En 2014, le patron de l’usine textile Bel Maille à Roanne annonce à ses ouvriers le redressement judiciaire de la société. C’est cette histoire que Charlotte Pouch a décidé d’immortaliser en plantant durant six mois sa caméra au milieu des gigantesques tricoteuses, des bobines de fil multicolores, des vastes rouleaux de tissu. Au détour des ateliers, la documentariste filme au plus près une réalité ouvrière glaçante, celle d’une usine qui se meurt faute de commandes et de matériaux suffisants. Au fil de la chronique, les machines se font de plus plus silencieuses, les hommes ralentissent la cadence, l’attente de repreneurs potentiels devient insoutenable. « Bureau du déserteur », « Rue de l’incompétence », « Boulevard des futurs chômeurs » : pour tuer le temps, les ouvriers, qui pour beaucoup ont fait toute leur carrière chez Bel Maille, ont rebaptisé les allées de l’entreprise non sans une pointe d’humour noir, seul exutoire à leur colère face à un patron à la moralité plus que douteuse. Comme ailleurs, l’atmosphère familiale du passé a laissé place à la froideur d’un dialogue social entre le directeur de l’entreprise, qui n’hésitera pas à quitter le navire, et des salariés impuissants. Devant notre écran, on ne peut être que marqué par ces rencontres avec des hommes anxieux mais bien décidés à affronter jusqu’au bout la situation sans se résigner.

Des bobines et des hommes (1 h 07), film de Charlotte Pouch. Sortie le 25 octobre.