Bienvenue au pays du roi Ubu où les règles deviennent un enfer. Le sociologue Christian Morel « fait parler » la boîte noire des relations humaines. Il met en lumière ce que les organisations et le travail de groupe ont de plus absurde.
Christian Morel s’attaque, dans ce troisième volet, à deux nouveaux gisements d’absurdités : l’enfer des règles et les pièges que ménage la vie des groupes. L’inflation des règles est devenue un boulet universel. Alors que nous pensons facilement à la prolifération des règles étatiques, c’est du côté des règles privées que les exemples sont les plus risibles. En fait, nous ne savons plus si nous devons en rire ou en pleurer.
L’auteur démontre comment les organisations engendrent des procédures, des normes, des règles de certification irrationnelles. Pour cela, il s’appuie sur de nombreux exemples : l’aéronautique qu’il affectionne particulièrement (comment une norme, censée garantir le maximum dans une situation risquée, finit par l’aggraver ?), les maisons de retraite où les soirées crêpes ont disparu ou encore le musée du Louvre qui stipule dans son règlement que les visites en maillot de bain sont interdites. Heureusement, il ne se contente pas de dresser une photographie de situations ubuesques, il apporte des solutions utiles et originales.
La seconde partie ravira les lecteurs amateurs de sociologie. Christian Morel identifie les « pièges relationnels », c’est-à-dire les interactions de terrain. Ce sont, en fait, les pièges du “travailler ensemble”. Le sociologue va démonter les rouages de l’aveuglement collectif.
Il s’agit des incompréhensions dues au langage (le timonier du Costa Concordia ne comprenait pas les ordres du capitaine parce qu’ils étaient émis en anglais) ou au défaut de verbalisation, du rôle négligé mais décisif de la convivialité (le groupe trop amical n’aborde pas les sujets qui fâchent), des importantes lacunes de la check-list de bloc opératoire, etc. Christian Morel un est « détecteur d’absurdités programmées ».
Son regard met en évidence des situations inattendues, des engrenages inaperçus. Ils sont souvent comiques : dans un hôtel, les petits porte-manteaux derrière les portes ont été vissés à l’envers. Les crochets ont alors été pris pour des antennes décoratives et sont restés ainsi installés. Elles ont parfois des conséquences dramatiques comme l’accident du vol Paris-Rio AF 447 suite à un défaut de communication entre le pilote et son co-pilote. Ouvrage indispensable pour repenser les organisations et les relations.
, Christian Morel. Gallimard. 260 pages, 20 euros. Disponible le 26 avril 2018.
