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Un challenge : se former à apprendre

À la une | publié le : 01.11.2018 | Lucie Tanneau

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Un challenge : se former à apprendre

Crédit photo Lucie Tanneau

Avec l’accélération des changements (techniques, économiques, organisationnels), le salarié doit s’adapter en permanence. Les savoirs techniques, vite obsolètes, doivent être remplacés par des compétences comportementales qui facilitent cette adaptation. C’est en tout cas le souhait des entreprises qui réclament un système de formation adapté.

Comment se former, aujourd’hui, à des métiers que nous n’imaginons pas ? Quelles compétences enseigner afin d’éviter l’obsoledge (pour obsolete knowledge, ou obsolescence des compétences) ? Entreprises et écoles commencent à se pencher sur le sujet. « Côté business school, le système s’adapte, car les étudiants nous choisissent afin d’avoir du travail à la sortie », défend d’emblée Jean-François Fiorina, directeur adjoint de l’école de management de Grenoble. Au niveau des méthodes, « nous multiplions les expériences avec des projets personnels ou associatifs, des Mooc, des séjours à l’étranger, des missions en entreprises… » Au niveau de l’enseignement, l’école anticipe aussi les nouvelles compétences attendues. « L’entreprenariat, la gestion des données et de l’e-réputation, ainsi que la géopolitique, viennent en complément des savoirs du XXIe siècle (convaincre, communiquer…) qui sont devenus des basiques », énumère le directeur adjoint, qui souhaiterait que ces compétences intègrent le système scolaire. « Nous devons amorcer un changement de culture dans l’Éducation nationale, car parler en public ou défendre une idée sont des compétences que l’on peut travailler jeune », encourage-t-il.

« Il y a des progrès et des projets à l’école », souligne Paul Allibert, le directeur de l’Institut de l’entreprise. Il insiste néanmoins sur le retard français. « Au Danemark, ils possèdent un programme d’enseignement autour des 4C : collaboration, créativité, communication et sens critique : ce sont des qualités que les enfants sont capables d’apprendre, sans en faire des exécutifs d’entreprise, mais ils ont besoin de savoirs modernes afin de les armer pour la vie, et l’entreprise fait partie de la vie. »

Hybrider les compétences.

Une notion également défendue par Agnès Marchand, responsable carrières à l’école nantaise Audencia qui plaide pour un rapprochement entre école et entreprise – initié avec la réforme de l’apprentissage – ainsi que pour un changement de méthode.

« Ce qui est important désormais, c’est de mettre nos étudiants dans une posture d’apprendre à apprendre », développe-t-elle. Avec Internet, c’en est fini de l’apprentissage par coeur. Avec l’évolution des technologies, terminé le seul savoir technique. « Les méthodes ne remplacent pas le savoir, ils sont complémentaires », justifie Agnès Marchand. Pour hybrider les compétences de ses étudiants, et encourager les compétences socioémotionnelles, Audencia multiplie les doubles cursus, et enseigne de plus en plus de « nouvelles méthodes ». « Le design thinking permet, par exemple, aux salariés de ne pas seulement utiliser leurs savoirs cognitifs, mais de sortir du cadre, d’innover, d’aller chercher ce qui est dans leur inconscient afin de se diriger vers davantage de complexité, ce qui ouvre le champ des possibles pour l’entreprise, et encourage le développement personnel. »

Échanges avec ses pairs, serious game, Mooc, Webinars, hackaton, Tedx… Les entreprises ne sont pas en reste en termes d’innovations pédagogiques. Avec un nouvel objectif : personnaliser les propositions et répondre aux demandes de formations plus ludiques et plus interactives de la génération Y. « Avant, il nous arrivait d’envoyer 100 cadres apprendre à communiquer en public. Cette époque est révolue. Depuis 12 à 18 mois, nous proposons des formations adaptées au besoin de compétences ou au développement du parcours professionnel de chacun, grâce à des coachs, du e-learning, des applications de réalité virtuelle », décrit Armelle Bourden, chez Orange. Des formations développées en interne ou avec des partenaires. Un véritable écosystème de learning centers, start-up et coachs en tous genres parmi lesquels les entreprises doivent choisir. « Les DRH doivent challenger les nouveaux dispositifs pour voir s’ils correspondent aux attentes, notamment en termes d’évolution des pratiques comportementales », encourage l’ANDRH.

Mobilité intellectuelle et employabilité

« Cela demande un investissement de la part des entreprises », confirme Mathieu Rivière. Sa société, Devoteam, a doublé son budget de formation en deux ans, avec 23 000 journées financées pour 3 000 collaborateurs en 2017. « Les salariés doivent être acteurs, on ne peut pas les former contre leur gré, mais nous leur proposons des outils, plateformes en accès libre, afterwork (…) afin de les mettre dans une optique de mobilité intellectuelle et leur permettre d’anticiper l’évolution des métiers. »

L’avenir de la formation continue mettrait donc le collaborateur, sa personnalité et ses soft skills au cœur du système ? « Les évolutions rendent très imprévisibles les compétences dont nous aurons besoin demain, mais nous ne pourrons jamais nous passer d’une bonne éducation. Il est nécessaire de sortir de la logique d’enseignement pour se diriger vers une logique d’éducation afin d’aider les personnes à façonner leur capacité d’apprentissage », insiste Paul Allibert, pour qui le diplôme devra valider cette capacité de sociabilité, que d’autres appellent soft skills.

Faire correspondre les besoins de chacun.

Mais comment reconnaître la valeur de cet enseignement ? « La France reste attachée au diplôme, mais il ne laisse pas présager de la personnalité, alors que les entreprises ont désormais envie de trouver des CV qui correspondent à leurs besoins présents mais surtout une idée de ranking de la personnalité », expose Paul Allibert qui cite son exemple personnel. « Lorsque j’étais à HEC, à aucun moment on ne m’a proposé de réfléchir sur le type de leader que je souhaitais devenir. Je suis arrivé sur le marché du travail dans un contexte qui me laissait encore le temps de l’apprendre. Aujourd’hui, un jeune doit au préalable avoir travaillé là-dessus. Pour ceux que je rencontre, ce n’est que rarement le cas. »

Auteur

  • Lucie Tanneau