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Idées

Regardons le passé et plongeons dans le futur

Idées | Livres | publié le : 01.10.2018 | Lou-Eve Popper

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Regardons le passé et plongeons dans le futur

Crédit photo Lou-Eve Popper

Le directeur du département d’économie de l’ENS propose, dans son nouvel ouvrage, de regarder comment les mouvements politiques et sociaux des cinquante dernières années ont abouti à notre époque informatisée et angoissée.

Difficile de résumer le nouveau livre de Daniel Cohen. Essai sur la condition humaine, réflexion sur l’ère de l’intelligence artificielle, précis d’histoire contemporaine, plaidoyer en faveur de la psychanalyse, ouvrage de sociologie sur les aspirations de la jeunesse d’aujourd’hui et d’hier… « Il faut dire que les temps ont changé » est tout cela à la fois et c’est ce qui rend ce nouvel opus si passionnant.

Le directeur du département d’économie de l’ENS retrace ici les événements politiques, sociaux et sociétaux qui ont marqué le monde occidental au cours des cinquante dernières années. Le but ? Comprendre « l’immense difficulté de la jeunesse à envisager l’avenir, son enfermement dans un enfermement dans un espèce de présent perpétuel ». L’auteur fait ainsi démarrer son récit en mai 1968 avant d’aborder la crise industrielle des années 1970, puis la « révolution conservatrice » des années 1980 et enfin notre époque, celle des algorithmes et de la phobie migratoire.

Loin d’être une réflexion linéaire, la pensée de Cohen sautille au contraire d’une idée à l’autre et mêle de multiples références, à la fois psychologiques, sociologiques et historiques. L’économiste aborde ainsi, tout à trac, l’échec des communautés soixante-huitardes, la montée du populisme, l’élection de Donald Trump, la théorie du ruissellement, la violence civile italienne dans les années 1970, la création d’Internet, le vote frontiste ou encore l’obsession des jeunes générations pour les réseaux sociaux. Et le résultat est stupéfiant ! Car Daniel Cohen, qui maîtrise parfaitement son sujet, parvient sans mal à lier tous ces éléments les uns aux autres et nous donne une vue d’ensemble très éclairante.

S’il penche parfois vers une plainte un brin réactionnaire, l’auteur évite, dans l’ensemble, à peu près tous les pièges du « c’était mieux avant ». Ainsi, face à la crainte largement partagée que les machines vont détruire les emplois, Daniel Cohen suggère plutôt de regarder comment l’homme et les robots peuvent travailler ensemble. Par ailleurs, loin d’être simplement défaitiste quant à l’avenir, Daniel Cohen propose au contraire plusieurs solutions pour mieux vivre dans ce monde informatisé : comme celle de briser le monopole des GAFA ou de rédiger un nouvel Habeas corpus 2.0…

Humble, citant plus souvent qu’à son tour ses confrères, l’économiste pousse ainsi nos cerveaux à tourner à plein régime pendant les 230 pages de cette lecture foisonnante. Une vraie réussite.

« Il faut dire que les temps ont changé »,

Chronique (fiévreuse) d’une mutation qui inquiète, Daniel Cohen, Albin Michel, 240 p., 19 euros.

Auteur

  • Lou-Eve Popper