Lorsqu’on lui demande quelles dates ont marqué sa carrière, Gilles de Margerie s’efface devant l’Histoire. Il raconte l’Union soviétique en train de se défaire en 1992, l’entrée en bourse du Crédit Agricole en 2001 ou les prémices de la crise de 2008. Fraîchement nommé Commissaire général de France Stratégie, Gilles de Margerie est de ceux qui « embarquent » leur interlocuteur, tellement il a été aux avant-postes des ruptures de notre société. Comment ce qui pourrait se passer dans cet immense bâtiment de l’avenue Ségur pourrait-il ressembler à la chute de Lehmans ou à la transformation de la Vnechtorgbank russe ? Les yeux de Gilles de Margerie pétillent pourtant : « Je trouve une maison [France Stratégie] qui a une dynamique et un gouvernement qui en attend beaucoup ». C’est la phrase qui confirme qu’il est la bonne personne, au bon endroit, au bon moment. Macroniste de la première heure (il ne s’en cache pas), il souhaite que France Stratégie, descendant du vieux Commissariat au Plan de Jean Monnet et Charles de Gaulle, et dorénavant think tank de Matignon, éclaire la voie de la réforme.

Pour le nouveau commissaire général, « France Stratégie a un rôle important à jouer au moment où notre pays met en œuvre un programme intense de réformes. Elle contribuera à les préparer et les évaluer. Force de proposition, elle continuera à mettre dans le débat public des analyses sur les grandes évolutions économiques et sociales à moyen et long terme de notre pays dans son environnement européen et international. Elle renforcera ses capacités d’évaluation des politiques publiques et d’organisation de débats et de concertations. »

Ce poste, il le voulait et l’espérait très fort. Même pendant ses vingt-cinq années passées dans le secteur privé, il n’a cessé de s’intéresser aux politiques publiques. Il a fondé en 2000 En temps réel, un laboratoire d’idées associant universitaires, élus et représentants de la société civile, dont l’objet est d’appréhender les nouvelles régulations, les mutations de la société et les exigences de la mondialisation. En 2011, il a également créé la Fondation pour les sciences sociales qui soutient et contribue à diffuser des travaux de recherche dans tous les domaines des sciences sociales.

Avec sa nomination à la tête de France Stratégie, il revient à ses premières amours professionnelles. Agrégé de sciences sociales, diplômé de Normale Sup et de l’Ena (inspection des finances), Gilles de Margerie a débuté sa carrière dans les années 1980 au ministère de l’Industrie, puis a conseillé Michel Rocard. Avenue de Ségur, il dirigera une équipe composée de plus de quarante experts permanents (économistes, juristes, ingénieurs, sociologues…), quinze conseillers scientifiques qui travaillent au sein de quatre départements sectoriels, et une vingtaine d’agents affectés aux fonctions support (RH, finances, affaires intérieures et archives). Quel genre de manager sera-t-il dans cette administration de mission ? La question l’interpelle en même temps qu’elle l’amuse : « Le mieux, c’est que j’aille me chercher un café pendant que vous en parlez avec mes collaborateurs ». Ce qu’il pense être ? « Exigeant », « ouvert aux idées des autres », « ayant toujours le réflexe de demander aux autres de partager ». Si le nom n’était pas déposé, on aurait volontiers qualifié Gilles de Margerie d’« agitateur d’idées ». L’idée le fait sourire. Sa photo officielle ne lui rend pas justice. On hésitera à le lui dire. À sa demande, une autre date est ajoutée dans son CV : « On ne peut pas parler de mon parcours sans faire apparaître 2017, l’année de mon retour dans le public ». Dont acte.

1992

Conseiller technique au département international de Maison Lazard & Cie

2001

Directeur général adjoint finances et opérations de Crédit Agricole Indosuez

2007

Directeur finances et risques de Crédit Agricole

2017

Directeur de cabinet d’Agnès Buzyn