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Deux ans de réformes

Dossier | publié le : 05.12.2017 | Clotilde de Gastines

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Deux ans de réformes

Crédit photo Clotilde de Gastines

La bascule du financement de la Sécurité sociale vers la contribution sociale généralisée (CSG) ou l’évolution du Régime social des indépendants sont loin d’être neutres pour les services RH. Décryptage.

Après le débat public et la bataille de chiffres autour du projet de loi de finances et de celui sur le financement de la Sécurité sociale pour 2018, ce seront bientôt aux services RH et paie d’être confrontés aux questions légitimes des salariés sur leur protection sociale. Deux objectifs sont assignés au transfert du financement de la Sécurité sociale sur la CSG. D’abord, diversifier les ressources et élargir la base de calcul car tous les types de revenus sont concernés par la CSG. Ainsi dans les revenus perçus par les salariés, l’intéressement, la participation, les abondements aux plans d’épargne salariale, ou encore certaines indemnités de rupture… sont soumis à CSG alors qu’ils ne sont pas soumis à cotisations. Ensuite, le but est de donner du pouvoir d’achat aux salariés grâce à l’effet de la baisse de cotisations. En réalité, tout dépendra des gains réels, de leur nature et en tout état de cause, les salariés seront « perdants » sur la partie uniquement soumise à CSG et non compensée.

La baisse, après la hausse !

La réforme du financement de la Sécurité sociale qu’avait promise et annoncée le candidat Macron durant sa campagne présidentielle est une mesure avant tout financière qui sera mise en place en deux temps. Le gain pour les finances publiques est évalué à environ 3,5 milliards d’euros. En effet, la compensation en matière de baisse de cotisations sociales est étalée dans le temps. Les salariés vont, à terme, bénéficier de la suppression des cotisations salariales d’assurance maladie déplafonnée (0,75 %) et d’assurance chômage (2,40 %), soit une baisse de prélèvement de 3,15 %. Cette baisse interviendra en deux temps : dès le 1er janvier 2018, les salariés bénéficieront d’une baisse de 2,20 % (0,75 % correspondant à la cotisation d’assurance maladie déplafonnée et 1,45 % de cotisation salariale d’assurance chômage) et à compter du 1er octobre 2018, le reliquat de cotisations d’assurance chômage (soit 0,95 %) sera supprimé. En revanche, la hausse de 1,7 % de la CSG interviendra dès le 1er janvier 2018 (article 7 du projet de loi de financement de Sécurité sociale pour 2018). Elle sera déductible de l’impôt sur le revenu (article 38 du projet de loi de finances pour 2018). Au 1er janvier 2018, le taux de CSG passera donc de 7,5 à 9,2 %. La CSG déductible sera de 6,8 % (5,1 + 1,7), ce qui évitera l’effet de double imposition. Quant à la CSG non déductible, elle restera fixée à 2,4 %.

La compensation de la hausse de CSG sera partielle. Les éléments de calcul mathématique ne tiennent pas compte de plusieurs facteurs. La base de calcul de la CSG est, comme indiqué plus haut, plus large que la base de calcul des cotisations. Le plafond des salaires soumis à cotisations d’assurance chômage est limité à 4 fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale, alors que la CSG est calculée sur la totalité du salaire. Enfin, la base de calcul de la CSG fait l’objet d’un abattement de 1,75 %, dans une certaine limite, mais tous les éléments de calcul de la CSG n’en bénéficient pas. Au vu de tous ces paramètres, il est donc hasardeux d’affirmer que le relèvement de 1,7 point de la CSG sera systématiquement compensé par une suppression de 3,15 % de prélèvements.

Une communication nécessaire

Le gain en termes de rémunération sera très variable et pas immédiatement mesurable ou vérifiable ! Au-delà de la bataille de chiffres, un effort de communication va devoir être fait auprès des salariés car il n’est pas sûr que tous y trouvent leur compte. Au final, la note pourrait être plus salée qu’annoncée pour certains. Conséquence directe pour les responsables de ressources humaines, des revendications salariales pourraient émerger dans les entreprises quand ils feront la balance en regardant leur feuille de paie.

« Vis-à-vis des salariés, la communication est d’autant plus importante que la mise en place se fait en deux temps », souligne Laurence Petit, une directrice de ressources humaines depuis 12 ans qui exerce des missions de conseils auprès d’entreprises du secteur privé. « La première chose que les salariés vont regarder est le bas du bulletin de paie (le net). Il faudra leur faire comprendre, sans être trop technique, que plusieurs éléments entrent en ligne de compte : l’assiette, le taux, le montant des prélèvements. L’assiette de la CSG étant plus large que l’assiette des cotisations sociales, le résultat peut varier par rapport aux annonces qui ont été faites ».

Et surtout, ajoute-t-elle, « la réforme se comprend dans sa globalité avec l’impact sur l’impôt sur le revenu. Un point semble acquis : la déductibilité. Mais les RH ne connaissent pas la situation fiscale du salarié. En effet, la réforme sur le prélèvement à la source a été décalée ». Ce report ne signifie pas pour autant que la mesure est abandonnée. C’est ce que l’on peut comprendre suite aux trois rapports transmis au Parlement le 10 octobre 2017 conformément à la loi d’habilitation à réformer le Code du travail par ordonnances (loi 2017-1340 du 16 septembre 2017, art 10-II, JO du 16). Les conclusions du rapport sur la robustesse du prélèvement à la source et la charge réelle incombant aux futurs collecteurs et de celui sur les résultats des expérimentations et de l’analyse de deux dispositifs alternatifs penchent plutôt pour le maintien du prélèvement à la source et une application au 1er janvier 2019, tout en préconisant des ajustements dans les modalités et règles de gestion. En attendant, les services RH doivent s’emparer des changements annoncés pour le 1er janvier 2018 !

« La réforme n’aura pas des effets identiques pour tous. Selon le niveau d’imposition, la composition familiale, il y aurait des perdants et des gagnants ; pour les bas salaires, le gain devrait être de l’ordre de 1 % du net », estime Laurence Petit. Ce sont surtout les équipes paie – RH qui vont être sollicitées, et sur lesquelles pèsera la démarche pédagogique. La mise en œuvre de la réforme, avec les nouveaux paramétrages qu’elle nécessite, peut susciter des suspicions. « Le rôle des équipes sera de rappeler le processus légal. In fine, cela ne sera pas forcément pour tous les salariés ce qui est attendu. » Par ailleurs, d’autres éléments concrets sont attendus et prêtent à des appréciations divergentes comme la prime d’activité.

La mort annoncée du RSI

Autre mesure phare de la loi de financement de Sécurité sociale pour 2018, la mort annoncée du Régime social des indépendants (RSI). Décrié pour sa complexité, ses dysfonctionnements, le RSI vit ses derniers mois. Dans l’attente des résultats d’une mission confiée par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé et Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, à un inspecteur général des affaires sociales Dominique Giorgi, avec l’appui de l’Igas et de l’IGF pour préparer ce changement, les caisses nationales restent discrètes sur la préparation de ce changement d’organisation du système de Sécurité sociale, que ce soit en interne ou dans les relations avec les cotisants. Le RSI va disparaître mais renaîtra de ses cendres sous une autre forme : celle d’un « adossement » au régime général de Sécurité sociale avec, à terme, un possible mais relatif alignement des prestations incluant l’ouverture des droits à chômage. L’adossement signifie que les cotisations et prestations devraient rester les mêmes tout en étant gérées différemment (CPAM, Carsat…). Visant à une « simplification », et peut-être à faciliter ou à favoriser l’accès au statut indépendant, l’évolution n’est pas anodine. L’impact de cette annonce suscite beaucoup d’interrogations, alors que les entreprises intérimaires peinent à recruter et qu’un autre rapport au travail se dessine. « Il est un peu tôt pour mesurer le réel impact des mesures contenues dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et visant le RSI, estime Laurence Petit. Cela pourrait répondre à des aspirations individuelles pour une organisation du travail plus indépendante, que ce soit parmi les nouvelles générations ou pour certains salariés ayant 15-20 ans d’expérience. Il est possible que l’attractivité du statut d’indépendant augmente. »

S’ajoute un facteur économique non négligeable côté entreprises : la possibilité de surtaxes pour l’emploi de CDD et d’intérimaires. Les contours de l’ouverture des droits à assurance chômage aux indépendants ne sont pas encore dessinés. L’acte II de la réforme du marché du travail a été lancé le 25 octobre 2017 : les discussions sont menées à un rythme soutenu depuis la deuxième quinzaine de novembre avec les partenaires sur le thème de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’assurance chômage en vue d’une adoption de la loi d’ici l’été 2018.

Repenser les parcours professionnels

Alors, serait-ce un effet d’aubaine pour les entreprises qui seraient tentées de recruter plus d’indépendants en faisant valoir la quasi identité de protection ? « Les entreprises sont frileuses pour recourir à des services en direct. En raison des risques de requalification par les Urssaf. Et de toute manière, ce sont avant tout certains métiers techniques, comme les ingénieurs, les consultants informatiques qui pourraient être concernés. Pour des métiers qui nécessitent une délégation de pouvoir, cette voie est difficile à mettre en œuvre en l’état actuel de la réglementation », affirme Laurence Petit.

Alors que les regards se focalisent sur la réforme du Code du travail, l’évolution pourrait être à terme de voir sortir du champ du Code du travail une partie de la population active. La concomitance des deux réformes mérite en tout cas de s’y arrêter. L’ouverture de l’assurance chômage aux indépendants mais aussi la diversité des carrières, la combinaison accrue d’activités exercées sous statut de salariés ou d’indépendants va amener les acteurs à réfléchir différemment à leurs parcours professionnels. Reste aussi à savoir si la réforme, conduite sur deux ans, amènera une plus grande fluidité dans les carrières.

Les Urssaf vigilantes

Selon le rapport d’activité publié en juillet 2017 par l’Acoss (en ligne sur urssaf.fr « Rapport thématique 2016. Contrôle et lutte contre la fraude au prélèvement social »), le contrôle des travailleurs indépendants s’amplifie. Un plan de contrôle a été déployé pour viser les travailleurs indépendants, facilité par la mise en œuvre des contrôles sur pièces. Côté employeur, attention aux risques de requalification. Faire travailler d’anciens salariés sous couvert de statuts d’auto-entrepreneur tout en leur faisant exercer la même activité peut donner lieu à une condamnation pénale (voir notamment cass crim. 15 décembre 2015 n° 14-85638). Les Urssaf vont également porter leur attention sur le phénomène d’uberisation. Des contentieux ont été engagés avec des décisions non définitives à ce jour, certaines favorables aux Urssaf, d’autres pas.

Auteur

  • Clotilde de Gastines