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Une promo de DRH au Palais Bourbon

Décodages | publié le : 06.11.2017 | Rouguyata Sall

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Une promo de DRH au Palais Bourbon

Crédit photo Rouguyata Sall

Auchan, Elior, Akka Technologies… Plusieurs députés de la XVe législature ont fait carrière dans les RH avant d’entrer à l’Assemblée. Retour sur leurs vies professionnelles et ce qu’elles apportent à leur nouvelle fonction de parlementaire.

Vingt ans dans les ressources humaines. C’est avec ce bagage professionnel que Didier Baichère et Cendra Motin ont fait leur entrée en juin dernier au Palais Bourbon. Député La République en Marche (LREM) des Yvelines (78), le premier nommé a été directeur des ressources humaines, principalement dans le secteur des hautes technologies, d’Alcatel Lucent (devenu Nokia), à Akka Technologies (ingénierie des services dans l’automobile et l’aéronautique), en passant par CGI, groupe canadien de services informatiques et DCNS (aujourd’hui Naval Group). Le fil conducteur de sa carrière ? La transformation sous toutes ses formes : restructurations, fermetures de sites, rachat d’entreprises, recrutements massifs…

Tous les métiers représentés.

Même durée de carrière pour Cendra Motin. Également élue sous la bannière de LREM en Isère, elle a travaillé en tant que responsable paie, administration du personnel et chef de projet en SIRH avant de créer en 2010 sa société de conseil en RH. Mais le grand et nouveau groupe La République en Marche compte d’autres représentants du monde des ressources humaines. C’est le cas de Laurent Pietraszewski, député du Nord, qui a été, pendant sept ans, responsable de développement des ressources humaines du groupe Auchan. Ou de Carole Grandjean, députée de Meurthe-et-Moselle, qui a commencé sa carrière à la formation et au recrutement au Printemps, puis qui a rejoint la Caisse d’Épargne avant de monter un cabinet de conseil en recrutement pour le groupe Adecco. Avant de se jeter dans le grand bain de la politique, elle était responsable RH au sein d’Elior restauration. Sa nouvelle collègue Michèle Peyron, élue en Seine-et-Marne, est, pour sa part, une autodidacte qui a évolué pendant une vingtaine d’années dans les PME en tant que responsable du personnel.

À travers ces néo-parlementaires, ce n’est pas seulement la société civile qui est entrée en force au Parlement, lors des dernières législatives. C’est aussi la fonction RH dans son ensemble, avec la multitude de ses métiers. Pour Didier Baichère, il y a une forme de continuité entre ces deux univers. Cet ex-DRH, qui a travaillé dans des groupes de taille internationale et siégé dans des comités de direction, est habitué à ce niveau de responsabilité. Mais il estime que son expérience de DRH multi-site est aussi très utile dans son nouveau job de député. Très vite, il s’est tourné vers les entreprises de sa circonscription, instaurant un rendez-vous trimestriel avec le patronat local, pour évaluer la politique de l’emploi. « C’est le côté très pragmatique du DRH de terrain. Là où il y a des problèmes, il faut trouver des solutions. » Carole Grandjean pointe également une forme de continuité entre son ancien et son nouveau métier : « L’approche des dossiers est très transversale. Ça, on a l’habitude. On sait également passer d’un sujet à l’autre, d’un interlocuteur à un autre, avec des prismes très différents sur un même sujet. » Pour elle, le choix de la commission des affaires sociales s’est vite imposé : « Prenons l’exemple de l’agriculture. Vous allez discuter avec un syndicat agricole, des consommateurs, un producteur d’insecticides. Les avis sont évidemment très disparates et, comme dans la fonction RH, on analyse la situation pour adopter la position qui nous semble la plus adaptée, la plus objective ».

Un séminaire de rentrée façon RH.

Laurent Pietraszewski (voir aussi LSM 184, p12) s’est, lui aussi, engagé au sein de la commission des affaires sociales, attiré par l’engagement de « refonder un contrat social » pris par Emmanuel Macron, dans son programme présidentiel. « J’ai eu la chance de pouvoir travailler dans une entreprise qui signait beaucoup d’accords d’entreprise. Et j’ai bien vu qu’en ce qui concerne la vie au travail, les mesures prises dans une entreprise sont des dispositions de proximité. Pas forcément ce qui a été décidé à Paris, loin des réalités. » C’est ce qui l’a d’ailleurs motivé pour accepter le poste de rapporteur sur l’importantissime projet de loi d’habilitation pour les ordonnances destinées à renforcer le dialogue social. Le néo-député du Nord a également utilisé ses talents, en intégrant le comité d’organisation du séminaire de rentrée qui a réuni les 309 parlementaires LREM : « L’objectif, c’était de se connaître. On voulait que ce soit interactif. Il fallait qu’on trouve des pédagogies adaptées pour travailler en sous-groupes, passer un moment avec des gens qu’on ne connaît pas. Bien sûr qu’on a utilisé des méthodes assez classiques en RH, mais qui sont peut-être innovantes pour l’Assemblée nationale ».

Parmi les nouveaux parlementaires venus des ressources humaines, Cendra Motin fait déjà figure de ténor, de par son poste de vice-présidente de l’Assemblée. Au perchoir, son expérience de chef de projet RH est, selon elle, un atout : « Le chef de projet est un chef d’orchestre. Sur les projets que j’ai menés, il fallait faire à la fois preuve de tact et de fermeté ». Un atout pour diriger les débats, à commencer par la réforme du Code du travail, l’une des raisons de son engagement : « Ça m’a permis d’avoir une analyse et une réflexion sur les ordonnances et puis de faire un travail d’explication auprès de ceux qui n’étaient pas des professionnels ».

Une ministre du sérail.

Tous ces anciens professionnels des ressources humaines reconnaissent que la nomination de Muriel Pénicaud au ministère du Travail est un sacré avantage pour le dialogue social. Pour Michèle Peyron, la nouvelle locataire de la rue de Grenelle sait de quoi elle parle, puisqu’elle a travaillé sur tous ces sujets tout au long de sa carrière. « Muriel Pénicaud connaît les rouages du dialogue social. Elle est à la fois stratège et pragmatique », estime Cendra Motin tandis que Laurent Pietraszewski s’attarde sur l’ensemble du passé professionnel de la ministre, en évoquant aussi sur son passage en mission locale pour l’insertion des jeunes, en Lorraine.

Pourquoi, d’un seul coup, autant de professionnels RH au Parlement ? Pour Carole Grandjean, la question est plutôt de savoir pourquoi La République en Marche a souhaité investir des DRH ? « Il y a, chez eux, une compétence et un savoir-être qui peuvent être intéressants à transposer dans l’Assemblée. » Michèle Peyron invoque « le côté humain de la profession ». Mais elle souligne également l’adéquation entre la fonction et le projet du candidat Emmanuel Macron. Avec la place de choix réservée à la simplification du Code du travail. Le premier chantier de cette mandature concernait, il est vrai, le monde de l’entreprise, Didier Baichère faisant observer, à ce propos, que « tous les métiers de l’entreprise sont représentés au Palais Bourbon, des directeurs financiers, des entrepreneurs, des avocats, et plus largement, toutes les émanations de la société civile. »

Des nuits blanches, aussi !

Pour cette réforme du Code du travail, le principe des ordonnances qui a été adopté – « proche des habitudes que l’on a dans l’entreprise », selon Didier Baichère – n’a pas choqué nos DRH. « Une de mes craintes en m’engageant comme parlementaire, ajoute Carole Grandjean, c’était la différence de temporalité entre une institution comme l’Assemblée et l’entreprise. Et je trouve que cette méthode a permis de définir le cadre dans lequel on allait pouvoir débattre, de donner un rythme et d’avancer. » Députés fraîchement élus, ils ont vite découvert d’autres façons de travailler, d’autres codes. Didier Baichère regrette de ne plus travailler à l’international et l’absence d’une dimension interculturelle, avec des équipes plus larges et des gens spécialisés. Cendra Motin a fait son deuil du contact direct avec les salariés de tout niveau, mais « pas des nuits blanches, ni des débats, parce qu’il y en a aussi ». « Il y a certainement des choses qui me manquent, s’interroge Laurent Pietraszewski. Pour l’instant, je ne m’en aperçois pas. Le quotidien est tellement dense. » Voilà un CDD de cinq ans que beaucoup ne verront pas passer.

L’ANDRH applaudit en silence

Association indépendante, l’ANDRH exprime un point de vue qui se veut professionnel et apolitique. « Être RH et être député, ce n’est pas la même fonction. Nous sommes attentifs à ne pas faire de raccourcis, souligne Bénédicte Ravache, secrétaire générale de l’association professionnelle des DRH. Ceci étant dit, il y avait un sujet au niveau de la représentation nationale, qui doit être… représentative. Et plus la diversité des métiers est forte et notamment les RH, plus on peut considérer que la loi, dans sa fabrication, prendra en compte cet aspect-là. » En clair, l’association se réjouit que la représentation nationale comprenne des professionnels RH, comme elle compte des fonctionnaires, des médecins ou des ingénieurs. « Même si en tant que députés, ils ne sont pas censés ni réfléchir comme un DRH, ni ne penser qu’à la vie pratique des DRH. »

Même prudence avec la nomination d’un de ses pairs au ministère du Travail. « Nous n’avons pas à juger a priori de la compétence ou de l’incompétence d’un ministre. Et le fait qu’un ministre ait exercé un tel métier avant, n’est ni discriminant ni disqualifiant. » Cela étant dit, l’ANDRH se réjouit quand même de voir rue de Grenelle « quelqu’un qui connaît les problématiques des entreprises car ça laisse à penser que la prise en compte de la réalité des entreprises devrait être plus importante ». Muriel Pénicaud a, certes, eu une carrière de DRH, « représentative d’un parcours possible en RH ». Mais certains de ses prédécesseurs ont réussi le leur dans ce ministère ô combien difficile sans avoir fait carrière dans les ressources humaines !

Auteur

  • Rouguyata Sall