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« La médiation participe au dialogue social »

À la une | publié le : 06.11.2017 | Lucie Tanneau

Fathi Ben Mrad est sociologue, spécialiste des questions de travail social et des pratiques de médiation. Pour lui, elle peut être un outil utile aux entreprises quand il s’agit de déjouer les liens de subordination et de contribuer au dialogue.

Pourquoi utiliser la médiation en entreprise ?

Dans les entreprises, les conflits non résolus représentent un coût humain et économique (démotivation, absentéisme…). La médiation est un système qui permet d’y faire face de manière plus rapide et plus simple qu’un recours en justice, sachant que la possibilité d’aller en justice demeure, en cas de blocage. C’est aussi plus économique qu’un procès ou que d’éventuelles indemnités prud’homales et cela permet de préserver la relation de travail ou d’affaires et de garder les compétences et le personnel en interne. Enfin, la médiation préserve l’image de l’entreprise tant au niveau individuel, puisque le salarié sent que l’entreprise veut le garder, qu’à l’extérieur.

Pourquoi la médiation n’est-elle pas généralisée dans l’entreprise ?

Je vois deux faiblesses principales : le médiateur doit être impartial, neutre et indépendant, c’est la base. En entreprise, la question de l’indépendance se pose de manière plus manifeste que dans le champ social ou familial, car le médiateur interne peut faire l’objet de pression. Salarié, il est dans une position de subordination, partagé entre sa propre fidélité à l’organisation et la situation conflictuelle des parties. Cela peut représenter une contre-indication à l’efficacité de la médiation. Le manque de réglementation de la profession est aussi un souci. Il existe un code déontologique, mais il n’est valable que pour ceux qui le signent… Difficile pour les entreprises de s’y retrouver.

Enfin, la médiation peut aussi se révéler inefficace dans les situations conflictuelles très installées. Il ne s’agit pas de transformer en conflit relationnel un conflit structurel.

Pour vous, les salariés médiés doivent être volontaires. Comment s’en assurer en entreprise, quand la demande émane des dirigeants ?

Un individu a toujours la possibilité de participer ou non. C’est un principe inhérent à la médiation. S’il est contraint, on passe dans l’ordre de l’arbitrage ou du recadrage.

Le médiateur est là pour s’assurer de cette liberté d’autant plus en entreprise où le lien de subordination existe. Sachant que les médiés doivent trouver par eux-mêmes une solution, leur volonté sera la base de respect de cet accord dans le futur. Il n’y a pas d’antinomie entre le travail du médiateur et du DRH. On peut envisager une complémentarité pour que les RH reprennent la dimension exécutoire de l’accord trouvé par les médiés. Ils ont ce rôle de régulation sociale en interne, même si le médiateur doit assurer la confidentialité des échanges.

N’y a-t-il pas risque de dérives, de contournement du dialogue social ou de manipulation des salariés ?

Aujourd’hui, le mode privilégié de régulation des conflits est la négociation entre les représentants du salarié et l’employeur. La médiation reste principalement un outil inter-individuel. Il est vrai qu’il existe des réticences chez certaines organisations syndicales qui perçoivent la médiation comme une atteinte à leurs prérogatives, mais elles sont liées à la méconnaissance du travail des médiateurs et, dans certains cas, à l’intérêt de maintenir un conflit bilatéral qui leur permet d’ancrer des positions et d’assurer leur légitimité. Mais les médiés peuvent être accompagnés par un représentant au cours de la médiation, comme l’avocat en médiation familiale, sachant que la base reste la libre-expression du médié. Les risques existent donc principalement en cas de manque d’indépendance et de neutralité. Pour moi, la médiation participe au dialogue social, car elle permet au salarié d’exprimer son ressenti et d’éviter les rancœurs.

Auteur

  • Lucie Tanneau