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« Le CSE va peser lourd »

À la une | publié le : 07.02.2018 | M. J.

JEAN AUROUX Pour l’ancien ministre, à l’origine d’une profonde réforme du Code du travail en 1982, le CSE est le pur produit d’une vision technocratique du dialogue social.

Quel regard portez-vous sur le CSE ?

La fusion des IRP est une vieille revendication d’une partie du patronat reprise par les orientations technocratiques du pouvoir actuel. Il aurait été plus pertinent de procéder, d’abord, à une évaluation de chacune de ces instances puis de chercher à en mesurer l’impact avant de prendre cette décision. C’est une décision politique mal mesurée.

Quels sont les risques liés à la fusion des instances ?

Les risques tiennent à cette approche technocratique du dialogue social générant, à l’évidence, une perte de la dimension humaine de l’entreprise. Les DP sont d’irremplaçables « capteurs sociaux », voire « régulateurs sociaux », parce qu’ils sont les relais du vécu quotidien ; les CHSCT, dont le rôle est unanimement reconnu depuis plus de trente ans, restent une nécessité face au vieillissement de la population active et aux conséquences redoutables de l’entrée massive des nouvelles technologies. Ce double déficit, ainsi que la perte massive de nombreux représentants des salariés, vont peser lourd sur la vie et l’ambiance des entreprises. Quant à l’absence des suppléants aux réunions alors qu’on élargit la représentation patronale, c’est une mesquinerie vexatoire. Ce déséquilibre évident est contraire au principe du développement d’un nouveau dialogue social pourtant proclamé.

L’instance unique est-elle un premier pas vers la cogestion ?

En mai 1981, j’ai demandé à tous les partenaires sociaux s’ils étaient intéressés par la cogestion ou la codétermination, aucun n’en a voulu. Je me suis donc efforcé d’introduire le maximum de démocratie dans l’entreprise. Aujourd’hui, je reste attaché à la codétermination à la condition que les administrateurs salariés soient au moins 30 % dans les conseils d’administration ou de surveillance. Les pays de l’Europe du nord sont moins frileux que nous.

Les syndicats sont-ils “mortels” comme le déclarait récemment Laurent Berger ?

Tout organisme vivant est mortel, de grands empires, de grandes entreprises ont disparu ! Mais s’il advenait que les représentations syndicales disparaissent, l’expression du monde du travail trouverait d’autres voies pour se faire respecter et entendre, pas forcément plus responsables et plus pacifiques.

Pensez-vous que les organisations syndicales sont en mesure de reconquérir du terrain dans les entreprises et dans la société ?

Il est évident, dans ce moment où l’histoire humaine est secouée par de si lourdes mutations, que chaque structure doit comprendre et agir : n’avais-je pas souhaité que les salariés soient des « citoyens et des acteurs du changement » ? Je sais que la réflexion est conduite dans la plupart des syndicats. D’autant plus que l’individualisme, le matérialisme et l’impatience de notre société exigent de nouvelles approches y compris dans le monde économique où étrangement n’existe pas de statut propre de l’entreprise !

Auteur

  • M. J.