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Ces entreprises qui chassent le gaspi

Décodages | Environnement | publié le : 07.05.2018 | Rouguyata Sall

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Ces entreprises qui chassent le gaspi

Crédit photo Rouguyata Sall

Les pratiques en matière de protection de l’environnement évoluent dans les entreprises. De la politique papier à la construction de bâtiments à haute qualité environnementale, en passant par la méthanisation des déchets alimentaires, zoom sur les recettes des meilleurs élèves en la matière.

Le bénéfice réalisé par les 49 entreprises témoins suivies en 2016 par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), grâce à la mise en place d’actions pour réduire la production de déchets, le tri, le recyclage ou encore la révision de leurs organisations internes est d’1,8 million d’euros par an ! Dans le contexte actuel d’épuisement des ressources naturelles et de lutte contre la pollution environnementale, la transformation passe en premier lieu par la gestion du papier, principal déchet au bureau. Depuis le 1er janvier 2018, les petites structures avec plus de 20 salariés travaillant « au bureau », ont pour obligation de trier le papier. Au cours des dernières années, de nombreux prestataires se sont lancés pour accompagner les entreprises dans le tri et le recyclage du papier, mais aussi des cartons, métaux, plastiques, verres et bois. Comme Riposte Verte, qui aide les entreprises à déployer des stratégies RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Cyril Hergott, responsable RSE, environnement et papier de Riposte Verte, accompagne de nombreuses entreprises, parfois engagées dans des démarches de certification, comme l’ISO 140001, qui donne un cadre pour intégrer les préoccupations environnementales dans les activités de l’entreprise ou le dispositif Envol (Engagement volontaire de l’entreprise pour l’environnement) pour les petites entreprises. « On va regarder les consommations, ce qui est consommé, comment on le consomme, aussi bien sur le papier des collaborateurs que pour le papier de communication externe », détaille Cyril Hergott. Mais le zéro papier n’est pas toujours l’objectif visé. « On n’est pas pour le tout numérique », précise-t-il. « C’est vraiment en fonction des usages, de comment va être réutilisé le papier derrière, de comment va être utilisée l’information. Des entreprises passent à l’envoi de factures numériques à leurs clients, à des relevés de comptes numérisés. Parfois c’est intéressant, mais on peut se rendre compte si on fait des calculs un peu plus poussés que l’impact va être plus important sur le numérique que sur le papier. L’idée, c’est d’utiliser un format ou l’autre et quand on est un gros consommateur, aller voir lequel est le plus intéressant. »

Zéro déchet et zéro gaspillage.

Le gaspillage alimentaire fait également partie des sujets traités en matière de protection de l’environnement. À la maison, comme chez les producteurs, industriels, commerçants ou encore distributeurs, contraints par la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire de 2016, qui a eu pour effet d’accélérer les bonnes pratiques, notamment le don aux banques alimentaires. Le groupe Carrefour a mis en place un programme de lutte contre le gaspillage, qui comprend des volets énergie, transport, emballages et gaspillage alimentaire. « On recycle nos cartons, plastiques et déchets alimentaires », explique son directeur RSE Bertrand Swiderski. La grande enseigne de distribution s’est fixé comme objectif de réduire les déchets alimentaires de 50 % et de les valoriser à 100 %. « On a dû trouver des filières. Nos déchets alimentaires, on peut les transformer par méthanisation en biométhane ». Ce biométhane est ensuite utilisé par les transporteurs. « D’un déchet de magasin, on a réussi à faire un carburant pour transporter nos produits », note Bertrand Swiderski.

Côté emballages, le groupe veut réduire ses achats de 5 % d’ici 2022 et favoriser leur revalorisation. Parmi les douze points de contrôles mis en place pour atteindre cet objectif, la forme des emballages a son importance. « La forme carrée des bouteilles nous permet de réduire la quantité de plastique par rapport à la forme ronde et nous permet surtout de mettre beaucoup plus de bouteilles par palette », précise le directeur RSE du groupe. Autre levier, les couleurs sur les emballages. « On va utiliser au maximum trois couleurs, pour permettre de moins nuire aux filières de recyclage en aval ». Les démarches sur les emballages vont parfois jusqu’à l’adaptation du process de leurs fournisseurs. Dernier exemple en date : les tartelettes surgelées auparavant vendues dans le plateau en aluminium où elles cuisent. Le fournisseur doit dorénavant retirer ce plateau, qui finalement devient le déchet de l’industriel et non plus celui du consommateur.

Allier écologie et économie.

Pour sensibiliser les salariés, un outil informatique de suivi des tonnages et de la revalorisation des déchets est à disposition des directeurs de magasins, qui en informent les chefs de secteur et leurs équipes au quotidien, notamment sur les coûts et les recettes liées à l’élimination des déchets. Les gains économiques peuvent inciter à réduire son impact environnemental. C’est la devise de l’Ecofrugal project, convaincre que ce qui est bon pour la planète est aussi bon pour son porte-monnaie ou son compte d’exploitation. À la tête de ce projet, Philippe Lévêque, un ancien de Wall Street, passionné par l’environnement : « On veut en permanence relier ça à l’économie, parce qu’il ne s’agit pas d’opposer écologie et économie. Non seulement elles sont compatibles mais en plus elles s’alimentent. » Après des années de réflexion et de tests, il a lancé MAEO, Mon Atelier Ecofrugal Office, pour que les bonnes intentions et l’envie d’agir des particuliers, à la base du mouvement du zéro déchet, ne s’arrêtent pas à la porte de l’entreprise. « Les gens cherchent une cohérence entre la sphère privée et la sphère professionnelle. Et inversement, des politiques zéro déchet dans les entreprises, peuvent inciter les collaborateurs à le faire ensuite à titre personnel. » Ces ateliers consistent en cinq réunions proposées par un ambassadeur salarié. MAEO met à disposition un kit d’animation pour aborder chacun des axes, « réduire l’impact environnemental des entreprises, améliorer le bien-être des collaborateurs et augmenter l’utilité sociétale ». La sensibilisation des salariés par des salariés est au coeur du concept : « On pense qu’il y a une capacité d’agir très importante des collaborateurs, des consommateurs, des citoyens. Un des premiers effets de ces ateliers est un essaimage de pratiques positives entre collaborateurs, qui ne nécessite pas forcément de prise d’actions de la part de l’entreprise. »

Gare aux repas pris dans l’entreprise.

La première session, menée lors de la semaine du développement durable en 2017 chez Oscaro, l’entreprise de commerce électronique de pièces automobiles, a porté ses fruits. Au cours des réunions, les déchets liés aux repas ont été abordés. Une des solutions proposées : les couverts réutilisables. « Les autres collaborateurs peuvent décider de faire la même chose. Ils n’ont pas besoin de l’aval de l’entreprise. Et pourtant, ça va avoir des conséquences très positives parce qu’aujourd’hui dans les entreprises tertiaires à Paris, avec la vente à emporter, il y a une explosion des déchets importés en entreprise. » Autre exemple, la réutilisation des sacs qui contiennent les repas ou l’utilisation d’une « lunch box », la traditionnelle gamelle qui fait son grand retour. L’atelier « Pédalons » permet d’aborder l’impact des déplacements. Et puis plus généralement la consommation d’électricité et l’énergie en entreprise. Dans les ateliers suivants, les employés échangent sur la réduction des déchets, les achats durables et responsables, le tri et le recyclage, et l’alimentation. Le cycle se clôture avec la présence d’un représentant de la direction qui prend note des suggestions. Au sein de l’entreprise Oscaro, les remontées des collaborateurs ont ainsi été rapidement transformées en actions. « Depuis les ateliers, on a mis en place une solution de recyclage dans les bureaux, puisqu’il n’y avait pas de possibilité de tri », explique Jean-Damien Lemettre, conseiller du président d’Oscaro. Papier, canettes, bouteilles en plastique et gobelets sont dorénavant triés. « Et à côté on a mis un bac assez global, qui permet de mettre les piles, les ampoules, etc., pour permettre à nos collaborateurs, de ramener également des déchets de chez eux », ajoute Jean-Damien Lemettre.

Donner une seconde vie aux objets, matériaux et outils utilisés peut également être une stratégie pour réduire sa production de déchets. Permettre la réutilisation est un des enjeux de la politique environnementale au sein du groupe La Poste. « Nous revendons nos véhicules usagés ou amortis, aux particuliers ou à des associations », indique Antoine Doussaint, directeur RSE adjoint. « Idem pour le mobilier. Nous faisons fait des dons quand nous n’en avons plus besoin au lieu de les mettre à la benne. Même chose pour les ordinateurs. »

ISO 14001 pour les gros émetteurs de déchets.

Côté papier, La Poste a mis en place différentes actions. « On a identifié les sites les plus émetteurs de déchets, essentiellement nos sites industriels, les plateformes colis par exemple, ou l’imprimerie des timbres-postes. Ces sites sont mis sous contrôle via la norme ISO 14001, pour s’assurer du parfait traitement de tous les déchets. » Sur les autres sites, le service Recy’go a été développé depuis 2012 pour favoriser la collecte des papiers, d’abord au siège du groupe, réparti sur trois sites à Issy-les-Moulineaux et Paris, qui concernent 4 000 personnes environ. « On a mis en place des dispositifs de collecte spécifiques au papier, au carton, au plastique avec des bennes particulières, une signalétique particulière et des rappels pour les utilisateurs. » Ce service interne est par ailleurs devenu une prestation proposée à d’autres entreprises, dans le cadre d’une société commune lancée en mars 2018 avec le groupe Suez.

Le gaspillage énergétique est aussi au coeur de la politique environnementale de La Poste, qui occupe 12 000 bâtiments, propriétés et locations confondues, alimentés par de l’électricité d’origine renouvelable. La stratégie énergétique se retrouve à différents niveaux. Les nouvelles constructions sont réalisées dans le cadre d’une démarche Haute Qualité environnementale (HQE), et même, pour un futur site tertiaire, sous le label Bepos, bâtiment à énergie positive, qui consomme moins d’énergie qu’il n’en produit. Pour les rénovations lourdes, le groupe s’est engagé à être conforme aux labels de rénovation BBC (Bâtiment basse consommation), et Effinergie Rénovation pour les bâtiments construits avant 1948. « On s’est beaucoup intéressé au mix énergétique, à ce que consomment les bâtiments en termes de source d’énergie », indique Antoine Doussaint. Au sein du groupe La Poste, au moins 44 des plus gros sites sont aujourd’hui recouverts de panneaux photovoltaïques. De quoi donner des idées aux autres.

Auteur

  • Rouguyata Sall