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Des ordonnances à côté de l’essentiel ?

Idées | Bloc-notes | publié le : 02.10.2017 | François Dupuy

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Des ordonnances à côté de l’essentiel ?

Crédit photo François Dupuy

Le Code au centre

Après la loi « El Khomri », la loi « Pénicaud » a mis le feu aux relations entre pouvoir politique et organisations syndicales. Ces lois continuent d’animer le débat national comme si, à elles seules elles allaient déterminer l’avenir des salariés. Certes, cet embrasement est diversement alimenté et perd sans doute en intensité. Néanmoins, le sentiment domine que c’est autour de ce « code » que se joue l’avenir du travail et donc celui des salariés. C’est là une vision juridique classique. Elle a du sens puisque c’est bien la loi qui définit les règles régissant les relations entre les acteurs concernés. Et cependant, cette vision, là comme dans d’autres domaines, est partielle.

Car si les conditions du travail ont profondément évolué depuis près d’un demi-siècle, non seulement le droit du travail n’y est pas pour grand-chose, mais encore il n’y peut pas grand-chose. Résumons : l’ouverture des marchés – ce que l’on appelle la « mondialisation » – a amené les entreprises à faire face à des exigences croissantes de leurs clients. C’est le fameux « plus pour moins » auquel elles ont dû répondre en trouvant une variable d’ajustement permettant de résoudre cette quadrature du cercle. C’est à l’organisation du travail qu’a été dévolu ce rôle, amenant les entreprises à passer d’un taylorisme classique – pourtant toujours bien présent – défini par un travail segmenté et séquentiel, à des modes beaucoup plus collaboratifs et coopératifs illustrés au quotidien par la mise en valeur de « projets ».

Taylorisme protecteur

Mais personne n’avait sans doute anticipé que le bon vieux taylorisme, cible de toutes les critiques des intellectuels, constituait pour les salariés, une solide protection face au client d’une part et face aux « autres » d’autre part, les salariés voisins de bureau ou situés à l’autre bout du monde, avec lesquels la segmentation n’obligeait pas à se confronter en permanence. Ce faisant, en utilisant un vocabulaire positif et en lançant des messages enthousiastes, on a en réalité « déprotégé » le travail bien plus que les lois précitées ne l’ont fait ou vont le permettre. Le travail est devenu dur, très dur, non pas physiquement, mais moralement, émotionnellement, amenant l’apparition du fameux burn-out et provoquant, pour un nombre toujours croissant de salariés, des stratégies de retrait qui ont conduit les entreprises, en désespoir de cause, à faire de « l’engagement » de leurs salariés une de leurs valeurs prioritaires.

Dégradation du travail

Ce n’est pas le moindre des paradoxes de notre société, dans le domaine du travail comme dans bien d’autres : on se bat pour ou contre les lois parce qu’elles sont visibles et tangibles. On en dissèque à l’envi les contenus, les pièges et les sous-entendus. Mais ce qui fait la réalité de la vie quotidienne dans les organisations, ce qui éventuellement provoque une souffrance pourtant maintes fois analysée et décrite, demeure dans une relative indifférence. Bien qu’étant les premiers employeurs du pays, les pouvoirs publics sont difficiles à mobiliser sur de tels sujets. De façon plus surprenante, même les organisations syndicales ne s’intéressent que moyennement à cette évolution phénoménale. À ce jour, elles ne semblent pas avoir trouvé les bonnes réponses à la dégradation organisationnelle du travail et se crispent sur un juridisme étroit, mais qui a au moins l’avantage d’être clairement identifiable. Les milieux syndicaux n’ont pas encore pris conscience que tout ne se joue pas autour du droit, tant s’en faut. Ce faisant, ils mènent, à n’en pas douter, un combat important, mais dont il faut affirmer à nouveau qu’il passe pour le moment à côté de l’essentiel.

Auteur

  • François Dupuy