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Allemagne Le « Betriebsrat », cellule de base de la cogestion

À la une | publié le : 02.10.2017 | Thomas Schnee

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Allemagne Le « Betriebsrat », cellule de base de la cogestion

Crédit photo Thomas Schnee

Doté de larges pouvoirs, le comité d’entreprise allemand est sans doute l’élément le plus stable du système de représentation des salariés.

Le chef du comité d’entreprise central de Thyssenkrupp, Wilhelm Segerath, se démène pour imposer la création d’une nouvelle entreprise allemande de la sidérurgie autour de ThyssenKrupp Steel Europe. Objectif : contrer le projet de fusion de l’activité acier de ThyssenKrupp AG avec son équivalent indien Tata Steel. Le syndicaliste remue ciel et terre et rencontre des responsables politiques pour trouver des appuis. À défaut d’avoir les pouvoirs de bloquer l’opération, il veut forcer la direction à prendre position, comme le prévoit la « loi sur la constitution interne de l’entreprise » (Betriebsverfassungsgesetz). « La direction nous doit la clarté. Cette situation est insupportable pour les salariés », martèle-t-il, prêt à utiliser les larges prérogatives du CE allemand pour peser largement sur les compensations offertes au personnel, voire imposer un plan social.

« En Allemagne, il est possible, mais pas obligatoire, d’élire un comité d’établissement ou Betriebsrat dans toutes les entreprises de plus de cinq salariés. C’est aux salariés de le demander. C’est le lieu central de la représentation des salariés dans l’entreprise depuis soixante-quatre ans. Dans les grandes entreprises comme ThyssenKrupp, il y a un CE par établissement, chapeauté par un CE central pour l’entreprise », détaille Heiner Dribbusch, expert de la question pour la Fondation Hans-Böckler, think tank des syndicats allemands. C’est en 1952, dans le cadre des lois sur la cogestion, qu’une véritable législation sur les CE a pu voir vu le jour. Elle a été amendée et élargie en 1972 puis en 2001.

Partenaire indispensable.

Seules 9 % des entreprises allemandes ont un CE. « 80 % des entreprises de plus de 500 salariés sont dotées d’un CE, détaille Heiner Dribbusch. En revanche, c’est le cas de seulement 5 % des entreprises de moins de 50 personnes. Au total, 42 % des salariés allemands bénéficient d’un CE », précise-t-il. L’élection des Betriebsräte a lieu tous les quatre ans dans toutes les entreprises en même temps. « Le CE doit intégrer au moins un élu membre d’un syndicat, mais les salariés de toute sensibilité présentent des listes à l’élection », ajoute l’expert. Dans la réalité, environ 70 % des élus de CE sont adhérents d’un syndicat, la plupart du temps celui qui est en charge de négocier les accords collectifs de branche ou d’entreprise. Si le Betriebsrat n’a pas voix au chapitre sur les salaires, il négocie en revanche dans de très nombreux domaines comme la sécurité, l’environnement, l’égalité des chances ou encore la protection des données individuelles des salariés. Il doit être informé de tout licenciement et peut suspendre la procédure s’il la juge abusive. Il est aussi consulté sur le temps de travail, la formation et les barèmes salariaux.

Dans les entreprises de plus de 100 salariés, l’employeur doit le tenir informé de tout changement concernant la structure de l’entreprise, les besoins en personnel ou la stratégie globale. Bien sûr, ces prérogatives extrêmement larges sont plus ou moins respectées selon les secteurs, la taille et la culture de l’entreprise. Il n’est pas rare que la direction essaie de bloquer ou de retarder la création d’un comité d’entreprise. L’enseigne de hard discount Lidl et le leader de la grande distribution allemande Edeka, sont ainsi connus pour lutter pied à pied contre la création de CE dans leurs filiales. SAP a lui aussi longtemps bloqué la création d’un CE et l’arrivée des syndicats dans l’entreprise. À l’inverse, dans de très nombreux cas, le Betriebsrat s’est révélé être un partenaire indispensable de la direction pour la mise en place d’accords « révolutionnaires ». Tels ceux sur la conciliation vie privée-vie professionnelle chez BASF, le temps de travail à la carte chez Trumpf ou encore l’accord mondial sur le travail mobile chez Continental.

Éclairage

Il y a deux systèmes de représentation des salariés en Europe. Dans le plus ancien, le syndicat est l’unique représentant des salariés (modèle unique). Créé en Grande-Bretagne, ce système est toujours en vigueur dans les pays scandinaves et en Italie. Dans le second système (modèle dual), le syndicat est doublé d’un conseil d’établissement ou d’entreprise, introduit par la loi et basé sur les élections professionnelles. Comme en Espagne, aux Pays-Bas, en France ou en Allemagne. Outre-Rhin, le CE est présidé par un salarié et est libre de son agenda. Il rencontre l’employeur régulièrement pour négocier si possible des accords d’entreprise mais le syndicat a le monopole de la négociation sur la convention collective de branche.

Udo Rehfeldt, chercheur à l’Ires

Auteur

  • Thomas Schnee