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Les parcours emploi compétences (seront-ils) plus efficaces que les contrats aidés ?

Idées | Débat | publié le : 07.03.2018 |

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Les parcours emploi compétences (seront-ils) plus efficaces que les contrats aidés ?

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Depuis janvier dernier, les contrats aidés sont désormais transformés en « parcours emploi compétences ». Sous cette dénomination, le gouvernement entend mettre en œuvre un nouveau dispositif, avec un volet formation obligatoire, pour des publics éloignés du marché de l’emploi. Une réforme qui fait débat.

Hugues Vidor Président de l’Udes, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire.

Dans son rapport relatif à la lutte contre l’exclusion du marché du travail, Jean-Marc Borello propose de remplacer les contrats aidés « classiques » par le « parcours emploi compétences » (Pec) basé sur une formation et un accompagnement renforcés et personnalisés du titulaire du contrat. Cette proposition va dans le bon sens. L’Udes, qui a participé à la consultation dans le cadre de ce rapport, défend depuis plusieurs mois une formule rénovée de ces contrats intégrant une ambition forte en matière de formation et donnant une visibilité aux employeurs. Il s’agit là de conditions indispensables pour le retour à l’emploi de personnes éloignées du marché du travail et ne disposant pas des qualifications et compétences nécessaires. Néanmoins, des questions se posent sur la mise en œuvre de ce nouveau dispositif. Tout d’abord en matière de financement : il est proposé de réserver 100 millions d’euros du plan investissement compétences (Pic) pour la formation des sortants du Pec et pour l’insertion par l’activité économique (IAE). Si cette proposition est louable, elle est malheureusement insuffisante aux regards des besoins exprimés sur le terrain par les acteurs de l’IAE. Ces derniers ont évalué à 345 millions d’euros les financements nécessaires pour améliorer de façon significative le retour à l’emploi des personnes inscrites dans leur parcours d’insertion. Basée sur les données de la Dares et les résultats d’une expérimentation alsacienne, cette estimation prend en compte 100 heures de formation pour 150 000 personnes par an intégrant le coût pédagogique de la formation et celui de la rémunération. Autre interrogation : l’employeur-abilité qui déterminera l’éligibilité des employeurs aux Pec. Si ce concept correspond bien à la façon dont les entreprises de l’ESS abordent la question des politiques d’insertion (publics cibles, méthode…), il reste à clarifier les conditions de sa mise en œuvre en lien avec les prescripteurs et l’État. L’Udes demande enfin une programmation pluriannuelle sur la durée du quinquennat permettant de sortir des logiques « stop & go » préjudiciables au développement des parcours d’insertion et professionnels.

Bertrand Martinot Senior fellow apprentissage, emploi, formation professionnelle à l’Institut Montaigne.

Ils pourront difficilement être moins efficaces que les contrats aidés non marchands que nous pratiquons depuis tant d’années ! Je rappelle que, depuis les années 1990, la France y recourt plus que de raison, privilégiant la quantité (surtout en période pré-électorale) à la qualité (l’efficacité en termes de retour à l’emploi). D’après l’OCDE, nous sommes les champions absolus des emplois aidés non marchands. Au fil du temps, addiction aidant, ces contrats sont trop souvent devenus des aides à des associations et à des collectivités locales, confrontées à des difficultés financières, plutôt que de véritables outils de la politique de l’emploi. L’inefficacité de ces contrats (mesurée par l’écart entre les taux d’insertion pour des populations comparables, avec ces dispositifs et sans ces dispositifs) a été maintes fois prouvée en France et à l’étranger. Au-delà de la boutade, je note plusieurs points positifs dans ces futurs « Parcours emploi compétences » lancés par le gouvernement. Le choix de la qualité tout d’abord : la signature de ces contrats par les employeurs sera conditionnée à l’existence d’un véritable parcours d’insertion. L’employeur devra donc démontrer qu’il propose une offre d’insertion de qualité. Le taux de prise en charge du coût du travail par l’État est également une amélioration. De 80 – 90 %, il tombe à 30 – 60 %. Cela va permettre de responsabiliser davantage l’employeur. En effet, quand vous ne portez pas vous-même une partie significative du coût d’un salarié, vous ne vous sentez pas vraiment responsable : le salarié ne vous coûte rien, vous ne lui devez rien, il ne vous doit rien, vous êtes quitte. Il reste que le succès de cette mesure dépendra de la manière dont elle sera appliquée sur le terrain mais aussi du nombre de contrats que l’État voudra « placer ». Il est possible de faire 150 000 contrats de qualité, mais si l’objectif est d’en faire 400 000 ou 500 000 par an comme sous le quinquennat Hollande, c’est simplement une politique du chiffre, quelles que soient les bonnes résolutions qui figurent dans les circulaires ministérielles.

Anne Fretel Université de Lille, Clersé – associée IRES, l’Institut de recherches économiques et sociales.

Dans le contexte actuel, où le dispositif des contrats aidés est décrié sans nuance, le rapport Borrelo a le mérite de remettre en lumière deux résultats qui ressortent de façon récurrente des études relatives à l’efficacité des dispositifs d’insertion et d’accompagnement en termes de retour à l’emploi. En premier lieu, la capacité d’un contrat aidé d’être un « contrat aidant » suppose de pourvoir co-construire avec la personne un « tryptique mêlant accompagnement/emploi/formation » (Rapport Borrelo). Il s’agit de sortir d’une logique d’accompagnement « séquentielle linéaire » pour s’orienter vers une logique « itérative »1 c’est-à-dire de sortir de « prestations » d’accompagnement ou de formation prédéfinies pour aller vers la production d’un « service »2 qui s’ajuste au couple formé par la personne et son projet. Dans cette optique, l’expérience de travail (en non plus seulement l’emploi dans sa dimension contractuelle) est un point d’appui et un point d’accroche pour construire un parcours personnalisé et ajusté. En second lieu, le rapport rappelle que l’entreprise peut elle-même être engagée dans la construction des parcours. La dynamique économique de l’entreprise (sa santé et son modèle économique, son organisation et son collectif de travail) et sa capacité à exercer, dans toute son étendue, la fonction d’employeur sont essentielles pour que l’expérience de travail tout au long du contrat aidé soit une expérience apprenante. Le rapport Borello rappelle très justement qu’« entreprise » et « employeur » sont deux figures distinctes3 et qu’un des leviers des politiques d’emploi trop souvent oublié est le renforcement de l’« employeur-abilité » : « les aides à l’emploi doivent accompagner les employeurs autant que les demandeurs d’emploi » (Rapport Borello).

Ce qu’il faut retenir

//Le parcours emploi compétences est prescrit dans le cadre d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE) réalisé dans le secteur non marchand.

//L’employeur doit garantir l’accès à la formation et à l’acquisition de compétences (remise à niveau, pré-qualification, période de professionnalisation, VAE, acquisition de nouvelles compétences…).

//La mesure cible les publics les plus éloignés du marché du travail notamment les travailleurs handicapés ou les résidents des quartiers prioritaires de la ville.

//La réforme s’inspire notamment des recommandations du rapport « Donnons-nous les moyens de l’inclusion » publié le 16 janvier 2018 et commandé le 5 septembre 2017 par Muriel Pénicaud, ministre du Travail, à Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS et expert de l’économie sociale et solidaire.

En chiffres

de 30 % à 60 %

C’est le montant de l’aide accordée aux employeurs (exprimé en pourcentage du Smic brut) dans le cadre du parcours emploi compétences.

Source : ministère du Travail (www.travail-emploi.gouv.fr).

12

C’est, en nombre de mois, la durée du parcours emploi compétences (qui ne peut pas être inférieure à 9 mois).

Source : ministère du Travail (www.travail-emploi.gouv.fr).

[1] Voir notamment sur cette distinction Duclos L., éd. (2013), Recueil des travaux préparatoires au Séminaire DGEFP « Appui au recrutement et médiations pour l’emploi » du 24 octobre 2013.

[2] Sur cette distinction voir Fretel A. et Grimault S. (2016), « Note pour l’intervention au COE, 2 février. L’évaluation de l’accompagnement dans les politiques d’emploi : stratégies et pratiques probantes », « L’entrepreneur ne fait pas l’employeur », Métis, 1er juin