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Des accords liés à la performance

Dossier | publié le : 01.02.2001 | C.L.

Boosté par la reprise économique et les 35 heures, l'intéressement suscite un regain d'intérêt parmi les entreprises qui veulent associer performance et rémunération. Plus qu'un complément de salaire, il devient un véritable outil de management.

Avec la croissance économique, l'intéressement reprend des couleurs. Seul bémol, sa diffusion demeure très inégale : ce dispositif facultatif s'est surtout développé dans les grandes entreprises et l'industrie. Selon les derniers chiffres du ministère de l'Emploi, le nombre d'accords signés en 1998 – soit 5 236 – a augmenté de 14 % par rapport à l'année précédente. Ce qui porte le total des accords en vigueur à 14 180. Un peu plus de 3 millions de salariés en bénéficient. Et, d'après les mêmes sources, une moyenne de 5 652 francs a été versée, en progression de 7,2 % sur 1997. Le dynamisme de cet outil de redistribution financière se confirme. En 1999, selon l'étude annuelle de la Cegos consacrée au salaire des cadres, l'intéressement représentait 3,3 % de la rémunération annuelle brute, au lieu de 0,9 % seulement en 1997.

Cette progression est évidemment à mettre en relation avec les bons résultats des entreprises. Mais aussi avec les 35 heures. « Dans de nombreux cas, la modération des salaires a été compensée par la signature d'accords d'intéressement », observe Roland Bec, consultant indépendant. Dès 1998, les accords de réduction du temps de travail se sont accompagnés, dans 7 % des cas, de la mise en place d'un accord d'intéressement, selon le ministère de l'Emploi (Dares).

Un pendant à l'individualisation des salaires

Mais l'intéressement est aussi la conséquence d'une recherche accrue de performance : les entreprises souhaitent relier la rémunération de leurs salariés sous forme variable au résultat. « L'intéressement a un caractère plus incitatif et moins mécanique que la participation, car il est facultatif et modulable », juge Thierry Magin, associé du cabinet MCR Consultants. Raisonnant en termes de rémunération globale, les employeurs y voient également un pendant utile à l'individualisation des salaires, qui ne favorise pas nécessairement la performance collective. « Auparavant, on avait un système totalement collectif comportant des avantages acquis, aujourd'hui on passe au tout individuel, l'intéressement faisant le trait d'union », ajoute Thierry Magin.

Compte tenu des possibilités qu'il offre, l'intéressement n'est pas un succédané de la participation, comme l'ont trop longtemps pensé les entreprises. « Aujourd'hui, il ne s'agit pas simplement d'associer le personnel aux résultats économiques de l'activité et de le considérer comme un simple complément de salaire, mais bien plutôt d'en faire un outil de management à part entière en lui raccrochant des objectifs plus diversifiés », explique Mikaël Louadoudi, consultant spécialisé dans les rémunérations à la Cegos. Les dernières statistiques, qui portent sur l'année 1998, montrent que plus des trois quarts des entreprises (78,2 %) lient l'intéressement au résultat, sans autre considération. Mais le prochain bilan devrait confirmer l'entrée en lice de nouveaux critères.

Exemple, chez Schneider Electric France. « Nous voulions que notre accord tienne compte des réalités du terrain, fait valoir Daniel Thiere, directeur des ressources humaines France. C'est pourquoi, lors de son renouvellement en juin dernier, nous avons certes conservé une part globale liée aux résultats du groupe, mais nous avons aussi introduit un montant… plus différencié tenant compte des résultats des cinq grandes entités du groupe : France, Europe, international » Les entreprises combinent également l'intéressement à la réalisation d'objectifs de nature différente. France Télévision Publicité, qui emploie 180 personnes assurant la régie de France 2, de France 3 et de La Cinq, associe depuis 1998 le déclenchement de l'intéressement à trois ratios, alliant résultats et productivité, comme le chiffre d'affaires net par rapport à l'audience. « Au-delà de l'aspect rémunération, nous pouvons ainsi parler chiffre d'affaires à tout le monde. L'effet pédagogique est certain », estime Thierry-Pierre Jouandet, directeur des ressources humaines et du juridique.

Autre cas : celui d'Aressy, un petit groupe de communication. Créée il y a quatre ans, cette entreprise de 40 personnes connaît une croissance de 50 % de son chiffre d'affaires par an. « Nous sommes dans une logique de partage du risque et des revenus », explique Olivier Lanusse-Cazalé, son président. L'intéressement tient compte de quatre critères : résultat, efficience (nombre de compétitions gagnées sur compétitions engagées), croissance du chiffre d'affaires, mais aussi qualité des prestations, évaluée à partir d'une enquête de satisfaction des clients.

Le must : le plan d'épargne d'entreprise

Certaines sociétés greffent même des objectifs directement liés à leur projet d'entreprise. Alors que sa production vient à peine de démarrer, l'usine Toyota, qui emploie 1 050 salariés dans le nord de la France, a déjà signé un accord d'intéressement comportant uniquement des indicateurs de performance industrielle : sécurité au travail, qualité de la production, respect des plans de production. « Notre outil reflète les valeurs de l'entreprise », affirme Claude Boulle, vice-président de Toyota France.

La diversité croissante des critères retenus, associant résultat économique, productivité, qualité, etc., traduit le souci de création de valeur des entreprises, confrontées à la pression grandissante de leurs actionnaires. Certaines vont même jusqu'à y associer explicitement l'intéressement. C'est le cas de BNP Paribas, qui a introduit dans son accord signé en juin dernier une part liée au bénéfice par action. « L'intéressement correspond à une logique de développement d'entreprise », précise Patricia David, responsable de l'ingénierie sociale, qui replace l'accord dans le cadre de la fusion des deux banques. « Le résultat brut d'exploitation et le bénéfice net par action sont des critères essentiels dans notre activité. » Même type de démarche chez Siemens France, qui a signé récemment un accord mêlant l'intéressement à la réalisation d'objectifs EVA (economic value added) qui ont été formalisés.

Mais, quel que soit le critère retenu, pour que l'intéressement porte ses fruits sur le plan managérial, quelques règles de base doivent être respectées. « De la communication et de la formation sur les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs sont indispensables », insiste Thierry Magin. Plus les objectifs sont diversifiés, plus la cohérence globale du dispositif doit être solide. Lorsque l'intéressement va jusqu'à être modulé équipe par équipe, les spécialistes préconisent de maintenir une part commune relative à des objectifs transversaux et de le coupler avec le bonus des managers. Une articulation qui voit rarement le jour ! Attention toutefois aux indicateurs trop sophistiqués ou irréalistes. Construire une usine à gaz, c'est rendre l'intéressement peu motivant aux yeux de ses bénéficiaires. « S'il y a parfois un doute en France sur l'intéressement, c'est parce qu'il a été présenté de façon trop compliquée, juge Claude Boulle. Nos indicateurs sont simples, faciles à atteindre, et chaque opérateur peut calculer lui-même ce qu'il va toucher. »

La pertinence du dispositif se mesure également au montant perçu. Chez Aressy, un tiers du résultat peut être versé sous forme d'intéressement, dans la limite imposée par le législateur. Dans le cas de Toyota, il peut représenter entre un et deux mois de salaire. Et les salariés n'ont pas forcément envie d'attendre un an pour traduire en monnaie sonnante et trébuchante les résultats de leurs efforts. Certaines firmes en tiennent compte. « Nous avons mis en place des versements trimestriels liés aux résultats. C'est plus motivant et plus concret », précise Daniel Thiere, de Schneider Electric.

Mais le must, c'est le plan d'épargne d'entreprise, qui permet au personnel d'y verser en partie ou en totalité son intéressement et de faire fructifier son patrimoine… en échappant au fisc. Car l'intéressement, à l'inverse de la participation, est assujetti à l'impôt sur le revenu. L'autre avantage d'un PEE est que l'entreprise peut abonder, ce qui est encore plus motivant pour les salariés. Chez Schneider Electric, l'abondement va jusqu'à 9 000 francs, pour tout le monde. Toyota ajoute l'équivalent de la part versée par le salarié dans la limite de 15 000 francs par an. France Télévision abonde de façon variable en privilégiant les bas salaires. Des pratiques qui en disent long sur les cultures d'entreprise.

Auteur

  • C.L.