Élection de Trump, Brexit, diplomatie offensive de Poutine, renforcement du pouvoir d’Erdogan… Regards croisés pour décrypter les manifestations populistes et leurs impacts.
Bertrand Badie, professeur de relations internationales à Sciences Po, et Michel Foucher, géographe et diplomate, tous deux auteurs prolifiques, nous livrent leurs grilles de lecture, souvent différenciées, sur les grands événements de l’actualité internationale, en réponse aux questions de Gaïdz Minassian, journaliste au Monde. « Le réfexe de protection face à une mondialisation mal comprise a donné lieu à une seconde renaissance du nationalisme », qui vient « emblématiser l’identité de chacun », estime le premier. « Barack Obama avait déjà commencé à recentrer la politique extérieure américaine sur les intérêts des États-Unis », souligne son contradicteur, et Vladimir Poutine joue davantage sur le patriotisme et l’affrmation de puissance que sur le nationalisme.
Illustration de ces nouvelles crispations identitaires, l’érection de murs. Renforcer la clôture avec le Mexique est une ineptie, selon Michel Foucher, car la frontière entre les deux pays, avec ses 48 points de passage et ses 190 millions de franchissements légaux, est une ressource pour les deux nations… et « un facteur crucial de la compétitivité mondiale des frmes américaines ». « L’Europe n’est pas en reste, ajoute Bertrand Badie : les Slovènes qui dressent des murs avec des lames de rasoir ; les Slovaques qui érigent des murs légaux en interdisant à certaines confessions d’entrer dans le pays », etc.
La montée des populismes menace-t-elle la construction européenne ? « L’Union européenne n’est pas selon moi en phase terminale », juge Michel Foucher ; « je crois que Donald Trump nous oblige à une prise de conscience » pour affirmer une politique extérieure de défense et de sécurité. Le dilemme d’aujourd’hui, résume Bertrand Badie, oppose en fait « un mondialisme qui veut réformer, mais ne sort guère des vieilles recettes libre-échangistes (…) et un néo-nationalisme qui mise sur la popularité des nostalgies identitaires ». Un débat passionnant qui passe en revue les principales zones d’infuence géopolitiques.
Vers un monde néo-national ?, Bertrand Badie et Michel Foucher, entretiens avec Gaïdz Minassian. CNRS Éditions. 200 pages, 20 euros.
