Le problème repose sur les données. La recherche est mesurable : on connaît le nombre d’enseignants-chercheurs qui ont publié, par exemple. Ce qui n’est pas le cas dans le monde de l’entreprise. Le second point est que les enseignants-chercheurs sont des fonctionnaires. Par conséquent, le ministère de l’Éducation peut fournir le nombre de candidats potentiels aux promotions. Encore une fois, ce sont des informations que nous ne pouvons pas obtenir dans le domaine privé.
L’écart de promotion entre les hommes et femmes s’expliquerait à 76 % par le fait que les femmes auraient moins tendance à demander des promotions. Elles s’autocensurent et choisissent très souvent de ne pas candidater. En outre, les femmes ont tendance à être moins performantes quand elles sont en concurrence avec les hommes. Or, quand elles ne sont pas en concurrence avec les hommes, la capacité des femmes à résoudre les problèmes est meilleure que celle des hommes.
Est-ce un trait biologique ou une conséquence de la construction sociale ? Mes recherches ne peuvent pas le dire. Il est vrai que, généralement, on dit aux filles d’être coopératives. Les hommes sont davantage incités à se mettre en avant… La construction sociale peut être une explication. Les informations risquent d’être difficiles à obtenir. Les choix sont-ils libres ou contraints ? Je suis économiste. Il faudrait se poser des questions en anthropologie, en psychologie… et pouvoir observer un échantillon de personnes dès la petite enfance au travers de l’environnement familial et le système éducatif. Nous n’aurions les résultats que dans 25 ans !
Jusqu’à présent, pour lutter contre les inégalités hommes-femmes, nous avons légiféré et permis aux femmes d’accéder à l’éducation. Les progrès ont alors été énormes. Mais depuis quinze ans, concernant les emplois et les promotions, nous stagnons. L’étape suivante fait trait à des aspects sociaux et psychologiques à mesurer. Finalement, le plus dur reste à faire.
À court terme, il conviendrait de réduire les modalités d’accès à la promotion en faisant le contraire de ce qui se pratique aujourd’hui. Au lieu de candidater à une promotion, on pourrait établir que tout le monde soit candidat par défaut après un certain nombre d’années d’expérience. La personne se retirerait si elle ne souhaite pas candidater. Cela augmenterait le nombre de femmes qui postulent. J’espère qu’un jour, on pourra expérimenter cette solution.
« Gender and Promotions : Evidence from Academic Economists in France », coréalisée avec Clément Bosquet et Pierre-Philippe Combes