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Un nouvel outil pour les RH

Dossier | publié le : 01.11.2018 | Laurence Estival, Gilmar Sequeira Martins, Sophie Massieu

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Un nouvel outil pour les RH

Crédit photo Laurence Estival, Gilmar Sequeira Martins, Sophie Massieu

Alors que près de 9 millions de salariés bénéficient d’un complément de revenu via l’épargne salariale, les dispositifs accumulés au fils des ans sont devenus, entre les mains des entreprises, de véritables outils pour recruter, motiver et fidéliser leurs collaborateurs. Une évolution qui devrait être accentuée avec le vote de la loi Pacte.

Bonne nouvelle sur le front de l’épargne salariale… Selon les derniers chiffres de la Dares, publiés en août, les sommes distribuées aux 56 % de salariés couverts ont progressé en 2016 pour la 3e année consécutive. Les 8,9 millions de bénéficiaires d’au moins un de ces compléments de rémunération – intéressement, participation, ou possibilité de verser des sommes abondées par leur employeur sur le plan d’épargne d’entreprise (PEE) ou sur le plan d’épargne retraite collective (Perco) – ont touché en moyenne une prime de 2 369 euros. Un montant en hausse de 2 % par rapport à l’année précédente.

Ces sommes, non négligeables, peuvent représenter chez les cadres de deux à trois mois de salaire ! Et même si une partie de ces montants est bloquée pour des périodes plus ou moins longues – cinq ans pour les PEE ou jusqu’à la retraite pour les Perco, sauf cas spécifiques de déblocage anticipé – des espèces sonnantes et trébuchantes peuvent être perçues immédiatement dans le cadre de l’intéressement ou de la participation. Pour les autres dispositifs, il s’agit de rémunération différée et, qui plus est, moins taxée que les salaires. Une aubaine à l’heure où la question du pouvoir d’achat redevient, retour de l’inflation oblige, un sujet de préoccupation… Rien d’étonnant si ce sujet s’invite de plus en plus dans les NAO (négociations annuelles obligatoires) au même titre que les discussions sur l’évolution du salaire de base ou de la part variable, selon le cabinet de conseil Mercer, qui note que 78 % des entreprises ont élargi les discussions à ces questions, faisant de l’épargne salariale un de leur outil RH pour attirer, motiver et retenir les talents.

Des obstacles à lever

Reste qu’avant de voir l’épargne salariale jouer pleinement son rôle d’outil RH, plusieurs obstacles doivent être levés. Premier d’entre eux : son caractère inégalitaire, car ces outils sont bien souvent l’apanage des grands groupes et ETI de taille importante… L’étude de la Dares montre d’ailleurs que la part des salariés couverts par au moins un des dispositifs passe de 17,1 % dans les entreprises de moins de 50 salariés, à 72,3 % dans celles de 50 à 500 personnes, pour atteindre 92,3 % dans celles au-delà de 500 salariés ! « L’importance que l’épargne salariale a prise explique en grande partie le décrochage en matière de rémunération entre les grandes entreprises et les PME », met en avant Frédéric Bonneton, associé du cabinet MCR, spécialiste des rémunérations. Une situation qui peut rapidement devenir préoccupante quand le marché du travail se tend. « Je me souviens d’une PME qui avait proposé un bon salaire à un candidat mais, quand il a fait ses comptes et qu’il a vu ce qu’il perdait en termes d’avantages sociaux par rapport au grand groupe dans lequel il était, il a finalement décliné l’offre », raconte Chantal Bérard, chasseuse de têtes au cabinet Boyden.

Les discriminations entre les salariés ne dépendent pas seulement des effectifs de leur entreprise. La possibilité pour les collaborateurs de profiter des avantages des différents d’outils d’épargne salariale est en effet d’autant plus élevée que l’entreprise verse de hauts salaires, souligne l’étude de la Dares. Les cols blancs tirent aussi logiquement davantage leur épingle du jeu que les cols bleus… Car si l’intéressement et la participation sont équitablement répartis, il n’en va pas de même pour la capacité des uns et des autres à épargner sur les plans d’épargne d’entreprise et donc de bénéficier des abondements des entreprises. Sauf à y placer l’intéressement et leur participation quand il y en a… L’accroissement du forfait social passé à 20 % en 2012 a par ailleurs incité les entreprises à revoir leur politique d’abondement. Résultats : celle-ci est devenue moins avantageuse, et donc moins incitative, qu’il y a quelques années pour nombre de salariés. De plus, l’alourdissement de la fiscalité a elle aussi joué un rôle.

L’actionnariat salarie, la nouvelle botte secrète

« Les employeurs ont aussi eu tendance à être plus sélectifs, notamment lors du lancement de plans d’actionnariats salariés. Il y a aujourd’hui moins de plans collectifs ouverts à tous dans les entreprises cotées du SBF 120 », remarque Olivier de Fontenay, associé fondateur d’Eres, société de conseil et de gestion d’actifs spécialisée sur l’épargne salariale. La part de celles qui ont ce dispositif est en effet tombée de 82 % en 2013 à 73,5 % en 2017, selon l’étude annuelle réalisée sur ce sujet par Eres. Et en 2017, seuls cinq plans de distribution d’actions gratuites ont été recensés contre onze en 2012. Moins intéressant, et s’adressant à moins de salariés, les plans d’actionnariat salarié ne font pas toujours recette : le taux de souscription est tombé à 33,6 % contre 41,8 % en 2011, même si les cours de Bourse sont élevés. « Pourtant, acheter des actions de son entreprise reste avantageux : pour 100 euros investis, le gain est compris, cinq ans plus tard, entre 198 et 374 euros, selon que l’abondement de l’entreprise est nul ou de 100 % », ajoute l’expert.

En quête de financements pour poursuivre leur croissance, les employeurs les plus en pointe sur le sujet, à l’image d’Essilor ou d’Axa, n’hésitent d’ailleurs pas à poursuivre leur politique en la matière. Danone aussi est montée dans le train, en annonçant vouloir donner à chaque salarié une action et donc une voix sur la définition des grandes orientations. Chez Essilor, 55 % des salariés au niveau mondial sont actionnaires et l’association qui les représente est devenue le premier actionnaire de la multinationale, détenant à elle seule 8 % des parts ! « Même L’Oréal a dû s’y mettre cette année pour continuer à recruter et à rester compétitif par rapport à la concurrence ! », s’amuse Olivier de Fontenay.

L’actionnariat salarial est également considéré par les entreprises qui y ont recours comme un moyen de fidéliser les salariés sur le moyen terme. L’indicateur choisi cette année par Eres est à ce titre implacable : le turn-over qui est en moyenne de 9,6 % dans les entreprises n’ayant pas de culture d’actionnariat salarié tombe à 6,7 % ! Signe des temps, de plus en plus d’ETI voire de PME se laissent séduire. « Si seules 4 % des entreprises non cotées, avec un effectif de 20 à 1 000 salariés, ont mis en place un plan d’épargne salarial, il est clair que le pourcentage est beaucoup plus élevé chez les plus importantes d’entre elles », explique le fondateur d’Eres.

Accompagner le mouvement

Certains articles de la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), en cours d’examen au Parlement, visent à accompagner ce mouvement. Est notamment proposé un abaissement du forfait social sur l’abondement lié à l’actionnariat salarié de 20 % aujourd’hui à 10 %. Par ailleurs un abondement pourra être versé sur le PEE du collaborateur, même en l’absence de contributions des salariés en cas de distribution d’actions gratuites, et en cas de désengagement du capital d’une entreprise, l’État devra prévoir de proposer aux salariés 10 % des titres cédés.

Au-delà de l’actionnariat salarié, la loi Pacte vise également à corriger certaines inégalités d’accès entre salariés à l’épargne salariale. « La mesure phare est la suppression du forfait social pour les entreprises de moins de 50 salariés, quel que soit le dispositif (intéressement, participation, PEE, Perco) et sur l’intéressement pour les entreprises dont les effectifs sont compris entre 50 et 250 salariés. L’alourdissement du taux avait créé un coup de frein à la diffusion de ces outils. Il est clair qu’aujourd’hui, l’État semble vouloir inverser la tendance », indique Olivia Rault-Dubois, avocate spécialiste de l’épargne salariale chez Fidal. Une façon d’orienter l’épargne des ménages vers le financement des entreprises, tout en donnant à ces dernières un levier au pouvoir décuplé pour partir à la quête des talents… Pour les entreprises atteignant le seuil de 50 salariés, elles auront un délai de cinq ans pour mettre en place la participation.

Laurence Estival

Les BSPCE, nouvel outil d’attractivité pour les start-up ?

Afin d’attirer des profils seniors, dont elles ont cruellement besoin pour se structurer ou pour motiver et récompenser de jeunes collaborateurs qu’elles ne peuvent pas toujours rémunérer à leur juste valeur, les start-up sont de plus en plus nombreuses à leur proposer des BSPCE (bons de souscription aux parts de créateurs d’entreprise). Le principe, qui s’apparente à des stock-options, est simple : il consiste à proposer aux collaborateurs de prendre une « option » sur de futures parts de l’entreprise à un horizon d’un certain nombre d’années. Ces actions pourront alors être achetées à un prix déterminé le jour de l’accord. Ce qui permet à l’intéressé de faire une bonne affaire s’il revend ses parts à l’issue du laps de temps défini, qui peut même être réduit en cas d’introduction de la société en bourse ou de son rachat par une autre société.

Auteur

  • Laurence Estival, Gilmar Sequeira Martins, Sophie Massieu