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Rupture conventionnelle collective ou PDV, est-ce du pareil au même ?

Idées | Débat | publié le : 06.11.2017 |

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Rupture conventionnelle collective ou PDV, est-ce du pareil au même ?

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Les ordonnances publiées fin septembre prévoient un nouveau mode de rupture collective du contrat de travail, auquel plusieurs salariés pourront se porter candidat. Une mesure surprise, destinée à sécuriser les plans de départs volontaires, qui est contestée par plusieurs organisations syndicales.

Fabrice Angei : Secrétaire confédéral de la CGT.

Surprise des ordonnances, la rupture conventionnelle collective vient compléter nombre de dispositions telles que la primauté de l’accord d’entreprise sur le contrat de travail, le plafonnement des indemnités prud’homales pour licenciement abusif ou encore la réduction du délai de recours aux prud’hommes visant à accorder à l’employeur un véritable « permis de licencier ».

Cette mesure s’inscrit dans une volonté politique de faire sauter les verrous posés par la loi en matière de rupture de contrats de travail. Si elle libère l’employeur, elle insécurise le salarié. Cette réforme prive les salariés des contreparties qu’offrait un plan de départ volontaire qui se négocie dans le cadre des licenciements économiques. Elle vise à contourner un plan de sauvegarde de l’emploi sans recours juridique possible. Les salariés perdent le bénéfice d’un contrat de sécurisation professionnelle qui instaure un suivi intensif pour le retour à l’emploi, avec pour risque de lourdes conséquences quant au déroulé de leur vie professionnelle. Les frais et la mise en place des mesures d’accompagnement social seront, en outre, transférés à la collectivité.

Alors qu’un PDV l’en empêchait pendant un an, l’employeur est autorisé à embaucher sans délai dans la foulée de la rupture conventionnelle collective. C’est ainsi un moyen de renouveler les compétences en s’exonérant de tout accord de GPEC. Les salariés seniors risquent d’être visés en priorité même si le législateur entend interdire toute discrimination. Les organisations syndicales, toujours présentes lors des débats relatifs aux licenciements collectifs, pourraient être évincées dans la mise en œuvre et le suivi des plans de rupture conventionnelle collective. C’est pour toutes ces raisons que la CGT combat cette disposition particulièrement défavorable aux salariés qui renforce la course au moins-disant social.

Sabine Lochmann : Présidente du directoire de BPI group.

Si les plans de départ volontaire se trouvent confirmés, ils ne joueront pas le même rôle que « la rupture conventionnelle collective (RCC) ». Entre les deux régimes des différences notables sont à noter, comme l’effet d’annonce d’une RCC beaucoup moins impactante pour les salariés. La Dirrecte exercera notamment son pouvoir de contrôle sur les mesures d’accompagnement comme sur le fait que la RCC ne peut masquer de mesures discriminantes (âge, handicap…). Ensuite, sans qu’elles n’aient le besoin de démontrer un motif économique, les entreprises vont devoir fonder la RCC à partir de la négociation d’un accord majoritaire ou d’un accord de GPEC. L’employeur devant éventuellement être en capacité d’apporter la preuve qu’il aura consentie à des adaptations rendues nécessaires en termes de dialogue social. L’ensemble des signataires devra avoir à cœur de s’entendre sur les règles du jeu à poser au bénéfice de la gestion par anticipation des effectifs salariés de l’entreprise. S’il s’agit bien pour l’employeur de procéder à des départs non contraints de l’entreprise. La pratique dira si la RCC a fait la preuve de son efficacité au service de la compétitivité de l’entreprise. Quant aux salariés, ce sont les mesures d’accompagnement au bénéfice de leur employabilité qui devront être aussi importantes que les indemnités composant la fameuse « valise » de départ. L’occasion pour eux de travailler sur un projet réaliste et réalisable.

Le rapport de force s’inverse par rapport à une rupture individuelle. Désormais, le salarié n’est plus seul face à son employeur et les acteurs de la négociation devront jouer sur la sécurisation de son employabilité en échange de la simplification et de la flexibilité voulue par les employeurs pour développer la compétitivité de leur organisation. Alors seulement nous saurons dire si RCC et PDV ne sont pas finalement « du pareil au même ».

Éric Rocheblave : Avocat spécialiste en droit du travail.

La « rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif » est un nouveau mode de fin de CDI qui ne remplace pas le PDV mais qui va coexister avec lui. Il s’agit d’un « plan de départs volontaires » mis en place par accord collectif majoritaire soumis à la validation de l’autorité administrative. Comme pour le PDV, l’employeur est à l’initiative de la négociation collective des ruptures et les salariés sont libres d’y adhérer individuellement ou pas. En cas de refus de validation, l’employeur pourra présenter une nouvelle demande après y avoir apporté les modifications nécessaires. En cas d’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié, la rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties sera établie.

À l’instar du PDV, la « rupture conventionnelle collective » est réservée aux séparations « excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d’emplois ». Ce n’est donc ni un licenciement ni une démission mais bien une rupture d’un commun accord du contrat de travail qui lie l’employeur et le salarié ouvrant droit à l’assurance chômage. Le rapport du président de la République relatif à l’ordonnance sur la sécurisation des relations de travail indique d’ailleurs qu’« un régime fiscal et social attractif, comme celui existant pour les plans de départs volontaires », sera proposé dans le cadre de loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, « afin de favoriser la conclusion de tels accords ». À la différence du PDV, cette nouvelle mesure n’est pas subordonnée à l’existence d’un motif économique et peut donc intervenir en l’absence de toutes difficultés ou de nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise et, par voie de conséquence sans avoir à établir un plan de sauvegarde de l’emploi.

Ce qu’il faut retenir

// Fin août, le gouvernement a annoncé l’instauration d’une « rupture d’un commun accord dans le cadre d’accords collectifs » lors de la présentation des ordonnances réformant le Code du travail. La mesure avait été écartée par l’exécutif précédent dans la loi El Khomri.

// Cette nouvelle mesure prévoit, par un accord négocié dans l’entreprise, une rupture à l’amiable avec l’employeur de manière collective. L’employeur n’aura plus d’obligation de réembaucher et les salariés seront privés de certains avantages associés à un plan de départ volontaire, comme le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle.

// Absents du Code du travail, les actuels plans de départs volontaires sont une pratique déjà ancienne puisque la Cour de Cassation a acté leur existence par une décision du 28 juin 1979.

En chiffres

34 900

C’est le nombre de ruptures conventionnelles enregistrées en août 2017 par la Dares (dernier chiffre connu)

66 %

C’est, grâce à la montée en charge des PDV, le pourcentage de PSE qui donnent lieu à des accords d’entreprise validés.