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Accompagner les maladies chroniques, une longue marche

Dossier | publié le : 05.06.2017 | S. C.

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Accompagner les maladies chroniques, une longue marche

Crédit photo S. C.

Un salarié sur cinq souffre de maladie chronique. Un sujet toujours un peu tabou dans les entreprises. Les employeurs tardent à mesurer le phénomène et ses conséquences. De leur côté, les assureurs, peu pressés de favoriser la prise de conscience, ne les épaulent guère.

À défaut de guérir les patients qui souffrent d’hypertension, de diabète ou de sida, on les soigne de mieux en mieux. De même, l’évolution des traitements contre le cancer tend à transformer cette pathologie en maladie chronique. Au total, on estime que ces affections de longue durée concernent un Français sur cinq.

Chaque jour en France, 1 000 personnes apprennent qu’elles ont un cancer. Parmi elles, 400 travaillent. Dans un autre domaine, plus de 90 000 personnes sont atteintes de SEP (sclérose en plaques), une maladie pour laquelle l’âge moyen de diagnostic se situe entre 25 et 35 ans. Autant dire qu’au moment de la découverte de la maladie, la proportion des personnes en activité est importante. Or, conserver son activité professionnelle est souvent primordial pour les salariés touchés par une pathologie chronique. Parmi les femmes atteintes d’un cancer du sein, une sur deux souhaite continuer à travailler, selon l’étude Calista réalisée à l’initiative du Cercle de réflexion de l’oncologie libérale en 2013. Car continuer à travailler contribue à conserver une image valorisante de soi, à garder son autonomie, ses revenus et son niveau de vie. Et surtout avoir un job permet de maintenir les relations sociales qui sont essentielles au maintien du moral et de l’équilibre psychologique.

Maintien de l’emploi tabou

Mais les entreprises ne sont pas toujours capables d’aider leurs salariés malades à continuer. La moitié des patients atteints de SEP perd son emploi entre neuf et quinze ans après le début de la maladie, d’après les estimations. Même si, dans certains cas, ils conservent leur capacité de travail. Si bien que le taux d’emploi des personnes atteintes de SEP varie de 32 à 61 % selon leur niveau d’études. La question du maintien dans l’emploi des salariés atteints d’une maladie chronique a toujours quelque chose de tabou. Même si les mentalités évoluent, lentement. L’association Cancer@work soulignait en début d’année que 55 % des personnes estiment qu’il est difficile de parler de cancer au travail, contre 77 % en 2013. Les personnes atteintes d’une pathologie n’ont en effet pas forcément envie d’en parler à leur responsable hiérarchique ou à leur DRH. Côté employeur, le sacro-saint principe de la séparation vie privée-vie professionnelle et la peur de l’intrusion dans la sphère privée ne facilitent pas les choses.

Mais faute d’informer son employeur, comment justifier absence, fatigabilité ou moindre résistance au stress ? Il serait hypocrite d’affirmer qu’une personne malade peut travailler « comme si de rien n’était ». L’éventuel aménagement du poste et de l’organisation peut aussi poser problème avec les collègues. Aménagements horaires ou jours de télétravail supplémentaires peuvent susciter interrogations et jalousie. Pour cette raison, les maladies chroniques et le cancer sont souvent qualifiés de handicap invisible. Selon une étude réalisée pour Malakoff Médéric, 46 % des salariés aimeraient que leur employeur s’implique dans le dépistage et l’accompagnement des maladies chroniques. Et 43 % attendent de la prévention. L’accompagnement à la reprise après un arrêt est un sujet de préoccupation pour un salarié de plus de 55 ans sur deux. Parmi les salariés souffrant d’une maladie chronique, 48 % seraient intéressés par des services pour faciliter le quotidien que leur entreprise pourrait proposer.

Coût de remplacement

Du côté des directions, plusieurs raisons militent pour le maintien dans l’emploi. Côté financier, le cabinet Asterès estime que l’amélioration du maintien dans l’emploi des personnes dont un diagnostic récent a révélé un cancer, générerait de 74 à 491 millions d’euros d’économies par an, notamment sur les coûts de remplacement. Les répercussions positives – mais non chiffrées – se manifestent aussi sur les dépenses de l’assurance maladie et des régimes de prévoyance, par de moindres versements de prestations. Les entreprises sont pourtant encore rares à s’être emparées du sujet. Celles qui ont pris des initiatives sont parfois accompagnées par le réseau de l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail). Mais peu se concertent avec leur prestataire en assurance santé et prévoyance. Pour autant, certains anciens malades ont lancé des initiatives. C’est le cas par exemple d’Anne-Sophie Tuszynski. Touchée par le cancer en 2011, elle a créé dès l’année suivante l’association Cancer@Work pour constituer un réseau d’entreprises partageant de bonnes pratiques. Les entreprises adhérentes signent une charte qui les engage à évoluer et mettre en place un environnement favorable au maintien dans l’emploi des personnes touchées par le cancer.

Au sein du groupe bancaire BPCE, un grand projet en ce sens est né début 2016. L’initiative revient à plusieurs collaboratrices atteintes d’un cancer qui se sont adressées à la dirigeante d’une Caisse d’épargne. Convaincue, celle-ci est devenue sponsor du projet et l’a présenté à la DRH du groupe BPCE.

Des guides Collaborateurs et Managers

Une grande réflexion a alors été lancée sur la problématique de l’accompagnement des salariés, qu’ils souffrent d’un cancer ou d’une maladie chronique. « Cinq ateliers de travail rassemblant collaborateurs concernés par la maladie, managers, collègues, ressources humaines, médecins du travail, ont fait des préconisations d’amélioration. Notamment sur l’information et la sensibilisation ou sur l’accompagnement dans le retour au travail », explique Jérôme Le Segrétain, directeur du Pilotage des transformations et conduite du changement chez BPCE. Priorité a été donnée à la mise en place de dispositifs accessibles, avec des outils pédagogiques constitués de questions/réponses d’application très pratique. L’objectif est de guider le collaborateur dans ses interrogations concrètes à travers de simples questions : « Dois-je prévenir mon responsable hiérarchique que je suis malade ? », par exemple. Même logique pour le personnel encadrant : « Quelle conduite tenir vis-à-vis d’un collaborateur en arrêt maladie ? », « Dois-je l’appeler ? », ou « Puis-je l’appeler ? »

À la fin du mois de mars, ces guides Collaborateurs et Managers ont été transmis aux DRH du groupe BPCE et progressivement mis à disposition sur l’Intranet. « Un collaborateur peut ainsi accéder à l’information en toute discrétion, explique Jérôme Le Segrétain. La prochaine étape consistera à partager les pratiques intéressantes des différentes entreprises du groupe. Après identification, une bonne idée sera formalisée et mise à disposition de la filière RH du groupe. »

Pour répondre au souci récurrent de confidentialité, les entreprises qui réfléchissent au sujet commencent par mettre en place un référent, auquel le salarié atteint d’une maladie chronique peut se confier de manière anonyme. C’est l’option retenue par la SNCF, qui a inscrit le sujet de la sensibilisation aux maladies chroniques évolutives dans son accord handicap. Une quarantaine de correspondants handicap ont été installés en région et déploient des actions de sensibilisation. De son côté, le groupe de BTP Spie organise depuis 2014 des actions de sensibilisation pendant le mois du handicap, tout en mettant l’accent sur l’aménagement des horaires et les changements de poste.

Reste que peu d’entreprises s’impliquent. Elles sont 17 à avoir adhéré à Cancer@Work – dont six du groupe BPCE – et moins d’une dizaine à avoir répondu aux sollicitations de l’Institut national du cancer pour le lancement du club des entreprises Cancer et Emploi.

Auteur

  • S. C.