Quelle claque ! Avec un franc-parler ravageur, Didier Bille, ex-DRH de grands groupes, révèle dans son livre les agissements douteux de ses anciens employeurs dans le traitement de leurs salariés. La pression constante à faire du chiffre, les humiliations publiques, les licenciements abusifs, le harcèlement moral, le flicage sur les réseaux sociaux… Tout y passe. Et les DRH, précise d’emblée l’auteur, ont une grande part de responsabilité dans ce désastre social. « La fonction ressources humaines est aujourd’hui l’exécutrice des basses œuvres, la fossoyeuse de salariés devenus inutiles et la conteuse qui habille ces pratiques pour les rendre plus acceptables », dénonce-t-il crûment dans son introduction. La suite du livre enchaîne les anecdotes glaçantes et à peine croyables sur les entretiens expéditifs de licenciements, les ficelles des DRH pour éviter de débourser trop d’argent dans les plans sociaux ou encore les techniques pour intimider les salariés qui voudraient se syndiquer ou porter plainte contre leur patron.

Heureusement pour elles, les entreprises incriminées ne sont jamais nommées. « Les identifier n’a aucune importance. Chaque fait décrit, chaque anecdote mentionnée n’est pas propre à une entreprise en particulier, mais symptomatique d’un système, d’une idéologie qui constituent aujourd’hui la norme. » L’auteur a cependant lâché quelques noms devant les nombreux micros qui se sont tendus, comme General Electric France ou encore NXP, un fabricant de semi-conducteurs.

En plus des multinationales, Didier Bille profite de ce livre pour régler ses comptes avec les cabinets de recrutements, qu’il décrit comme les plus grands pourvoyeurs de discriminations. Quelques scènes et propos rapportés donnent ainsi un triste aperçu de la misogynie et du racisme de quelques-uns… Ces derniers ne sont pas plus épargnés que leurs confrères consultants, présentés ici comme des inventeurs de théories fumeuses, que les RH s’empressent de gober sans le moindre esprit critique. C’est le cas de la sacro-sainte « guerre des talents ».

À ce tableau s’ajoutent également les figures inénarrables des dirigeants, monstres froids uniquement motivés par les retraites chapeaux et les rétributions bonus. Copinage, emplois fictifs, favoritisme, fraude fiscale… La liste de leurs écarts et malversations financières donne le tournis.

Et l’auteur dans tout ça ? Didier Bille ne se ménage pas et assume pleinement avoir participé à ce système, « par ignorance, bêtise ou paresse, sans doute un peu des trois et surtout du troisième ». On ne saura jamais vraiment ce qui l’a poussé à la rédaction de ce livre, ni pourquoi le dégoût de ces pratiques a pris le pas sur le reste. Ne reste finalement que la fureur d’écrire, que l’on sent palpiter à chaque ligne, ce besoin de tout faire voler en éclat, d’aller fouiller les poubelles du monde du travail pour nous les mettre sous le nez. Âmes sensibles, accrochez-vous, l’odeur risque de vous faire tourner de l’œil.

, Didier Bille, Cherche-midi, 272 pages, 18 euros.