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Faut-il réformer la participation et comment ?

Idées | Débat | publié le : 05.12.2017 |

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Faut-il réformer la participation et comment ?

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Sur TF1 le 15 octobre dernier, le chef de l’État a exprimé le souhait de renforcer la participation aux bénéfices, qui serait étendue aux salariés des entreprises de moins de 50 personnes. Une mesure post-ordonnances clairement profitable aux salariés et qui a l’avantage de ne pas coûter un euro à l’État…

Gérard Mardiné Secrétaire national de la CFE-CGC Économie, industrie, développement durable, RSE, logement.

Plusieurs facteurs militent pour une réforme de la participation aux résultats et de l’intéressement. La loi du 17 août stipule logiquement d’éclairer la négociation du bloc salaires-participation-intéressement par une discussion sur le partage de la valeur ajoutée mais cette disposition ne s’avère quasiment pas appliquée. Il convient donc d’en renforcer le caractère obligatoire.

L’introduction de nouvelles normes comptables a rendu inadaptée la formule légale de calcul de la réserve de participation, en particulier pour les entreprises ayant une activité internationale. Son mode de calcul doit donc être revu, avec également comme objectif d’en faire bénéficier les salariés des petites entreprises (trop peu de branches professionnelles ayant conclu des accords permettant de les en faire bénéficier) et les entités économiques qui sont hors de son champ actuel. Quant à l’intéressement il doit être majoritairement déterminé par des performances autres que financières et basé sur des paramètres objectifs, quantifiables et vérifiables.

La future réforme doit parvenir à implémenter au mieux la « règle des trois tiers » d’affectation du bénéfice, respectant ainsi un équilibre dans le partage de la valeur ajoutée : un tiers pour l’avenir de l’entreprise (l’investissement), un tiers pour les actionnaires et un tiers pour les salariés. L’épargne salariale est une épargne de long terme. Elle doit donc être encouragée à financer plus largement nos entreprises et développée en instituant des mécanismes d’actionnariat salarié mutualisé qui contribueront à reconquérir une part significative du capital de nos grandes entreprises. L’association des salariés à la gestion de ce qui est une partie de leur patrimoine est essentielle, leur représentation dans les conseils de surveillance des fonds doit être portée à au moins deux tiers de ses membres.

Fabien Stut Directeur exécutif du cabinet Hays.

Dans son allocution télévisée du mois d’octobre 2017, Emmanuel Macron a repris à son compte les principes de participation et d’intéressement initiés par le Général de Gaulle dès 1959 en affichant sa volonté d’en faire les outils d’un projet global de réconciliation des Français avec l’entreprise.

Les pistes de réflexion sur ce sujet semblent s’articuler autour de l’extension du principe obligatoire de mise en place d’un mécanisme de participation pour les entreprises de moins de 50 salariés (facultatif aujourd’hui), le développement de l’actionnariat salarié, l’encadrement du terrain de la négociation entre partenaires sociaux ou les régimes fiscaux applicables.

S’il faudra attendre 2018 pour connaître les contours techniques que prendront les réformes annoncées du gouvernement, la philosophie de la démarche est claire. En période de croissance économique, redistribuer de manière plus importante une partie des bénéfices réalisés par l’entreprise à l’ensemble des salariés concourant à sa réussite répond à la volonté de rééquilibrer le contrat unissant le salarié à son employeur. De nombreuses entreprises ont ainsi développé ces dernières années des leviers de rétribution monétaires directs et indirects (primes de performances individuelles et collectives, mutuelles, plan épargne…) et non monétaires (organisation du travail en mode projet, télétravail, méthode managériale basée sur le bien-être au travail…) comme autant de facteurs d’attractivité et de fidélisation des talents. Le lien de subordination traditionnel a ainsi tendance à disparaître au profit d’un lien de collaboration dans lequel le salarié participe d’un projet d’entreprise lisible et partagé. La réflexion du gouvernement s’inscrit donc dans une logique plus large où le rapport au travail évolue dans notre société.

Pierre Havet Animateur de la commission « épargne salariale et retraite » de l’ANDRH.

Non, il ne faut pas se limiter à réformer la seule participation ! Ce sont tous les dispositifs d’épargne salariale qui doivent être simplifiés, harmonisés et étendus. Avant tout, les règles fiscales et sociales doivent être stabilisées, une modulation du forfait social inciterait les salariés à placer à moyen terme dans les PEE et dispositifs d’actionnariat salarié. Tout salarié du public, comme des PME, devrait pouvoir accéder à l’épargne salariale : la négociation de l’intéressement et/ou de la participation devrait être obligatoire dès 10 salariés ; les branches pourraient être invitées à donner une orientation pour les salariés des plus petites structures. Il est communément admis que la formule légale de calcul manque de lisibilité… il conviendrait de réfléchir à une simplification, ou à une fusion pure et simple dans l’intéressement : le partage du résultat net en fonction du ratio salaires/valeur ajoutée deviendrait un indicateur financier parmi ceux de l’intéressement.

L’épargne salariale est, par nature, un domaine propice au développement d’un dialogue social constructif : il conviendrait de renforcer l’éducation des salariés en la matière et de les impliquer dans la gouvernance. La désignation d’administrateurs salariés est devenue courante dans les sociétés du CAC40, malgré un taux de détention en actionnariat salarié moyen de 3,5 % ; en revanche l’engagement des salariés dans la gestion des FCPE, bien que primordial, reste aujourd’hui bien limité. L’épargne salariale, et tout particulièrement l’intéressement, est un formidable outil managérial et renforce l’engagement des collaborateurs dans l’amélioration des performances. Le partage des résultats comme du pouvoir peut être mis en avant dans le rapport sur la RSE. Pour éclairer les parlementaires, l’État pourra mettre à contribution le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié.

Ce qu’il faut retenir

// La participation est un dispositif prévoyant la redistribution d’une partie des bénéfices de l’entreprise au profit des salariés. Elle est obligatoire dans les sociétés de plus de 50 salariés.

// Le montant de la prime perçue par les salariés dépend des règles fixées par un accord de participation. Ce dispositif concerne tous les salariés (une condition d’ancienneté dans l’entreprise, 3 mois maximum, peut être exigée). À défaut d’accord, un « régime d’autorité » est imposé à l’entreprise

// Au choix du salarié, la participation peut être perçue immédiatement ou épargnée pour une durée d’au moins cinq ans.

En chiffres

8,6 millions de salariés ont bénéficié d’un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale en 2015.

1 673 € C’est le montant moyen de la participation touchée par les salariés (Dares).