Le parti pris méthodologique d’Yves Barou, président de l’Afpa, est ambitieux : s’attacher à définir une centaine de concepts pour appréhender les évolutions de la formation professionnelle et cerner les enjeux de demain. Pour mener à bien son projet, le président du cercle des DRH européens a fait appel à un collectif d’une trentaine de membres de l’Afpa et à une quarantaine d’experts et de personnalités qualifiées.

Après un focus sur « les mots intemporels », comme « compétences », « alternance », « capital humain » ou « pédagogie », les auteurs illustrent le changement de paradigme de la formation professionnelle en explicitant les « mots d’hier, ceux qui ont vécu et sont porteurs d’ambiguïtés », comme « aptitude », « obligation », « heures travaillées », « stagiaires » ou encore « candidats » (« qui renvoient à examen, sélection et parfois échec ») et « enseignant » (« qui détient le savoir et le transmet »). Au chapitre des « mots d’aujourd’hui », l’ouvrage collectif choisit sans surprise « certification », « ingénierie », « qualité », « paritarisme », « geste professionnel » ou encore « mooc ».

De manière surprenante, du moins en apparence, la « gpec » (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences) est présentée comme « un mot de demain ». « Les tentatives d’approche systématique, chiffrées, et cherchant à embrasser tous les métiers de l’entreprise se sont révélées vaines, illusoires et totalement inopérantes », déplore Xavier Broseta, DRH du groupe Bolloré, qui appelle à se saisir différemment de cette approche d’avenir, malgré la difficulté à la faire vivre. Autres « mots de demain » : CPF, engagement, numérique, personnalisation ou encore transitions… Des transitions à maîtriser en organisant des « parcours d’insertion et de (re)qualification » à destination des salariés et des indépendants, plaide l’économiste Bernard Gazier. « Ce qui suppose un renforcement de la décentralisation régionale réactivant un paritarisme territorialisé autour de la formation continue et des carrières ».

Enfin, il y a « les mots d’après-demain, qu’il faut bien oser deviner sans se prendre au sérieux, pour déverrouiller l’imagination ». Exemples : le certificat d’aptitude à la navigation sur le Web pour avoir accès au système informatique de l’entreprise, l’outil d’analyse cognitif de détection des compétences, la garantie de maintenance de dix ans pour tout parcours de formation, ou encore le sommeil apprenant pour réviser et consolider ses compétences.

L’ouvrage collectif, qui donne lieu à de multiples éclairages, parfois assortis de données chiffrées et de comparaisons internationales est, au global, un appel à investir massivement dans la formation, laquelle devrait constituer une grande cause nationale transpartisane, souligne en substance Yves Barou.

Apprendre pour demain, décodage des enjeux de la formation professionnelle, Yves Barou et un collectif Afpa. Éditions des îlots de résistance. 336 pages, 19 euros.