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Réservistes : une force pour l’entreprise

Décodages | publié le : 01.10.2018 | Valérie Auribault

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Réservistes : une force pour l’entreprise

Crédit photo Valérie Auribault

Ils sont plus de 71 000 réservistes en France à renforcer les rangs de nos armées et de la Police nationale. Leurs qualités et leurs compétences sont des atouts précieux autant pour les entreprises que pour les forces de l’ordre et l’armée.

Dès 9 heures, une importante réunion se déroule, ce dimanche-là, dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Chantilly. Le Grand Prix de Diane se tiendra toute la journée sur l’hippodrome de la commune. Près de 20 000 visiteurs sont attendus. Et autant d’embouteillages. Dans la salle de réunion, une quarantaine de gendarmes réservistes se tiennent autour de la longue table et écoutent les instructions du lieutenant. Armés et gilets pare-balles sur le dos, ils sont gendarmes pour la journée. Mais dans le civil, ces réservistes sont employés de banque, agents au sein de la Sûreté ferroviaire ou encore étudiants. Plusieurs jours par an, ils revêtent l’uniforme et viennent en renfort des gendarmes d’active. Meggan, 21 ans et réserviste depuis un an, prépare un master de droit pour être avocate. « Au départ, je me suis engagée car je souhaitais faire quelque chose pour mon pays, précise-t-elle. Mais j’ai vraiment été attirée par le métier de gendarme et désormais j’hésite entre les deux orientations ». Manon, elle, est auxiliaire de puériculture au sein d’une crèche inter-entreprise militaire. Un emploi qu’elle cumule avec son activité dans la réserve. Mariée à un gendarme, elle a été séduite par la profession. « N’ayant pas le bac, je ne peux pas devenir gendarme d’active. La réserve me permet d’effectuer de nombreuses missions tout au long de l’année durant mes week-ends sans entraver mon activité professionnelle en semaine. »

Un bénéfice pour l’entreprise.

La garde nationale compte actuellement 71 4721 réservistes dans l’armée de terre (30 %), l’armée de l’air (8 %), la marine nationale (8 %) ou encore la police nationale (7 %). La majorité des réservistes est enregistrée dans les rangs de la gendarmerie nationale (42 %). 70 % d’entre eux sont issus de la société civile dont 21 % sont des femmes. Ces Français, qui ont décidé de s’engager pour servir leur pays, occupent toutes les catégories socio-professionnelles. 42 % d’entre eux sont des actifs, d’autres sont retraités (11 %) ou étudiants (15 %). Le nombre de ces derniers a augmenté de 85 % entre 2015 et 2016. Une prise de conscience après les attentats qui ont frappé le territoire français. « Beaucoup d’étudiants, de mères et pères de famille se sont présentés pour devenir réservistes après les attaques de 2015 et 2016, explique le colonel de réserve Jean-Pierre Dolleans, réserviste depuis 36 ans et délégué à la sûreté à GRTgaz au sein du groupe Engie. Ce grand nombre de postulants nous permet d’être plus vigilants quant à la qualité de nos recrues ». Des renforts plus que bienvenus, donc, au sein de la gendarmerie. Mais aussi en entreprise. « Un collaborateur réserviste progresse en entreprise en même temps qu’il développe ses compétences dans la réserve, estime le capitaine de vaisseau Jean-Marie Dumon, secrétaire général du comité de liaison Défense-Medef. La réserve est un atout supplémentaire pour acquérir des compétences, de l’assurance et le sens des responsabilités ». Selon une étude du cabinet Goodwill Management en 20162, ces salariés engagés posséderaient bon nombre de qualités très appréciées des sociétés : discipline, gestion du stress, esprit d’équipe, motivation, intégrité, fiabilité, adaptabilité, loyauté, engagement pour une cause et non des intérêts, leadership management… En enrichissant les rangs de l’active, « ils acquièrent et développent un ensemble d’aptitudes profitables au travail, explique William Ubelmann, consultant pour le cabinet Goodwill Management. On observe chez ces salariés une meilleure productivité notamment ». Un gain de productivité au travail qui se traduirait par un bénéfice de l’ordre de 94 millions d’euros par an pour les entreprises employant des réservistes, selon l’étude. À cela s’ajoutent 34 millions d’euros d’économies grâce à un absentéisme moindre chez ces salariés (3 jours d’absence pour raison médicale contre 18 en moyenne pour les non-réservistes). L’entraînement et l’hygiène de vie de ces salariés contribueraient à les maintenir dans une meilleure santé physique et mentale. Au-delà de ces qualités, le réserviste est perçu comme un véritable acteur de la RSE : esprit d’équipe et de cohésion, engagement pour la société civile… « La réserve est une forme de mécénat au même titre qu’un engagement au sein d’une ONG », rappelle Jean-Marie Dumon.

Des entreprises concernées et engagées.

Pour les salariés, être réservistes, c’est consacrer une partie de son temps à la défense et la sécurité de son pays. Tout en enrichissant son expérience professionnelle et humaine. Ainsi que sa rémunération. Un complément de revenu non négligeable notamment pour les personnes les plus fragiles (chômeurs, étudiants…). Un réserviste perçoit en moyenne 1 815 euros de revenus supplémentaires par an. Certains choisissent de ne pas révéler leur engagement à leurs employeurs et posent des jours de RTT ou de congés, ou encore profitent de leurs week-ends, pour répondre à leurs missions extra-professionnelles. « Car il fut un temps où être réserviste était mal vu. Cette activité évoquait la guerre dans les esprits, se souvient le colonel Philippe Durand du Centre d’information et du recrutement de la gendarmerie (Cirfa). Mais, depuis les attentats, les points de vue ont changé. C’est du gagnant-gagnant. Car si l’entreprise permet à ses réservistes de se révéler, elle peut davantage exploiter leurs compétences. » Les employeurs civils ont l’obligation légale de libérer les réservistes opérationnels 5 jours par an afin que ceux-ci puissent exercer leur activité de réserve. Le salarié doit prévenir son employeur de son absence au moins un mois à l’avance. La loi prévient toute discrimination qui pourrait être subie par le salarié en interdisant notamment tout licenciement, déclassement professionnel ou sanction disciplinaire à l’encontre d’un réserviste en raison de ces absences. Aujourd’hui plus de 360 entreprises, privées ou publiques et de toutes tailles, ont signé une convention auprès de la garde nationale. En soutenant la réserve, l’entreprise effectue un don en nature. Une action qui ouvre une réduction d’impôt égale à 60 % de son montant dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires. À la signature de la convention, l’entreprise s’engage à libérer ses salariés réservistes au-delà des 5 jours réglementaires et à maintenir tout ou partie du salaire. L’entreprise Orange libère ses salariés réservistes 10 jours par an avec le maintien total du salaire et des primes. Et dix jours supplémentaires en cas d’état d’urgence. « Nous comptons une centaine de réservistes parmi nos 90 000 salariés, explique Jean-Paul Portron, directeur des services partagés au sein de l’entreprise de télécommunications. Ces absences se gèrent sans aucune difficulté dans notre organisation. » Alexis de Valence, référent défense du groupe Orange et réserviste dans l’armée de terre a développé la plateforme Plazza au sein de l’entreprise. Un réseau social pour permettre aux réservistes d’échanger les bonnes pratiques. « Chacun parle de son expérience dans la réserve, y développe des idées et apporte certaines valeurs. Grâce à cette plateforme, nous avons déjà identifié plus de 80 réservistes dans l’entreprise. Être réserviste, c’est atypique. Mais nous n’avons que des retours positifs auprès des autres collaborateurs qui nous encouragent », assure Alexis de Valence. « Soutenir la réserve est un véritable rayonnement pour l’entreprise. Cela participe de l’engagement social de celle-ci », estime Hubert Engelmann, directeur de la communication externe du groupe Bouygues Construction. Hubert Engelmann est dans la réserve citoyenne au sein de la marine nationale où il dispense des cours de communication. « Nous ne faisons pas cela pour obtenir un label. La SNCF est un petit bout de France. Et de République. Nous vivons au rythme de la nation, et par conséquent, de la défense nationale », rappelle Stéphane Volant, secrétaire général de la SNCF et réserviste au sein de l’armée de terre. L’entreprise ferroviaire a été pionnière en signant, dès 2006, une convention auprès du ministère de la Défense. Dans l’entreprise de chemin de fer, 500 réservistes, hommes et femmes sont recensés. Fin 2018, 15 jours devraient leur être alloués contre 7 actuellement pour qu’ils puissent réaliser leurs missions. « Nous avons eu de très bons retours de la part des managers, poursuit Stéphane Volant. Ils sont conscients de l’épanouissement des collaborateurs qui s’engagent et donnent en retour de la valeur à l’entreprise. Par exemple, un chef de section d’infanterie développe une expérience de commandement complémentaire à celle d’un manager. Les règles de sécurité appliquées sur le terrain sont proches de celles qui sont au cœur de tous les métiers de la SNCF. Et les valeurs qui guident les armées sont identiques à celles du service public. Être réserviste est indiscutablement un plus. » Même si les salariés réservistes sont présents jusque dans les TPE et les PME qui comptent parmi les partenaires de la garde nationale, il est difficile pour ces entreprises de petite taille de libérer leurs salariés même si la plupart des missions s’effectuent les week-ends. « Les effectifs y sont réduits. Et les réservistes comptent parmi les meilleurs éléments. Leur absence, si elle est prolongée, peut constituer un handicap. Nous cherchons actuellement un accord-cadre avec la garde nationale. C’est dans les perspectives », assure Henri Josseran, mandataire nationale de la CPME. Le but de la garde nationale est d’atteindre 85 000 réservistes à l’horizon 2019.

Quand les ex-militaires intègrent l’entreprise

Ils sont 20 000 militaires de carrière à retourner chaque année à la vie civile et à s’orienter vers la fonction publique ou les entreprises privées. Une reconversion inscrite de droit dans le statut général de ces agents de l’État. « Certaines qualités de savoir être et de savoir-faire développées dans le monde militaire sont tout à fait transposables dans le civil, explique Stéphane Volant, secrétaire général de la SNCF. Ce sont d’excellents gestionnaires qui savent dépenser l’argent de l’État avec une grande rigueur ». Des compétences professionnelles et morales très appréciées dans les grandes et petites entreprises. « La marine produit de très bons mécaniciens et électriciens, souligne Henri Josseran, mandataire national de la CPME. Il ne faut pas croire qu’un conducteur de char ne fera pas un bon chauffeur de poids lourds. Et les informaticiens y sont nombreux. Tout militaire possède un vrai métier, une spécialisation. » Pour autant, ces derniers peuvent être relativement éloignés des préoccupations commerciales. Afin d’optimiser le retour à la vie civile, le militaire à la possibilité de prendre un congé de reconversion pour se préparer à un nouveau métier. Ils apprennent aussi à rédiger une lettre de motivation et un CV et à gérer un entretien d’embauche. En 2016, 11 000 militaires ont été reclassés : 8 600 dans le secteur privé, 2 400 dans la fonction publique pour 4 000 demandes. 2 200 d’entre eux sont recrutés au sein des collectivités territoriales.

(1) Chiffres de la Garde nationale.

(2) Étude réalisée auprès de plus de 200 entreprises et de 4 400 réservistes.

Auteur

  • Valérie Auribault