El Mouhoub Mouhoud est professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine et coauteur de l’étude Relocalisations d’activités industrielles en France. Il estime que la relocalisation est irréalisable à grande échelle.
En France, les délocalisations restent minoritaires, il n’y a donc pas non plus de relocalisations de masse. Depuis 2005, on comptabilise à peine 150 cas, et il s’agit de rapatriements parcellaires ou partiels. Selon l’Insee, sur 28 000 entreprises françaises (+ 50 salariés), seules 5 % délocalisent et 4 % renoncent à délocaliser, ce qui est une forme de relocalisation.
La délocalisation d’activités immatérielles souvent « invisibles » comme les services, tend en revanche à s’accélérer : back office de banques, centres d’appels, tâches administratives pour des entreprises, des cabinets d’avocats ou des hôpitaux… On n’a pas d’études chiffrées, mais cela fragilise certaines régions.
Cela dépend des secteurs. Pour les biens intermédiaires, on est dans une logique de coûts et d’automatisation. Je relocalise si je peux robotiser, c’est le cas dans l’automobile, la mécanique ou la sidérurgie, comme les établissements Loiselet relocalisés à Noyon.
Pour les biens de consommation finale, comme la mode, la qualité finale du produit, le made in France et l’image de marque comptent : Geneviève Lethu a relocalisé pour regagner en qualité.
Enfin, dans les secteurs avec des produits pondéreux et volumineux, les coûts de transport poussent à rapprocher les fragments de chaînes de valeurs des marchés.
Ils ont compris que c’était souvent une affaire de marketing. Par exemple, un fabricant de lunettes relocalise en France. C’est intéressant car basé sur une innovation, mais cela concerne une partie mineure de la production, contrairement à ce que la communication de l’entreprise peut laisser croire. Les syndicalistes savent que les relocalisations sont souvent partielles, conjoncturelles et que la production peut repartir si les conditions changent.
Oui, mais pas sur tous les projets. Les entreprises parties pour baisser les coûts peuvent être attirées par les primes d’installation, mais elles repartiront si leur avantage ne repose pas sur le territoire. Les aides directes aux entreprises sont inefficaces. Il faut une politique d’anticipation pour prévenir les délocalisations, contrairement à ce qui a été fait depuis trente ans. Les aides au financement octroyées par la Banque publique d’investissement ou les aides à l’innovation permettent des relocalisations de développement compétitif, accompagnées de systèmes de qualification de la main-d’œuvre pour recréer des dynamiques locales.