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Le CSE, continuité ou rupture ?

Idées | Juridique | publié le : 05.12.2017 |

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Le CSE, continuité ou rupture ?

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Les ordonnances orchestrent une petite révolution dans le paysage juridique français puisque les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT sont fusionnés dans une instance unique, appelée comité social et économique (CSE). Même si elle devrait ressembler à un « super comité d’entreprise », les bouleversements sont nombreux.

1. Une idée pas si neuve que ça !

La création de l’instance unique est en discussion depuis des années, et a commencé à se concrétiser avec la loi Rebsamen du 17 août 2015 qui a, d’une part, étendu le champ de la délégation unique du personnel (DUP), d’autre part ouvert la possibilité du regroupement des instances de représentation du personnel par accord majoritaire à partir de 300 salariés. Ces dispositifs sont aujourd’hui caducs, ou en passe de l’être en fonction des dispositions transitoires, puisque la mise en place du CSE sera obligatoire au plus tard le 1er janvier 2020. Impossible pour les entreprises, le voudraient-elles, de maintenir les instances existantes puisque l’alternative qui aurait consisté à laisser le choix aux partenaires sociaux, au sein de chaque entreprise, a été écartée par le gouvernement ! Seul le passage au conseil d’entreprise requerra la conclusion d’un accord collectif – majoritaire cela va de soi. Pas certain cependant que nombre de conseils d’entreprise voient le jour, dès lors qu’ils impliquent que les délégués syndicaux signent un accord collectif qui les prive de leur prérogative essentielle, à savoir négocier et conclure des accords collectifs. Ce même si lesdits conseils sont dotés de droits de codétermination !

2. Des attributions maintenues ?

L’esprit des ordonnances est de fondre dans la nouvelle instance les attributions qui étaient celles des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du CHSCT. Si cette mission est pour l’essentiel réalisée (sous l’importante réserve de la très probable disparition du droit d’alerte dans les entreprises de moins de 50 salariés), il ne faut pas s’arrêter à ce constat.

Il n’existera plus d’instance propre à la santé et à la sécurité, ce qui est évidemment tout sauf anodin ! Les attributions du CHSCT sont incluses dans la nouvelle instance unique avec, pour les entreprises d’au moins 300 salariés, une « commission santé, sécurité et conditions de travail » certes spécifique, mais dont les membres seront nécessairement issus du CSE ce qui la distingue radicalement de l’actuel CHSCT. Quel que soit le seuil, sa mise en place sera aussi obligatoire dans les établissements comprenant au moins une installation nucléaire ou classée Seveso ; l’inspecteur du travail pourra aussi, lorsque cela est nécessaire, imposer la création de cette commission dans les entreprises/établissements de moins de 300 salariés. Quel impact aura la fusion du CHSCT dans la nouvelle instance ? Parmi les interrogations, quel impact sur la prise en compte des problématiques de santé et sécurité, par exemple lorsqu’il s’agira d’appréhender l’implantation d’une chaîne de production ou un déménagement d’entreprise ? Seront-elles mieux traitées par une approche globale, ou la fusion conduira-t-elle à diluer les sujets de santé et sécurité dans des logiques économiques voire financières ? La question se posera notamment lorsqu’il s’agira de décider, ou non, de diligenter une expertise santé et sécurité puisque la décision appartiendra désormais à l’instance unique.

Même si les attributions des délégués du personnel sont en grande partie reprises, leur utilité tenait aussi à leur seule présence en tant qu’instance de proximité. Et pas seulement pour les salariés ! Combien de DRH vous disent aujourd’hui que ces élus permettent de faire remonter au siège, en particulier dans les entreprises à établissements multiples comportant des agences isolées, des problèmes, notamment de sécurité ! Il est peu probable, même si l’appellation « représentants de proximité » laisse penser qu’ils reprendront la fonction de proximité des délégués du personnel, que ces élus remplaceront, dans les faits, les délégués du personnel. On est en présence d’un dispositif facultatif, dont le contenu dépendra pour l’essentiel de l’accord collectif qui aura prévu sa mise en place dans l’entreprise.

3. Les modalités d’information-consultation, place au supplétif !

Sans surprise, la négociation collective occupe une place de choix dans la mise en œuvre des attributions du CSE, à commencer par l’information-consultation. Le triptyque « ordre public, champ de la négociation collective, dispositions supplétives », initié par le rapport Combrexelle et qui concernait jusqu’à présent le droit du temps de travail, est étendu aux consultations du CSE. La possibilité de conclure des accords collectifs sur les modalités d’information-consultation du CSE (calendrier, contenu des informations, nombre de réunions) est désormais très ouverte, aussi bien pour les consultations récurrentes que pour les consultations ponctuelles. La BDES pourra aussi être aménagée par accord. Autre élément de souplesse, à défaut d’accord avec les syndicats, un accord pourra être conclu avec le CSE pour aménager ses modalités de fonctionnement. La philosophie qui est celle du droit du travail depuis un certain nombre d’années, à savoir faire confiance à l’accord collectif, irrigue donc fortement le régime du CSE, alors que le fonctionnement des instances actuelles de représentation du personnel était, pour l’essentiel (même si depuis 2013, l’accord prenait une place croissante), marqué du sceau de l’ordre public. Avec, en parfaite adéquation avec cette philosophie, une disposition qui devrait faire parler d’elle tant elle est potentiellement explosive ! La formulation paraît simple : « Les entreprises ayant conclu un accord dans des domaines prévus par la présente section ne sont pas soumises, dans ces domaines [c’est-à-dire les domaines – très nombreux – relevant de la compétence du CSE], à l’obligation de consultation du comité social et économique » (Art. L. 2312 14). Elle est en réalité très ambiguë ; on ne va tout de même pas considérer que toute consultation, récurrente voire ponctuelle, est à exclure sur le temps de travail lorsqu’un accord aura été conclu dans ce domaine ! La durée du travail sera-t-elle écartée de la consultation récurrente sur la politique sociale en cas d’accord conclu, par exemple, sur le forfait jours ? Peu concevable ! Que signifie, à défaut, cette disposition ? Possiblement qu’en cas de conclusion d’un accord collectif, cet accord n’a à donner lieu à consultation ni sur sa conclusion ni sur sa mise en œuvre (V. sur cette alternative, P. Lagoutte, Consultation des IRP adaptée à l’entreprise, LSQ, n° 181/2017 du 9 octobre 2017) !

4. Un fonctionnement modelé, en partie, sur le comité d’entreprise

Le fonctionnement du CSE est peu ou prou construit autour de celui du comité d’entreprise, avec toutefois des changements sensibles sur au moins deux points.

D’abord, le partage du coût de l’expertise ! Sous réserve d’un certain nombre de consultations (sur la situation économique et financière de l’entreprise ; sur la politique sociale de l’entreprise ; en cas de licenciement collectif pour motif économique ; en cas de risque grave) l’expertise sera prise en charge à 20 % par le CSE, y compris dans l’hypothèse majeure du projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. On imagine aisément les problèmes posés par ce co-financement dans les PME ; une participation de 20 % au financement d’une expertise sera souvent inabordable ou amputera très fortement le budget du comité.

Inquiétude d’autant plus grande que, sur le second point, celui du budget, il a été mis fin à l’étanchéité entre le budget de fonctionnement et le budget des activités sociales et culturelles. Il sera désormais possible de transférer tout ou partie du montant de l’excédent annuel du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles, et vice versa. En espérant que cette mesure, que beaucoup attendaient, ne conduira pas les comités à rogner sur leurs prérogatives économiques (et notamment sur les expertises) au profit des activités sociales et culturelles, qui, probablement, seront souvent davantage plébiscitées par les salariés qu’une expertise économique. Autre changement sur le budget, outre le montant du budget de fonctionnement qui passe de 0,2 à 0,22 % dans les entreprises de plus de 2 000 salariés, le débat très vif ces dernières années sur l’assiette de calcul du budget est désormais clos. Le compte 641 (compte fiscal), qu’avait retenu la Cour de cassation, se voit préférer la déclaration sociale nominative (DSN) de laquelle il faudra retrancher les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée. On se souvient de la critique selon laquelle l’inclusion de ces indemnités ferait que le comité s’enrichit du licenciement des salariés de l’entreprise !

Nul doute que ces changements, dont seuls les plus importants viennent d’être évoqués, vont occuper les services des ressources humaines pendant des mois, voire des années, et qu’il faudra du temps pour en mesurer l’impact !