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Du discours à la méthode

À la une | publié le : 02.05.2017 | Judith Chetrit

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Du discours à la méthode

Crédit photo Judith Chetrit

Au sein des grandes entreprises, la communication autour de la responsabilité sociale et environnementale s’étoffe. Direction à part entière ou transversale, elle cherche à valoriser des engagements pris mais aussi à dissiper les soupçons de green ou social washing, boulet des premières années de la RSE.

Selon l’étude 2017 du cabinet Ethical Corporation, mieux communiquer est la première priorité des professionnels de la RSE. Chaque entreprise ayant désormais ses engagements RSE, il lui importe de les valoriser auprès des parties dites prenantes comme les actionnaires, salariés, fournisseurs ou consommateurs. Mais quel est le bon moment pour communiquer sur ces sujets ? Et pour les parties prenantes, comment distinguer les efforts réels du bla-bla communicationnel ? « La RSE n’est pas muette. Toutes les grandes entreprises du CAC vont mettre en avant des certifications et se présenter comme les premières dans tel ou tel secteur », rappelle Yves Cappelaire, consultant et enseignant. Encore faut-il éviter qu’elle ne soit que cacophonie…

Premier élément de communication : le reporting annuel sur l’impact environnemental et social des entreprises de plus de 500 salariés, une obligation réglementaire qui occupe déjà grandement cabinets d’audit et de conseil. Dans ces rapports dits extra-financiers, les entreprises mettent en avant leurs engagements, les indicateurs et les référentiels mis en place pour mesurer la progression vers des objectifs quantitatifs et qualitatifs. « Le reporting a déjà incité les entreprises à avoir des actions plus volontaires et ciblées. Plus on avance, plus elles concentrent leurs actions et leur communication sur des sujets qui font sens par rapport à leurs activités, à leurs salariés ou à leur implantation géographique », analyse Hugues Carlier, directeur associé du cabinet Des enjeux et des hommes. Aujourd’hui, on a généralement accès en un ou plusieurs clics au reporting présenté sur le site corporate. Tout le monde n’est cependant pas capable d’ingérer autant d’informations détaillées et la tendance est désormais au reporting intégré. Ce document synthétique, recommandé par le Parlement européen, allie des informations financières et extra-financières montrant une création de valeur. C’est le choix fait par Orange, où Christine Hermann officie comme directrice de la communication RSE depuis sept ans « pour pouvoir suivre l’acculturation des communicants à un thème montant ». Elle parle bien-être au travail, recyclage des déchets électroniques ou encore gestion des données privées et vise à créer une communication plus concrète et digeste avec le même objectif de « raconter la raison d’être et la mutation de l’entreprise ».

Les outils pour ce faire sont divers. Les communicants ont à disposition un code de communication responsable, sorte de boîte à outils rappelant le contexte légal et des exemples de message à souligner. Pour convaincre les parties prenantes extérieures comme des investisseurs ou des ONG, des rencontres et des tchats vidéo sont également organisés. À l’inverse, le groupe La Poste insiste sur une vision plus globale. « On met un peu de RSE dans toutes les communications extérieures », avance Christine Bargain, à la tête de cette direction.

Apporter des preuves.

Le temps où la communication RSE ressemblait à un terrain glissant susceptible de nourrir des polémiques semble bien révolu. Beaucoup de responsables RSE sont conscients qu’il est indispensable d’apporter des preuves quand on parle de production respectueuse de l’environnement ou de bonnes conditions de travail pour les salariés. « Le green washing des années 2006-2007 a donné lieu à de belles passes d’armes entre ONG et communicants et a conduit à un renforcement de la réglementation concernant la publicité », soutient Hugues Carlier. Même prudence de la part du groupe La Poste. « La communication RSE doit s’appuyer sur des documents et des preuves opposables à quiconque nous les demanderait », précise Christine Bargain. Car aujourd’hui, le reporting ne suffit plus. Les réseaux sociaux se sont emparés de ces sujets, à leur manière interactive.

Gare au bad buzz.

Une façon pour les entreprises de se valoriser qui n’est pas sans risque, car elles doivent être en mesure de répondre rapidement aux questions posées. « Il faut être à la fois sincère et très précis pour traduire des enjeux complexes. C’est un terrain où il y a des coups à prendre », reconnaît Gildas Bonnel, président de la commission développement durable de l’Association des agences-conseils en communication. Une exigence encore plus marquée dans certains secteurs, comme la finance, le BTP ou le pétrole. En 2013, BNP avait un hashtag #banqueresponsable sur Twitter pour recueillir les avis des internautes et des clients sur les engagements de la banque. Mais gare au bad buzz. « On est bien plus exigeant avec les entreprises qui communiquent sur ces questions qu’avec celles qui se planquent », prévient Gildas Bonnel. Soucieuses de leur réputation, les entreprises peuvent redouter un retour de bâton.

Car l’image d’une entreprise et sa réputation auprès de clients potentiels se modifient en fonction de leur comportement plus ou moins éthique, précise Olivier Forlini, directeur de Reputation Institute France. Chaque année, ce cabinet publie une enquête évaluant les entreprises et l’avis que le public s’en fait en fonction de plusieurs critères : les conditions de travail et d’évolution des salariés, la performance, l’innovation ou encore la gouvernance. La réputation est utilisée comme un outil supplémentaire pour attirer de nouveaux clients, des investisseurs et surtout recruter les meilleurs talents. « La part de critères relevant de la RSE dans la réputation d’une entreprise s’élève à 43 % d’après nos calculs », indique Olivier Forlini. Sur les premières marches du podium, on retrouve Michelin, Airbus et Saint-Gobain. « Toutes les grandes entreprises mènent des actions, ajoute-t-il. Mais certaines ne sont pas suffisamment comprises ou identifiées faute d’une bonne communication. » La RSE s’intègre alors dans une communication globale au même titre que les résultats financiers ou la qualité des produits.

Pour les entreprises, reste à comprendre que mener une politique ambitieuse en matière de RSE peut rapporter gros. Selon une étude cocommanditée par Des enjeux et des hommes et ViaVoice, sept salariés sur dix envisagent la responsabilité sociétale de leur entreprise comme une création de valeur et de performance. Pourtant, peu d’entre eux se disent bien informés sur le sujet ou sur la manière de contribuer personnellement. « La RSE a tendance à rester dans les étages supérieurs de la direction et descend peu le long de la ligne managériale », regrette Hugues Carlier. « À l’avenir, la différence va se faire sur la capacité à articuler une vision et à l’ancrer dans le quotidien opérationnel des collaborateurs », argumente Olivier Forlini. De quoi bien occuper les responsables de la communication pendant les années qui viennent.

Auteur

  • Judith Chetrit