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Idées

Le cœur a ses raisons…

Idées | Livres | publié le : 01.11.2018 | Irène Lopez

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Le cœur a ses raisons…

Crédit photo Irène Lopez

Dans un village, quelque part en Provence, Rosalinde est une saisonnière parmi d’autres. Travailler dans les champs jusqu’à l’épuisement, résister au désir des hommes, et parfois y céder, répondre à leur violence, s’abrutir d’alcool… Catherine Poulain est « le nouveau Steinbeck ». Le cœur blanc, les nouveaux raisins. Un livre furieusement politique et féministe.

Le cœur blanc évoque une sensualité exacerbée : le corps, celui des saisonniers employés dans les vergers et les champs de Provence, leurs vécus et leur souffrance chevillée au corps. Encore lui. Les sensations sont à fleur de peau : épuisement, ivresse, désir. Rosalinde est une femme libre et solitaire. Une saisonnière. « La nuit la fille rêvait aux asperges qu’elle voyait défiler sur le tapis roulant de la calibreuse, un film qui tournait en boucle. Elles étaient tellement sales, les asperges, on avait beau les laver elles restaient sales, il fallait sans cesse laver et creuser, et creuser encore, et creuser toujours dans l’argile noire. »

Politique

Le deuxième récit de Catherine Poulain, après Le Grand Marin (L’Olivier, 2016) est un livre foncièrement politique : il porte sur le travail, sa dureté, la souffrance physique pour conséquence. La politique se révèle entre les lignes et l’ouvrage n’a rien d’un essai. Mais les humiliations, les vexations que les patrons infligent, le racisme envers les sans-papiers crèvent le récit. Les maigres salaires font écho à une réalité maintes fois dépeinte dans les médias. C’est beau comme « du Steinbeck ». Les raisons de la colère sont ici un cœur blanc, un cœur pur.

Féministe

Rosalinde la saisonnière revendique son errance : « Je ne suis pas mauvaise mais toujours je partirai. […] Je partirai ni toi ni personne pourra m’en empêcher. » Au sein de communautés masculines, les saisonnières au corps maigre sont la proie des hommes. « J’ai pourtant peur. Les hommes ne m’ont jamais fait la vie facile. Une fois un routier… Il m’avait jetée sur sa couchette et il tenait mes poignets. C’était un rocher sur moi. J’étais toute seule. » Impossible de faire l’impasse sur la comparaison avec la vie de Catherine Poulain…

Réaliste

À 20 ans, elle part à Hong Kong, où elle trouve une place de barmaid, et commence à prendre des notes, avide de découvrir et de fixer dans ses carnets « un monde onirique qui se mélange au réel ». Après un bref retour en France, elle repart, poussée par ses envies de grands espaces et d’expériences : Colombie britannique, Mexique Guatemala, États-Unis… Au gré de ses voyages, elle a été employée dans une conserverie de poissons en Islande et sur les chantiers navals aux États-Unis, ouvrière agricole au Canada, pêcheuse pendant dix ans en Alaska. De retour en France, elle est tour à tour saisonnière, bergère et ouvrière viticole dans le Sud de la France. Si elle vit actuellement dans le Médoc, elle a choisi de situer l’histoire de son roman dans des champs qui pourraient être tous les champs du monde.

Le Cœur blanc,

Catherine Poulain, L’Olivier, 256 pages, 18,50 euros.

Auteur

  • Irène Lopez