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Idées

Sur les chemins de faire

Idées | Bloc-notes | publié le : 06.04.2018 | Bénédicte Tilloy

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Sur les chemins de faire

Crédit photo Bénédicte Tilloy

Je t’aime, moi non plus.

J’ai passé 27 ans dans une grande organisation verticale, très hiérarchisée et cloisonnée. L’obéissance est inscrite dans le règlement général de sécurité, obéissance aux signaux et à la réglementation, certes, mais cela dit son style et peut-être aussi sa raideur. J’ai aimé cette entreprise et je l’aime toujours. Pendant toutes ces années, au fil des postes à responsabilité que l’on m’a confiés, je ne m’y suis jamais sentie empêchée d’agir. Il fallait certes beaucoup d’énergie pour casser les silos et mettre en œuvre les projets, mais j’ai toujours eu la chance de bénéficier d’autonomie, de la confiance de mes dirigeants et de mes équipes. J’ai personnellement beaucoup de reconnaissance envers les cheminots, mes anciens collègues, avec lesquels j’ai vécu autant d’épisodes exaltants que tragiques. Je ne regrette aucun des moments passés, ni d’être partie pour une autre vie professionnelle, d’ailleurs enthousiasmante.

Ni des profiteurs ni des privilégiés.

La SNCF – puisqu’il s’agit d’elle – est particulièrement montrée du doigt ces dernières semaines. Elle fait l’actualité plus que d’habitude, comme si cela était possible encore ! Elle est déjà si habituée à recevoir tous les jours son lot de mauvaise humeur et d’horions : ces tweets assassins postés depuis le quai par des élus qui attendent un train en retard, ces “Unes” faciles qui cherchent la rime avec “déraille”, les tracts distribués en gare qui prennent à partie les usagers sur les conditions de travail, et un “Envoyé Spécial” de temps à autre pour ajouter de l’acide sur les plaies internes. Pendant toutes ces années, je m’en suis indignée de l’intérieur, j’ai souffert de ces invectives, de ces blessures d’orgueil infligées par une opinion “injuste”… Dans mon livre de comptes personnels, je passais mes écritures et mettais en face de ce passif, mes actifs, ou mes activités de la semaine ou du mois : les week-ends d’astreinte passés en salle de crise, les dimanches soir les pieds dans la neige à attendre le dernier train pour distribuer des bons de retard, les coups de fil aux équipes en route vers la “relève d’un dérangement”, bref, tous ces moments de fatigue à encourager les bonnes volontés. Et je n’étais qu’une parmi les autres, car contrairement à l’opinion admise, les cheminots ne sont ni des profiteurs ni des privilégiés.

Silos et engagement.

Pourtant, quand les équipes s’épuisent et que les clients sont mécontents, c’est bien le signe qu’il faut changer les choses. Quand les dirigeants sont à la manœuvre et que le bateau n’avance plus, c’est tout le système qui doit bouger. Les cheminots aiment leur métier, et sont investis dans leur entreprise. Ils sont les premiers à souffrir quand le service rendu n’est pas satisfaisant. Je pense personnellement qu’on pourrait leur faire davantage confiance pour trouver par eux-mêmes des solutions aux dysfonctionnements qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur métier, et encourager leurs initiatives. Mais pour ce faire, tous les silos doivent sauter, partout. Les syndicats tiennent absolument au pilotage par filière métier, les dirigeants au pilotage par activité. Certes, les filières métier construisent les parcours de carrière, et les activités les modèles économiques. Mais depuis l’avènement du numérique, les expériences de l’usager qu’il soit client ou salarié sont les seules qui comptent. C’est cette réforme-là qu’il ne faut pas manquer. Quant au reste, que les choses se fassent pour ne rien regretter. Mais pourvu que ce qui se joue en ce moment n’abîme ni l’engagement des clients de la SNCF ni celle de ses personnels.

Auteur

  • Bénédicte Tilloy