’expérimentation semble aussi de mise. C’est une bonne chose que les Régions puissent piloter, faire de l’animation et lancer des expérimentations. » En Île-de-France, la Région prévoit d’utiliser des techniques de théâtre-forum et d’improvisation pour le développement de compétences de base, ou encore de proposer des actions très ciblées pour des personnes sous main de justice. La forte densité d’entreprises du secteur numérique va aussi entrer en ligne de compte. La Région prévoit ainsi d’organiser des assises de la Jobtech, qui vont permettre à des investisseurs de rencontrer des créateurs de start-up du secteur de l’emploi et de la formation.

En Nouvelle-Aquitaine, l’effort conjugué de l’État et de la Région va permettre de mobiliser un milliard d’euros. Aux actions prévues dans le PIC et au contrat passé avec la Région vont s’ajouter un fonds d’urgence pour les demandeurs d’emploi, des aides à la mobilité, ainsi qu’un accompagnement pour traiter les questions d’hébergement ou de rémunération. « Tout cela va sécuriser le parcours et faire qu’une personne puisse le mener à son terme dans les meilleures conditions possible », résume Catherine Veyssy, vice-présidente en charge de la formation professionnelle, de l’apprentissage, et de l’emploi de la Région Nouvelle-Aquitaine.

Un pari sur le terrain et l’innovation pédagogique.

Les branches professionnelles vont aussi jouer un rôle déterminant dans ce grand plan d’accompagnement vers l’emploi. Fin 2018, elles ont été invitées à participer à un appel à projets destiné à traiter la problématique clé des prospectives des métiers et des compétences. Un domaine dans lequel les branches disposent d’une compétence avérée. Elles ont en effet mis sur pied plus de 130 observatoires prospectifs des métiers et des qualifications (OPMQ). Une dizaine de projets ont d’ores et déjà été retenus et rendus publics par Jean-Marie Marx, haut-commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi. L’industrie s’est distinguée avec plusieurs projets, dont celui porté par quatre organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), Défi, Opcaim, Opcalim, OPCA3+. Constatant un « contexte défavorable d’attractivité et de métiers en tension » dans de nombreux secteurs industriels, ces quatre structures veulent mettre en commun leurs moyens pour relever les défis inhérents « aux nouveaux cycles de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) ».

Autre secteur industriel qui a vu son projet retenu, celui des industries de procédés et de transformation. Porté par les OPCA Défi et OPCA3+, il a pour objectif d’identifier les causes de tensions sur le marché de l’emploi dans ces domaines. Il devrait conduire à « un état des lieux des pratiques et des difficultés de recrutement », mais aussi à identifier les leviers capables de renforcer l’attractivité de ces métiers, victimes d’un double handicap : la rareté des compétences recherchées et la localisation des entreprises. En remontant ainsi vers l’amont, les nouvelles orientations des politiques d’accompagnement vers l’emploi ont pour but de réduire le taux d’échec des formations initiales. Actionner efficacement ce levier reviendrait, dans le meilleur des cas, à réduire les besoins ultérieurs d’accompagnement. Un pari audacieux qui ressemble encore à une gageure.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins, Lucie Tanneau