Vous voulez réseauter ? Laissez tomber Linkedin et les autres plateformes virtuelles, invitez à manger ceux auxquels vous voulez accéder ! Dîner en ville, ce serait dîner utile : constituer son réseau et l’entretenir, obtenir des informations, se placer dans le cercle restreint des VIP. Guillemette Faure a voulu savoir comment fonctionne ce rite de passage de l’entre-soi. Qu’est-ce qu’un dîner en ville ? Comment ça marche ? Elle recense avec humour les codes non écrits qui régissent le club très sélect des dîneurs. Le livre mêle habilement anthropologie divertissante et manuel pratique sans pour autant céder au mode d’emploi. L’ouvrage se lit comme un essai. Il s’appuie sur une soixantaine d’entretiens : dîneurs en vue, sociologues, observateurs étrangers… C’est aussi savoureux que les Lettres Persanes de Montesquieu pour ses critiques à lire entre les lignes. C’est aussi amusant que la correspondance de Madame de Sévigné pour le regard, à travers le petit bout de la lorgnette, que porte l’auteur.

Si les codes ont changé, le dîner en ville est loin d’être une pratique vieillotte et dépassée. Politiques, patrons ou artistes en vue, tous se défendent d’en être. Et pourtant… Emmanuel et Brigitte Macron ont préparé ainsi l’ascension du président de la République. On y découvre les faux pas des débutants et quelques dîners mémorables. On y croise cet auteur de bestsellers qui comptabilise le nombre de couverts qu’il a servi. On retient que la clé d’un dîner réussi est une question de réseau, pas d’assiette. Pour choisir la date, les mondains ne font pas un doodle, outil contemporain d’optimisation de rendez-vous. On évite aussi l’invitation collective par e-mail. Faire un feu dans la cheminée (quand on en a une, sinon, on peut louer un endroit qui en possède) est l’équivalent d’une maîtresse de maison qui enlève ses chaussures, un label d’intimité. Et si, en tant qu’invité, tout cela vous barbe vraiment, vous pourrez toujours faire comme Oscar Wilde : « L’homme vraiment libre est celui qui refuse une invitation à dîner sans donner d’excuse ».

Guillemette Faure. Grasset. 304 pages, 19 euros.