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« La charge de travail relève d’une négociation »

À la une | publié le : 03.04.2017 | Violette Queuniet

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« La charge de travail relève d’une négociation »

Crédit photo Violette Queuniet

Comment définir la charge de travail ?

Précisons d’abord ce qu’elle n’est pas : la charge de travail n’est pas égale à la programmation de l’activité. C’est important car beaucoup pensent qu’on peut la déduire uniquement des exigences qui sont imposées aux salariés. C’est ce qu’on appelle le « travail prescrit » : traiter tant de dossiers, dans un temps donné, avec tel niveau de qualité, etc. Or, il y a trois dimensions dans la charge de travail : la prescription mais aussi la charge réelle – tout ce que l’on mobilise pour atteindre les objectifs fixés – et la dimension subjective – la façon dont on se représente sa propre charge de travail.

Par ailleurs, la charge de travail n’est pas seulement un objet technique. C’est plus fondamentalement un rapport social entre des personnes qui le commandent et ceux qui ont à l’exécuter. On voit donc qu’elle relève d’une négociation entre des salariés et des personnes qui ont à mobiliser le travail et à contrôler son résultat. Pour en permettre la régulation, il faut pouvoir la négocier, l’évaluer, mais cette dernière sera toujours contradictoire.

Comment les entreprises régulent-elles habituellement la charge de travail ?

Chaque jour, les entreprises la « négocient » : quels sont les bons effectifs pour telle charge ? Comment la répartit-on entre les uns et les autres ? Mais elles le font de façon implicite alors qu’il faudrait le faire de façon explicite, dans un processus collectif. Elles sont aussi souvent tentées par la mesure et des indicateurs uniquement chiffrés.

Globalement, on observe deux situations : la première, déjà évoquée, c’est le fait d’assimiler la charge aux objectifs fixés. On définit théoriquement ce qu’il faut faire, le travail réel étant supposé s’y conformer. C’est la vision néo-taylorienne. L’autre est de donner des objectifs généraux sans préciser la manière de les atteindre. Cette fois, il n’y a plus de lien entre le prescrit et le réel. C’est la vision de « l’entreprise libérée », elle aussi problématique car on ne dit pas à quel coût l’objectif peut être atteint et cela peut déboucher sur un surengagement des salariés, au risque de leur santé.

Quelle méthode préconisez-vous ?

L’Anact a élaboré un modèle (appelé PRS pour « prescrit, réel et subjectif ») qui prend en compte ces trois dimensions du travail. Ce modèle invite les acteurs – management et salariés – à discuter de leurs contraintes respectives pour réaliser leurs objectifs et faire face aux problèmes qu’ils rencontrent quotidiennement. Concrètement, après une phase de diagnostic partagé, on définit les moyens de régulation de la charge – quelle répartition entre salariés ? Quel ajustement entre quantité et qualité ? Faut-il plus d’autonomie ?, etc. Le PRS est donc un modèle de régulation collective de la charge de travail : il ne s’agit pas de fixer la bonne mesure de la charge mais de permettre aux acteurs eux-mêmes de traiter cette question et d’adopter des compromis satisfaisant simultanément les impératifs de production et les conditions de travail des salariés.

Quel est l’enjeu d’évaluer et de réguler la charge de travail ?

Il y a des enjeux pour les personnes et pour l’entreprise. Pour les personnes, l’enjeu est évident : une charge excessive peut conduire à des pathologies immédiates ou à plus long terme : fatigue, troubles musculo-squelettiques, risques psychosociaux (RPS). Mais une sous-charge de travail peut aussi être très mal vécue – on voit son métier dévalorisé, ses compétences s’effilocher – et aboutir aussi à des RPS.

Pour l’entreprise, il y a des enjeux de qualité dans la production, des enjeux de management aussi. L’incapacité à clarifier la charge de travail et à en discuter peut provoquer des situations d’injustice organisationnelle entre équipes et services et provoquer des dissensions.

Enfin, il faut rappeler le risque de contentieux juridique : faute d’évaluation de la charge de travail, des conventions de forfait jours ont été invalidées. La loi travail a d’ailleurs renforcé cette obligation.

Faire de la charge de travail un objet de négociation peut éviter qu’elle ne devienne un objet de litige.

* Consultable sur www.anact.fr

Auteur

  • Violette Queuniet