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Travailler, c’est aussi bouger

À la une | publié le : 04.01.2018 | Irène Lopez

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Travailler, c’est aussi bouger

Crédit photo Irène Lopez

Deux tiers des salariés pensent changer au moins trois fois de métier au cours de leur carrière. Subie ou choisie, la mobilité professionnelle s’accélère. Tout y concourt : l’embellie du marché de l’emploi cadre, les aspirations des jeunes générations, les dispositifs tels la rupture conventionnelle. Et les réformes en cours, comme celle de l’assurance-chômage. État des lieux.

Longtemps, les salariés français ont eu la réputation de ne pas être mobiles. Une idée reçue qui a un fondement statistique. Selon une étude réalisée par OpinionWay de 2015, plus de 6 salariés sur 10 sont depuis cinq ans dans la même entreprise et plus encore font le même métier (71 %). Pour Sabine Lochmann, présidente du directoire de BPI Group, il faut inciter « les salariés à faire grandir dans leurs gènes la culture de la mobilité. La mobilité repose sur l’envie de, la capacité à, voire la foi en… Il semble donc nécessaire de coupler des facteurs de tension et d’attractivité pour mettre les salariés en mouvement ». L’aiguillon le plus puissant pour doper la mobilité des salariés reste la situation du marché de l’emploi. Dans ce domaine, les signaux sont largement passés au vert. L’Association pour l’emploi des cadres prévoit 225 000 recrutements de cadres cette année, contre 215 000 en 2017. Des niveaux jamais atteints, souligne l’Apec, qui s’expliquent, certes par l’embellie conjoncturelle que connaît l’économie française. Mais aussi, de façon plus structurelle, par la phase de profonde transformation que connaissent les entreprises. Uberisation, disruption, digitalisation, les raisons sont multiples. Côté attractivité, les entreprises ont intégré à leur compte le concept de marque employeur et savent comment attirer les talents, a fortiori dans les métiers dits pénuriques. Après l’expérience utilisateur, voici venue l’ère de l’expérience collaborateur. DRH de PSA, Xavier Chéreau parle ainsi de « l’expérience salarié », « c’est-à-dire les leviers qui vont permettre aux collaborateurs de se sentir bien dans leur environnement, parce que c’est nécessaire à la performance de l’entreprise. Comment rendre l’entreprise plus accueillante, par la qualité de ses installations, par le bien-être au travail, par le développement du travail collaboratif… ».

Un passage à l’acte difficile.

Les salariés, pour leur part, ont bien compris que la mobilité était devenue incontournable. Près de deux tiers d’entre eux (64 %) pensent changer au moins trois fois de métier au cours de leur carrière, selon le baromètre annuel Monster. Dans les faits, les salariés français sont déjà mobiles. 38 % des salariés français interrogés par l’Ifop ont déclaré avoir vécu, au cours des cinq dernières années, une mobilité professionnelle, qu’elle soit interne, externe ou géographique. Près de deux sur trois en tirent, d’ailleurs, des conséquences positives. Ils la considèrent comme un atout pour leurs carrières, qu’il s’agisse d’un changement d’entreprise (91 %) ou d’un changement de métier (92 %).

« Bien que la mobilité soit perçue comme une opportunité d’évoluer et de se lancer de nouveaux défis pour un tiers de salariés, voire comme une nécessité pour s’adapter au marché du travail, le passage à l’acte reste ressenti comme difficile, déclare Karl Rigal, responsable éditorial de Monster.fr. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de changer de secteur d’activité qui pose souvent le problème de l’acquisition de connaissances spécifiques. Un type de mobilité qui se distingue du changement de métier n’impliquant pas nécessairement de changer de secteur. Ce type de mobilité est parfois facilité au sein de certaines organisations offrant des incitations et un accompagnement en matière de mobilité interne ». En 2018, changer d’entreprise n’est pas aussi anodin que le laissent croire les discours sur les jeunes générations de zappeurs. Trois quarts des salariés (74 %) estiment que c’est difficile, y compris chez les 18-29 ans (61 %) qui souffrent pourtant moins de discrimination à l’embauche en raison de l’âge. « Ces résultats confirment la difficulté éprouvée par les Français à changer d’environnement personnel comme professionnel. Il est préoccupant de voir qu’entre salariés de grands groupes et PME, les passerelles ne sont pas évidentes et que « le chacun chez soi » prime : comment résoudre cette équation difficile quand on sait que les créations d’emploi se trouvent plutôt dans les PME ? Les territoires ont certainement un rôle primordial à jouer comme celui de donner le maximum de visibilité au marché du travail ce qui permettra de susciter davantage de mobilités et de préparatifs de qualité en amont pour les réussir. D’ailleurs, on voit se développer depuis quelques années, sur plusieurs bassins d’emploi, des expérimentations de transferts de salariés de grands groupes vers des PME, avec pour objectif de donner à ces salariés l’occasion de mieux faire connaître l’environnement de la PME et d’envisager l’éventualité d’une poursuite de carrière ailleurs », témoigne Sabine Lochmann.

La crise de la quarantaine.

En matière de mobilité, tout est fonction de l’âge. Les jeunes rêvent de nouveaux horizons professionnels mais ils n’ont pas encore acquis assez d’expérience pour changer de job, de secteur ou de métier. En revanche, entre 30 et 50 ans, le taux de personnes s’étant reconverties est légèrement supérieur à la moyenne, d’après une étude menée par le groupe AEF. Pourquoi ? Parce que c’est un âge où on peut et on ose remettre sa carrière en question et parfois décider d’opérer un tournant radical. Pour Michel Debruyne, responsable du département gestion des carrières pour la Belgique et le Luxembourg auprès de la firme d’outplacement Right Management, « les quadras ont l’impression de jouer leurs dernières chances car le marché du travail a tendance à déclasser les 50 ans et plus ».

Une enquête OpinionWay pour les Éditions Tissot confirme ce ressenti : 77 % des salariés considèrent que le passage à la quarantaine change leur rapport au travail. On connaissait la crise de la quarantaine au sein de la sphère privée. Il y aurait son pendant dans la sphère professionnelle, motivé par l’envie de bien-être au travail (30 %), de reconversion (30 %) ou de changement d’entreprise (10 %). Anecdotique mais instructif, les Éditions Tissot ont conclu leur étude en demandant aux personnes interrogées de comparer leur passage à la quarantaine à celui de certaines personnalités politiques. Les Français le voient plutôt comme celui d’Emmanuel Macron : démissionner pour suivre des objectifs personnels (23 %). Ils pensent également à Bernard Laporte et David Douillet pour la reconversion (22 %). 11 % le voient comme Fleur Pellerin en entrepreneur. Enfin, 7 % pensent davantage à Marine Le Pen qui tue le père pour prendre la succession « de l’affaire » familiale.

Des outils pour changer de vie.

Quand les reconversions ont lieu, elles sont radicales : les deux tiers de ceux qui s’y sont lancés ont complètement changé de métier, selon l’étude AEF. Béatrice Laboureur, une consultante RH qui accompagne des salariés volontaires pour évoluer au sein de leur entreprise, ou impactés par un plan social, les aide tout d’abord à définir leur projet professionnel : « À côté de ceux qui demandent des formations pour fiabiliser un parcours professionnel, il y a ceux qui choisissent une autre voie. J’ai l’exemple d’une femme, responsable d’une boutique de téléphonie, qui passe un concours pour devenir infirmière. Ou d’un homme arrivé à maturité professionnelle et à séniorité officielle, qui a choisi d’ouvrir des chambres d’hôtes avec sa compagne ». Pour les salariés désireux de changer de vie professionnelle, les plans de départs volontaires qu’affectionnent de plus en plus d’entreprises (PSA, Renault, Areva, Air France…), constituent une réelle opportunité. Les ruptures conventionnelles aussi. Et, entre les deux dispositifs va bientôt se glisser la rupture conventionnelle collective, issue des ordonnances de septembre dernier. Une nouvelle forme de départ négocié, qui pourrait doper la mobilité.

Les outils, les dispositifs, les événements dédiés pour changer de vie professionnelle sont multiples. Il existe aujourd’hui des formations en ligne comme le Mooc des compagnons du devoir, gratuit et ouvert à tous, qui « donne les clés pour trouver le job de vos rêves ». Co-créé par le Cnam Rhône-Alpes, sa première édition dédiée à la recherche d’emploi a connu un joli succès. « Sept semaines pour trouver le job de mes rêves » est fait pour donner des clés et des outils pour découvrir et décrocher l’emploi idéal. Ou presque. Au programme, différentes thématiques sont abordées : le marché de l’emploi, les différents métiers, l’introspection, les outils de recherche, les témoignages, etc.

Des journées spéciales reconversion.

Le 23 novembre dernier, l’Afpa (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes), a organisé une journée portes ouvertes, « spéciale reconversion professionnelle ». Les deux précédentes journées (le 2 février et le 8 juin) avaient accueilli à chaque fois plus de 10 000 personnes. Changer de métier ou de région pour trouver un emploi ? Quels sont les métiers qui recrutent ? Où trouver des places disponibles en formation ? Cette journée concernait tous ceux qui ont envie de changer de voie professionnelle ou tout simplement de retrouver le chemin de l’emploi.

Provemploi, le Salon pour vivre et travailler en Province est principalement destiné aux 200 000 Franciliens qui partent s’installer pour travailler en région. Les outils plébiscités par La boîte à outils en ligne Work Up restent les réseaux sociaux. Les plus connus et efficaces (Linkedin et Viadeo), quel que soit le secteur d’activité, permettent d’identifier facilement des experts ou professionnels pouvant aider à monter un nouveau projet professionnel grâce à une recherche par mots-clefs (personne, entreprise, groupe, école, job, métier, etc.). « Le numérique peut être une réponse pour anticiper les enjeux de mobilité et accompagner plus vite ces changements pour le salarié, avec par exemple des solutions qui s’appuient notamment sur le big data et qui donnent une visibilité forte sur les opportunités d’emploi sur les territoires, dans les entreprises et branches », conclut Sabine Lochmann. C’est tout l’enjeu de l’analytique RH qui doit permettre d’adapter au mieux l’offre et la demande, de combler les emplois et de faciliter la mobilité.

« Si votre métier ne vous fait plus vibrer, créez votre entreprise »

Hélène Persod a travaillé pendant 20 ans dans la relation clients au sein de différentes entreprises lyonnaises avant de se reconvertir. Elle avait envie d’entreprendre, un plan de départs volontaires lui en a fourni l’opportunité. Hélène a créé une start-up, OlfaPhily, qui propose une gamme de produits de souvenir olfactifs de Lyon et de sa région. Fondatrice et gérante d’OlfaPhily, elle s’occupe de la prospection des clients, de la recherche de fournisseurs dans la région, de la définition de la stratégie de communication jusqu’à passer l’entretien de son atelier… Comme les banques rechignaient à financer son projet, elle s’est tournée vers la Banque publique d’investissement qui lui a octroyé une Bourse French Tech. Elle a, en outre, réalisé avec succès une campagne de préventes sur la plateforme KissKissBankBank. Ces deux outils lui ont permis notamment de financer les prototypes et une première série de sa gamme initiale 100 % made in Lyon. Elle a également été accompagnée par la CCI de Lyon mais aussi par La Coursive d’entreprises, une pépinière d’entreprises implantée sur le territoire de Saint-Fons.

Sur le site Nouvelle vie professionnelle, elle témoigne volontiers sur sa reconversion, synonyme de bonheur au travail et de challenge au quotidien : « On apprend à toucher à tout. C’est une formidable école… Mais c’est aussi beaucoup de temps, bien entendu ! »

À ceux qui voudraient se lancer, Hélène Persod prodigue ses conseils : « Si vous n’avez pas peur du challenge et que votre métier actuel ne vous fait plus vibrer, tentez votre chance. Mais pensez à ne surtout pas rester seul(e) : il y a beaucoup de structures d’accompagnement très compétentes ». À bon entendeur !

Auteur

  • Irène Lopez