logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

À la une

Doper les compétences des chômeurs

À la une | publié le : 06.04.2018 | Valérie Auribault

Image

Doper les compétences des chômeurs

Crédit photo Valérie Auribault

Le regain de croissance et le boom des créations d’emploi devraient logiquement faire décroître sensiblement le nombre de chômeurs. À condition que les demandeurs d’emploi aient les profils recherchés. D’où le vaste plan de formation des chômeurs de longue durée qui va être mis en place dès cette année afin de résorber le chômage. Le bon plan, enfin ?

Près de 15 milliards d’euros (plus précisément 14,6 milliards) investis d’ici 2022 pour relever le niveau de compétences des demandeurs d’emploi. C’est l’objectif du plan annoncé par le Gouvernement en septembre dernier. « Un plan. Encore un !, constate Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail. Si on en arrive là au bout du compte, c’est que l’Éducation nationale est la première usine à chômeurs. La formation comme l’orientation ne sont pas au niveau. » Un déficit de qualification plus élevé que dans les autres pays d’Europe. Selon l’OCDE, 23,4 % des salariés français de 15 à 64 ans sont sous-qualifiés. Pour pallier cette situation, les gouvernements successifs ont proposé moult plans. En 2008, il y a eu le « tout mieux que l’inactivité » de Nicolas Sarkozy avec ses 370 000 contrats aidés pour relancer l’emploi. Puis, en 2012, le déblocage d’un demi-milliard d’euros pour financer de nouvelles mesures dont l’embauche d’un millier de salariés supplémentaires pour le service public de l’emploi. Sans grands résultats. En 2016, François Hollande annonce la création de 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d’emploi. Ceci afin de renforcer les compétences des demandeurs d’emploi. Un plan qui n’est en réalité que le complément d’un dispositif existant depuis 2013. Avec, au final, un bilan mitigé. Trop de précipitation pour certains. Pas assez de réflexion et de coopération entre les acteurs de terrain pour d’autres. « Les formations envisagées étaient de plus courte durée pour ce plan, souligne Aline Valette, chargée de mission partenariats régionaux au Cereq. De plus, l’analyse des besoins des personnes entrant en formation n’avait pas été faite en amont. La formation doit être identifiée par le demandeur d’emploi et son conseiller afin qu’elle soit pertinente et en adéquation avec le parcours de l’intéressé. Faire une formation pour répondre aux secteurs en tension, certes. Mais les parcours individuels doivent être pris en compte ».

D’autres paramètres sont aussi mis de côté. « On ne fait pas toujours un métier pour lequel on a été initialement formé, observe Céline Gasquet, directrice de l’Observatoire régional des métiers de PACA. On l’oublie souvent quand on pense en termes de politiques publiques. » Et souvent, un salarié n’occupe pas un poste en corrélation avec ses qualifications. « On peut observer un décalage entre les compétences et le poste occupé, poursuit Céline Gasquet. C’est notamment le cas dans la vente avec les personnes ayant obtenu un Bac pro qui se retrouvent vendeur au lieu d’être responsable. Ou caissier pour ceux qui ont suivi un CAP ou un BEP vente au lieu d’occuper le poste de vendeur. » Pour autant, suivre une formation s’avère toujours utile dans la perspective d’un retour à l’emploi, selon Audrey Pérocheau, directrice du programme Formations de Pôle emploi : « Nous avons enregistré 56 % de retours à l’emploi pour les personnes ayant eu accès à une formation. Depuis le plan 500 000 formations, qui a connu un certain nombre de réussites, s’est opérée une prise de conscience concernant l’importance des compétences afin de démontrer à un recruteur que le postulant a les capacités dont l’entreprise a besoin ». Une prise de conscience nécessaire car beaucoup de salariés n’ont jamais eu de véritable formation à leur entrée dans la vie active. « Les gens sont déformés. Après 20 à 30 ans dans la même entreprise avec très peu de formation, le niveau d’employabilité s’avère très faible », constate Pierre Courbebaisse, président de l’Afec, organisme de formation professionnelle et continue.

Formations longues et certifiantes.

Le plan esquissé par le gouvernement d’Édouard Philippe est, à ce titre, différent des précédents. En premier lieu, il s’attaque au chômage structurel et non conjoncturel. C’est-à-dire les personnes les plus éloignées de l’emploi. 7,1 milliards d’euros seront consacrés à la formation d’un million de chômeurs les plus éloignés de l’emploi, 6,7 milliards d’euros à former 800 000 jeunes décrocheurs. L’objectif visé est de pérenniser l’emploi d’au moins 300 000 personnes appartenant à l’un ou l’autre de ces profils. Le dispositif prévoit également une Garantie jeunes afin qu’au moins 100 000 jeunes en situation de précarité soient pris en charge chaque année. Et contrairement aux expériences passées, les formations longues et certifiantes sont privilégiées. Selon une étude du Cereq réalisée en région Paca pour la période 2013-2015 sur un public ayant suivi une formation certifiante de type BEP ou bac pro, le retour à l’emploi, deux ans après la fin de la formation, augmente de 10 points par rapport à un public non formé. « L’accroissement a été significatif concernant l’employabilité pour toutes les tranches d’âge des personnes concernées et ayant suivi une formation longue et certifiante par rapport aux personnes ayant effectué une formation de courte durée », souligne Aline Valette.

Accompagner les petites structures.

Une réalité constatée par Céline Gasquet : « Il est de plus en plus difficile pour les non-diplômés et les non-qualifiés de trouver un emploi. Il y a une véritable transformation des métiers notamment dans le secteur de l’industrie. Les employeurs attendent davantage de qualifications de la part d’un postulant ». Les compétences peuvent certes manquer dans certains domaines. Pour autant, le manque de qualification n’explique pas tout. « Certes, il y a des secteurs en tension, poursuit Céline Gasquet. Mais pourquoi le sont-ils ? Souvent, les conditions de travail pour le poste proposé sont difficiles et peu attrayantes et les demandeurs d’emploi ne se positionnent pas. Il peut aussi y avoir un manque de visibilité de l’entreprise concernant le poste. C’est souvent le cas dans les TPE où il n’y a pas vraiment de direction des ressources humaines et où le chef d’entreprise doit mener seul le recrutement de bout en bout alors qu’il a bien d’autres tâches qui lui incombent. Il est important d’accompagner les petites structures afin d’apporter la bonne réponse à leurs besoins ». L’entreprise est aussi un lieu de formation pour les compétences les plus spécifiques et les plus pointues, notamment à travers les formations en alternance et professionnalisantes. « L’immersion en entreprise produit plus rapidement de la compétence, estime Philippe Scelin, vice-président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP). Les centres de formation et les entreprises ont tout intérêt à travailler ensemble car cette alternance est essentielle et au final, tout le monde y gagne ». Mais la concertation ne doit pas s’arrêter là. « Les branches professionnelles n’ont pas de réponse à leurs besoins à courts et moyens termes, poursuit Philippe Scelin. Cela nécessite un maillage plus global. Les branches, les partenaires sociaux, les régions et l’État, tous doivent travailler de concert. »

Répondre aux besoins des entreprises, c’est aussi l’idée de ce plan gouvernemental. Ce dispositif prévoit le développement de nouvelles prestations comme la sensibilisation aux compétences relationnelles et aux nouvelles postures professionnelles. Travailler en équipe, être autonome et polyvalent, des qualités de plus en plus recherchées. « Il faut intégrer l’évolution des métiers au sein des formations.

Relancer l’activité.

Aujourd’hui, un cuisinier va en salle au contact de la clientèle, rappelle Pierre de Courbebaisse. Et le numérique est partout, y compris dans les métiers du bâtiment avec les objets connectés. Être couvreur aujourd’hui demande bien plus de qualifications que le professionnel du bâtiment d’autrefois. Les formations doivent retrouver de la crédibilité, être certifiantes et lisibles sur un CV. »

Pour autant, tous les demandeurs d’emploi n’ont pas forcément besoin d’une formation courte ou longue. Les dossiers doivent être traités au cas par cas et les structures accompagnantes offrir un large panel de solutions. « Au final, la formation ne peut pas tout, estime Bruno Ducoudré, économiste à l’OFCE. Il faut s’interroger sur ce qui est mis en place par le système éducatif. Les mutations technologiques et les secteurs qui se développent sont aussi à prendre en considération. Et se former et répondre aux impératifs du marché prend du temps. » Du temps et une autre vision que celle proposée cette dernière décennie par les gouvernements successifs ? « Ce n’est pas forcément la bonne méthode, souligne Anne Eydoux, économiste et maîtresse de conférences au Cnam. La France manque d’emplois. On ne peut laisser croire que c’est le manque de compétences des chômeurs qui explique cette situation. Si les besoins en main-d’œuvre étaient plus importants et les offres d’emploi suffisantes, les personnes en recherche d’emploi trouveraient du travail et leur employeur serait prêt à investir dans leur formation. Il faudrait pour cela relancer l’activité. Une politique d’investissements publics et de création d’emplois est nécessaire. Elle permettrait en outre de répondre aux défis sociaux comme l’éducation et la santé et environnementaux comme la transition écologique. Mais avec des budgets d’austérité, nous n’en prenons guère le chemin ».

Après la politique de l’offre privilégiée par François Hollande à la fin de son quinquennat, Emmanuel Macron ouvre une nouvelle voie, afin d’adapter les compétences aux besoins de main-d’œuvre. Avec l’amélioration constatée de la conjoncture, il a des atouts dont ne disposaient pas ses prédécesseurs.

Quand Pôle emploi favorise les compétences

Proposer aux employeurs des critères alternatifs pour sélectionner les candidats en soumettant ces derniers à des tests de mises en situation. C’est la Méthode de recrutement par simulation (MRS) lancée en 1995 par Pôle emploi. Le candidat postule à une annonce. S’ensuit une réunion avec son conseiller et le recruteur qui lui présentent le poste, ses conditions d’exercice et l’entreprise. Le candidat, seul ou en groupe, est soumis à des séances d’évaluation. Une mise en situation pour simuler le travail du poste proposé. Une méthode d’évaluation objective, efficace et centrée sur les exigences du poste de travail, estime Pôle emploi. Mise en place pour répondre aux besoins de recrutement dans le secteur de l’industrie, le concept s’est adapté à l’évolution des métiers au fil du temps. La MRS permet à un candidat de postuler à un emploi en dehors des critères habituellement exigés (diplômes et expérience professionnelle). L’exercice se fonde uniquement sur ses habilités et sa capacité à occuper un poste de travail. Ouverte à tous, la MRS permet d’opérer une transition professionnelle et répond aux besoins des secteurs en mal de candidats. Le concept élargit le nombre de postulants ce qui multiplie les chances de l’employeur de trouver le profil recherché. La MRS est aujourd’hui déployée sous la forme de 654 séances adaptées selon les situations de chaque entreprise et du poste de travail proposé. Le dispositif fait actuellement l’objet d’un développement afin de répondre aux besoins des grandes entreprises mais aussi aux TPE et PME qui éprouvent plus de difficultés que les grands groupes à recruter.

V.A.

Auteur

  • Valérie Auribault