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La clé des compétences

Dossier | publié le : 06.11.2017 | Clotilde de Gastines

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La clé des compétences

Crédit photo Clotilde de Gastines

Conjuguer obligation d’emploi et besoin en compétence ? C’est possible, à condition de mettre en œuvre un véritable management de la diversité et d’échanger sur ses bonnes pratiques en matière de handicap.

Aides financières directes, guides de bonnes pratiques RSE, kit de sensibilisation, norme « Handi-accueillante » : les dispositifs de compensation pour l’insertion ou le maintien des travailleurs handicapés en emploi sont pléthoriques. Pour autant, les entreprises d’au moins 20 salariés sont encore loin d’atteindre le quota de 6 % imposé par la loi de 1987. Alors que la semaine du handicap célèbre cette année le trentième anniversaire de la fameuse obligation d’emploi des travailleurs handicapés, l’heure est au bilan. Et, comme chaque année, les chiffres font l’effet d’une douche froide. Le taux d’emploi dans le secteur privé est seulement de 3,3 % en équivalent temps plein, même s’il a augmenté de 0,3 point en 3 ans.

Sur les 2,7 millions de bénéficiaires de l’obligation d’emploi (BBOE), 938 000 sont en emploi, 70 % dans le secteur marchand (+ 9 % en 3 ans) contre 22 % dans le public, 8 % d’indépendants (Insee 2015). Leur taux de chômage ne cesse d’augmenter. À fin mars 2017, 495 675 BBOE étaient demandeurs d’emploi (selon les chiffres de Pôle Emploi).

Le regard change progressivement

Sur les 101 100 établissements assujettis à l’obligation d’emploi, moins de la moitié (41 %) remplissaient leur obligation en 2016, selon la Dares. Dont 28 % uniquement par l’emploi direct, tandis que 28 % ne comptaient aucun travailleur handicapé dans leurs effectifs. Toutefois, le taux d’établissements sans action positive en matière de handicap est tombé à 8 % (contre 29 % en 2006). Si bien que les pénalités collectées par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) ont fondu d’un tiers depuis 2008. Le gouvernement a d’ailleurs missionné l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) pour enquêter sur « ce modèle de financement qui semble avoir atteint ses limites », comme l’explique Véronique Bustreel, conseillère nationale emploi de l’Association des paralysés de France (APF). « La baisse des fonds signifie que, peu à peu, l’insertion se fait soit par l’embauche directe, soit par l’emploi indirect et le maintien dans l’emploi. »

Pour Philippe Chognard, de la Confédération des PME (CPME), « la frilosité des patrons envers le handicap est de moins en moins évidente ». La principale « gageure », selon lui, est de trouver une personne compétente compte tenu du déficit de formation initiale dont pâtissent les personnes handicapées et de leur accès encore trop limité à la formation continue (voir page 50).

La compétence et l’expérience primeront-elles pour autant sur le handicap ? « Les entreprises recruteront quelqu’un parce qu’il est motivé et compétent », affirme Bénédicte Sauer, fondatrice du Club Osons. Depuis 2008, cette association bretonne accompagne vers l’emploi 200 jeunes en partenariat avec les chambres de commerces, la région et l’académie de Rennes et contribue à faire changer le regard des entreprises régionales sur le handicap. « Nous sommes en veille permanente sur les métiers porteurs d’emploi et sur les nouveaux modes de management, pour savoir ce qui correspondra aux jeunes », ajoute-t-elle. Le Club s’efforce de présenter aux employeurs des jeunes « qui tiennent la route », parce qu’ils ont cerné leur projet professionnel, découvert des métiers et des filières porteuses et connaissent l’attente des entreprises. Il joue ensuite le rôle de médiateur en cas de besoin.

Des aides étoffées

Les mesures incitatives sont nombreuses. L’Agefiph a fait « un véritable effort de visibilité et de lisibilité des aides », reconnaît Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath, l’association des accidentés de la vie. Ainsi, 28 019 entreprises ont bénéficié d’une aide à l’insertion en 2016. Elle est versée pour toute embauche en CDI ou CDD d’une durée supérieure ou égale à 6 mois, à condition que le travailleur handicapé soit âgé d’au moins 45 ans ou chômeur de longue durée (entre 1 000 € et 4 000 €).

Pour autant, Philippe Chognard estime qu’il faut rendre les aides, le soutien, le conseil, plus accessibles, « y compris aux TPE qui ne sont pas soumises à l’obligation d’emploi ». Les moins de 20 salariés – qui représentent en effet un véritable gisement d’emplois – peuvent avoir besoin du soutien de l’Agefiph pour recruter un travailleur handicapé ou maintenir un salarié concerné par l’usure professionnelle ou par une pathologie invalidante. Si le taux de maintien après l’intervention du Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (Sameth) est de 94 %, il a concerné moins de 20 000 personnes en 2015. Ce qui paraît très faible au regard des 120 000 licenciements pour inaptitude recensés chaque année dans l’Hexagone. Autre obstacle, de taille, l’instruction des demandes auprès de l’Agefiph peut parfois durer 6 mois. « Il faut réagir extrêmement vite, dans l’idéal en quelques jours. Au-delà, les délais peuvent être préjudiciables à l’accès ou au maintien », convient Arnaud de Broca, qui fait partie du conseil d’administration paritaire de l’organisme.

La clé du conseil et de l’accompagnement

Les entreprises de plus de 250 salariés sont particulièrement bien accompagnées. Elles ont la possibilité de demander un diagnostic conseil aux services de l’Agefiph et de signer une convention. En 2015, 16 grandes entreprises en ont bénéficié (ce qui représente 15 319 établissements et 3 074 diagnostics conseils). Ces conventions sont souvent le préalable à la signature d’accords sociaux triennaux.

Depuis 2005, la loi oblige les grandes entreprises à négocier sur l’emploi des travailleurs handicapés. 11 % des entreprises ont signé des accords soit à leur niveau, soit au niveau de la branche. Elles dégagent ainsi un budget dédié à leur mission handicap, car le budget de l’accord est au moins équivalent au montant de la contribution annuelle versée à l’Agefiph. Une fois adopté par les partenaires sociaux, le projet est soumis à l’agrément de la direction régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (Direccte) qui exerce un audit annuel. Et le taux d’emploi s’en ressent. Selon le bilan de la DGEFP établi en février 2016, celui-ci est plus élevé en fin d’accord, soit 4,38 % dans 16 278 établissements. Les sommes mobilisées (268,2 millions) ont permis 24 397 maintiens dans l’emploi et 11 859 recrutements (la moitié de plus de 6 mois).

Des groupements d’employeurs ad hoc

Des réseaux d’entreprises se structurent également à l’échelle des territoires autour du handicap, soit de leur propre initiative, soit sur l’initiative d’acteurs publics. Le Medef Drôme-Ardèche vient ainsi de créer le groupement d’employeurs Handi Compétences, qui réunit pour le moment sept entreprises. Ce GE mettra à disposition de ses adhérents des candidats en situation de handicap et assurera une formation de 12 mois sur le poste à pourvoir. À l’issue de celle-ci, le travailleur handicapé ne sera plus le salarié du GE pour devenir celui de l’entreprise.

Les employeurs sont également encouragés à l’échelle des Régions par les pactes régionaux d’insertion des travailleurs handicapés (Prith) qui visent à mieux coordonner l’action des Direccte, de l’Agefiph, des maisons de l’emploi, de Pôle emploi et des Sameth. En Franche-Comté, 17 entreprises se sont ainsi engagées sur des objectifs chiffrés : 60 recrutements hors intérim et 320 en intérim. « L’idée est de partir du besoin concret des entreprises, explique la coordinatrice Claire Puthoud. Nous les avons sondées sur leur politique interne en matière de ressources humaines, et nous organisons des échanges de bonnes pratiques entre les référents Handicap des entreprises. » Au bout de trois ans, certains signataires avaient largement dépassé leur quota légal et leur taux d’emploi atteignait 8 %. Il est possible d’intégrer dans le calcul du taux, les politiques d’emploi indirect : sous-traitance, co-traitance et achats de prestations de service. En 2014, les montants engagés atteignaient 2 milliards d’euros selon le Baromètre des achats au secteur adapté et protégé du Gesat (Groupement des établissements et services d’aide par le travail). En sous-traitant au secteur du travail protégé et adapté, les entreprises obtiennent des « unités bénéficiaires » (UB). Une unité bénéficiaire correspond pour une entreprise privée à 19 220 € de sous-traitance directe. Cette UB permet à l’entreprise (en fonction de sa taille) de déduire le montant de la contribution annuelle à l’Agefiph, dans la limite de 10 %. Et le développement des entreprises adaptées sur de nouveaux métiers, notamment ceux du numérique pour le compte de grands donneurs d’ordre prouve que la compétence fait la différence.

A lire

> Handicap & Emploi, Droits et dispositifs, la Documentation française, novembre 2015 (6e édition)

> L’entreprise face au trouble psychique, de Gisèle Bircq et Clément Bonnet, Editions Erès, 2017

> Le guide : « Entreprise, handicap ou pas cap ? Guide pratique à l’attention des dirigeants et responsables de PME » du Club handicap et Compétences, avec le soutien du Medef

Repère

> 404 millions d’euros ont été collectés par l’Agefiph auprès de 41 588 entreprises en 2016

> 400 400 bénéficiaires de l’obligation d’emploi travaillent dans le privé

> Environ 150 000 personnes travaillent dans le secteur du travail protégé et adapté (STPA)

Auteur

  • Clotilde de Gastines