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Idées

Comment le travail a évolué depuis 1968

Idées | Bloc-notes | publié le : 07.05.2018 | François Dupuy

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Comment le travail a évolué depuis 1968

Crédit photo François Dupuy

Des conditions de travail améliorées…

Souvenons-nous que le mouvement de mai 68, lorsqu’il est passé de la révolte étudiante aux grèves des salariés, a bien davantage posé la question des rémunérations que celle du travail. Néanmoins, en ce qui concerne ce dernier, on peut observer deux évolutions en apparence contradictoires durant ces cinquante dernières années. Il ne fait pas de doute que les conditions de travail (pénibilité physique, ergonomie…) se sont améliorées. Les progrès technologiques y ont grandement contribué en réduisant la part des efforts musculaires exigés et en substituant progressivement la machine à l’homme pour les tâches les plus pénibles. Celles-ci n’ont bien sûr pas disparu mais la féminisation de professions jusque-là inaccessibles aux femmes témoigne de ces progrès. Et la robotisation d’un nombre toujours croissant d’activités multiplie les tâches de surveillance au détriment des activités directes de production.

…les conditions du travail dégradées

En revanche, les conditions du travail et plus précisément le contexte organisationnel et managérial dans lequel s’effectue le travail n’a cessé de se détériorer pour en arriver à ce que l’on peut considérer comme l’impasse actuelle dans laquelle s’est enfermé le management. Cela mérite explication : 1968, c’est l’apogée des Trente Glorieuses dont une des caractéristiques est l’alliance entre l’actionnaire et ses salariés pour faire de la « marge avant » sur un client qui ne dispose pas de beaucoup de choix. Les organisations sont donc en majorité « endogènes » c’est-à-dire tournées vers elles-mêmes et non vers leurs clients. On peut ainsi faire travailler les salariés dans des organisations protectrices n’exigeant que peu de coopération de leur part et donc rendant possibles des situations d’autonomie appréciables et appréciées. Le choc pétrolier de 1974 a commencé à modifier la donne. Il a produit progressivement une ouverture des marchés, manifeste à partir des années 1980, donnant au client des capacités de choix jusque-là inconnues. On est entré de plain-pied dans la logique que nous connaissons aujourd’hui : celui qui achète demande à celui qui produit toujours plus pour toujours moins. Répondre à cette exigence a obligé les entreprises à trouver une « variable d’ajustement ». Pour ce faire elle se sont tournées vers l’organisation du travail. On a ainsi vu apparaître les notions de « coopération », de transversalité, de mode projet qui, sous un vocabulaire positif, cachent des modalités de travail de plus en plus exigeantes. Pour le dire autrement, on a « déprotégé » le travail pour répondre aux exigences de marchés toujours plus concurrentiels.

L’enjeu majeur des prochaines années

À cela, on le sait, les salariés ont répondu par un désengagement progressif du travail qui atteint aujourd’hui, comme le montrent quelques études récentes, un niveau inquiétant. Face à cette situation, les entreprises se sont tournées vers des modes coercitifs de management en utilisant toujours plus d’outils permettant de contrôler ce que font ces salariés qui n’y « mettent plus du leur ». Process, indicateurs de performance et systèmes de reporting se sont multipliés, souvent de façon anarchique, rajoutant de fait une pièce dans la machine à détériorer les conditions du travail. On en est là aujourd’hui, sans qu’apparaissent de véritables alternatives permettant de sortir de ce jeu perdant/perdant. À de rares exceptions près (Michelin, Décathlon…) les tentatives pour trouver des alternatives relèvent plus du symbole ou des effets de mode que d’une réflexion construite pour rétablir la confiance entre les salariés et ceux qui les dirigent. Nul doute que ce soit là l’enjeu majeur des prochaines années.

Auteur

  • François Dupuy