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Idées

L’entreprise, un collectif humain

Idées | Bloc-notes | publié le : 02.05.2017 | Sophie Binet

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L’entreprise, un collectif humain

Crédit photo Sophie Binet

Corporate

ou quand le Wall Street management tue. Ce film est une fiction mais les méthodes de management décrites y sont bien réeles. L’avertissement ouvrant le premier film de Nicolas Silhol résume bien son intérêt. Le dévoiement de la fonction RH, limitée à celle de cost killer – ou de killer tout court d’ailleurs –, avec une mission – celle de faire partir les salariées récalcitrantes sans les licencier – et une méthode inspirée du lean management, créant l’illusion du choix du/de la salariée. Dix ans après les suicides de France Télécom, on aurait pu espérer que ce film soit un document historique, montrant le management du passé. Il reste malheureusement très actuel. La réponse à ces multiples drames s’est limitée à des procédures formelles visant à sécuriser la responsabilité de l’employeur, et à des séances de coaching des salarié-es les aidant à gérer « leur stress ». En bref, on fait mine de croire qu’il s’agit de risques psychosociaux, au lieu de parler de risques organisationnels du travail et d’interroger le système de management. Et bien souvent, comme dans le film, la fonction RH fait office de fusible, pour évacuer les vraies responsabilités.

Définanciariser

l’entreprise et le travail, restaurer le rôle contributif de l’encadrement et du collectif de travail pour permettre de faire primer les enjeux de long terme sur les exigences de cash des actionnaires. Et si la réponse au « management de la terreur » était dans cet appel lancé dans Le Monde par la CGT des ingénieures, cadres et techniciennes avec une quarantaine d’universitaires, acteurs de l’entreprise et personnalités ? Une distribution record de dividendes et 63 000 faillites d’entreprise en France en 2015, ces deux chiffres trop rarement rapprochés diagnostiquent l’asphyxie de notre économie par le coût du capital des multinationales. La gouvernance corporate, le choix de gérer l’entreprise en fonction d’un seul critère, la rentabilité financière, met en danger le devenir des entreprises et de notre société. Il n’y a pas de définition légale de l’entreprise. Le droit commercial ne connaît que la société de capitaux, dont l’objet social est de maximiser la rentabilité du capital investi, et le droit du travail limite la responsabilité envers les salarié-es à l’employeur en titre. Cette carence juridique déséquilibre le système de pouvoir au sein de l’entreprise. Elle permet d’assimiler les dirigeants à de simples mandataires des actionnaires et de les intéresser au rendement du capital à coup de stock-options, actions gratuites et retraites chapeau.

Il s’agit de mettre en place une nouvelle définition juridique de l’entreprise, comme collectif humain créateur de richesses, reconnaître un statut au chef d’entreprise, distinct du simple mandataire désigné par les actionnaires, et instituer une règle de solidarité avec modulation de la voix des actionnaires en fonction de la durée de leur engagement.

Droit de refus

d’alerte et de proposition alternative pour permettre un plein exercice du professionnalisme. Limitée à un devoir de loyauté corporate, la responsabilité professionnelle est aujourd’hui, comme dans le film, enfermée entre se soumettre – au mépris de son éthique professionnelle – ou se démettre – et sacrifier sa carrière professionnelle. Réhabiliter la responsabilité professionnelle et la fonction ressources humaines nécessite de l’adosser à l’intérêt général en la fondant sur des droits individuels garantis collectivement. Permettre aux salariés d’être professionnellement engagés et socialement responsables et de maîtriser le sens et le contenu de leur travail, tel est l’objectif du management alternatif à mettre à l’ordre du jour.

Auteur

  • Sophie Binet