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Idées

Guillaume Carton « Il faudrait créer des critères de pertinence de la recherche »

Idées | Management | publié le : 02.05.2017 | Violette Queuniet.

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Guillaume Carton « Il faudrait créer des critères de pertinence de la recherche »

Crédit photo Violette Queuniet.

Pourquoi vous être intéressé à la recherche en management et à son rapport à la pratique ?

En m’interrogeant sur le rôle du consultant pour mon mémoire de master 2 en stratégie des organisations à Dauphine. Le consultant serait-il un passeur de connaissances ? Joue-t-il un rôle dans le passage de la théorie à la pratique ? J’ai entrepris une thèse pour essayer de comparer les connaissances issues des cabinets de conseil à la recherche. Mais peu à peu je me suis dirigé vers quelque chose de plus large pour comprendre comment la connaissance managériale est produite par interaction entre chercheurs et praticiens. Pour me confronter à la pratique, j’ai fait une thèse Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche), sur le principe de l’alternance, la moitié du temps dans un cabinet conseil en management, l’autre moitié à l’université.

Les consultants jouent-ils effectivement un rôle de passeurs entre théorie et pratique ?

Pas vraiment. Certains cabinets développent leur propre recherche, qui est une recherche appliquée, à partir de ce qu’ils voient sur le terrain, mais sans faire de pont avec la recherche. Des échanges peuvent se faire avec le monde académique, mais ce n’est pas là le cœur de leurs connaissances, ce n’est pas ainsi que se fait la modélisation. En fait, les consultants en général ont peu de capacité de création et de prise de risques. Et malheureusement, on voit encore ressortir des modèles des années 1970 – comme la matrice BCG ou McKinsey – plus de cinquante ans après alors que le monde a beaucoup changé.

Vous avez placé, en exergue de votre thèse, la célèbre phrase de Kurt Lewin : « Rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie. » Dans le débat sur la pertinence de la recherche, vous êtes donc plutôt partisan du maintien de l’orthodoxie ?

J’ai effectivement souhaité faire un clin d’œil au lecteur attentif de la thèse. Je pense en effet que la recherche ne doit pas diminuer en exigence et en rigueur méthodologique afin de conserver son statut de recherche. Pour être réellement pertinente, elle doit être plus largement diffusée auprès des praticiens. Mais je partage aussi la posture des tenants de la collaboration avec les praticiens. J’ai mené ma thèse en étant à cheval sur les deux mondes et je crois fondamentalement à la coproduction des connaissances avec les praticiens pour rendre la recherche pertinente. Ce sont mes deux « postures » actuelles, mais elles peuvent être amenées à évoluer au fil de ma carrière.

Vous invitez les écoles de commerce à adapter leurs critères d’évaluation de la recherche. Comment ?

Il faudrait créer des critères de pertinence de la recherche. Même si les choses sont en train d’évoluer, si les initiatives se multiplient en ce sens, un enseignant-chercheur n’est évalué que sur ses publications dans les grandes revues académiques, notamment nord-américaines. L’impact de sa recherche sur la pratique ou sa diffusion hors des cercles académiques sont encore peu pris en compte. Quant à l’ancrage de sa recherche dans les pratiques des organisations, son intérêt pour les praticiens ou son impact sociétal, nous en sommes encore bien loin. Certains pays ont évolué sur ce sujet. Par exemple, en Grande-Bretagne, les écoles sont évaluées par le REF (Research Excellence Framework) qui prend de plus en plus en compte l’impact de la recherche sur les parties prenantes externes : mentions dans la presse, présence d’un chercheur dans le comité de direction d’une entreprise, etc.

Aujourd’hui, dans votre activité d’enseignant-chercheur, essayez-vous de faire le pont entre théorie et pratique ?

Bien sûr. D’abord en diffusant le plus possible mes travaux sur les réseaux sociaux et au-delà, dans votre magazine, par exemple. Je m’intéresse également aux acteurs qui sont à la fois chercheurs et praticiens, pour comprendre comment on peut passer d’un statut à l’autre, comment on franchit cette frontière.

Enfin, le choix d’une carrière académique n’empêche pas d’intervenir ponctuellement en entreprise et d’y collecter des données. Être chercheur est passionnant, mais je pense qu’il est important de rester proche de la pratique.

Auteur

  • Violette Queuniet.