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Idées

Et si la gauche libérait (vraiment) le travail ?

Idées | Livres | publié le : 07.03.2018 | Lou-Eve Popper

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Et si la gauche libérait (vraiment) le travail ?

Crédit photo Lou-Eve Popper

Thomas Coutrot fait le procès de la gauche, incapable d’après lui de repenser l’organisation du travail pour le rendre vraiment démocratique. Avant de proposer ses solutions.

Difficile de dire pour qui Thomas Coutrot a voté aux dernières élections présidentielles françaises. Car la gauche aujourd’hui semble décidément décevoir cet économiste libertaire et militant altermondialiste de la première heure. Parmi les candidats, Benoît Hamon et son revenu universel d’existence ont dû probablement l’agacer. Car pour lui, ce type de proposition, certes intéressante, est néanmoins un signe de paresse intellectuelle. Celle de la gauche qui, justement, a renoncé à repenser l’organisation du travail et se contente d’imaginer ce qui pourrait épanouir l’homme en dehors de celui-ci. Cette même gauche qui postule également que les nouvelles technologies vont raréfier le travail. Or non seulement le travail ne va pas disparaître, assure Coutrot, mais par ailleurs, l’homme est capable d’être heureux au travail. Le tout est de faire reculer la division du travail entre ceux qui pensent et ceux qui exécutent. Une idée que la gauche n’a pas été capable jusqu’ici de défendre.

Avec un brin d’amertume, Thomas Coutrot amorce ainsi son livre en dressant un panorama peu glorieux de la gauche, de la fin du XIXe siècle à nos jours. Une partie de cette dernière, productiviste et étatiste, « a ouvertement adhéré au mythe de l’organisation scientifique du travail comme source d’abondance ». L’autre, dont se réclame Coutrot, a critiqué la vision mécaniste et déshumanisante du taylorisme sans pour autant proposer de réelle alternative. Finalement, constate avec étonnement l’auteur, les seuls à s’être réellement préoccupés de faire advenir une nouvelle organisation du travail, plus égalitaire et plus participative, ne sont pas les syndicats ni les intellectuels mais bien les patrons.

Collaboration et sollicitude

Pourquoi les ouvriers eux-mêmes se sont-ils résignés à cette absence d’autonomie au travail ? C’est que, souligne Coutrot dans la dernière partie de son ouvrage, les ouvriers sont, depuis l’avènement du capitalisme et du salariat, englués dans ce qu’il appelle le « travail abstrait ». Soit cette somme de tâches identiques, parcellaires et surtout complètement déconnectées du produit final. Les ouvriers ne voient plus pourquoi ils travaillent, ni ce qu’ils fabriquent. Pour le dire simplement, le salariat a eu cet effet pervers de faire perdre au travail son sens et de pousser les ouvriers à se préoccuper avant tout du chèque de fin de mois.

Face à cet état de fait, Coutrot propose deux stratégies. D’abord prendre exemple sur le travail collaboratif issu du Web pour instaurer une vraie démocratie dans l’entreprise. Et redonner toute son importance à l’éthique du « care » portée par les femmes, à savoir « l’attention à l’autre, le patient, l’usager et même la collègue ». De quoi permettre d’apercevoir les effets concrets « vivants » de son travail. Ce serait les seuls moyens susceptibles de faire barrage à la souffrance au travail, qui pèse sur tant de personne aujourd’hui.

Libérer le travail

, Thomas Coutrot, Seuil, 320 pages, 20 euros.

Auteur

  • Lou-Eve Popper