Les lois de 1983 et 2001 donnent des indications assez larges sur la notion d’égalité professionnelle. On y trouve la promotion de l’égalité de traitement, l’idée d’actions positives pour aider les femmes dans leur carrière professionnelle, les notions de mixité des métiers ou encore de lutte contre le harcèlement. On peut dire que la loi n’est pas très précise sur ce point. Il n’est donc pas étonnant de voir que, suivant les entreprises, la traduction en actions peut donner des choses fort différentes. D’autant plus que tout le monde a une idée sur la question et que, bien souvent, la direction d’une entreprise et les organisations syndicales ont des avis différents.
Une direction des ressources humaines doit tenir compte de la façon dont son discours est reçu. Si un manager traduit d’abord l’égalité professionnelle par l’égalité de traitement, il aura du mal à réaliser des actions positives, c’est-à-dire une discrimination en faveur de ses collaboratrices. Dans les usines ou les entités très techniques – où les femmes sont peu présentes –, on traduit généralement égalité professionnelle par mixité, ce qui n’incite pas à promouvoir l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle. Pour promouvoir ce point, il faudra communiquer beaucoup plus.
Officiellement, il y a eu des avancées mais le concept est très large et toutes les traductions possibles n’ont pas été mises en œuvre sur le terrain, car les managers ne les ont pas comprises de la même façon. Si un manager ne perçoit pas d’inégalité salariale, il n’appliquera pas les mesures recommandées par la DRH. Pour unifier réellement une politique d’égalité professionnelle, il faudrait que la direction communique largement sur l’identification des inégalités. Mais elle se montre prudente sur ce point, de peur de susciter des revendications auxquelles elle ne pourrait pas répondre. Par ailleurs, les inégalités salariales entre femmes et hommes sont perçues négativement à l’extérieur de l’entreprise. Cela n’incite pas non plus une direction à communiquer sur le sujet.
Les rapports de situation comparée ne sont pas assez précis. Ils donnent un niveau moyen de rémunération en fonction de l’ancienneté et du métier des hommes et des femmes mais ils n’aboutissent pas à des conclusions permettant de dégager une politique précise. Il existe une méthode statistique permettant d’expliquer les différences observées entre deux groupes distincts : la décomposition Blinder-Oaxaca. Cet outil permet d’analyser les différences de salaires et de dégager un écart que l’on ne peut pas expliquer par les différences d’âge, de diplôme ou de promotion. S’il est important, un moyen de rétablir l’équilibre consiste à créer un budget pour remonter les salaires des femmes, de façon collective ou individuelle. On peut également appliquer cette méthode sur les autres composantes de l’inégalité professionnelle.
Chez Orange, il y a un accord négocié, des bonnes pratiques mises en avant et des mesures proposées en plus par la direction. Par exemple, le fait de favoriser le recrutement de femmes sur des postes de techniciens. On constate d’ailleurs que certaines mesures unilatérales prises en dehors de la négociation se retrouvent ensuite dans la version suivante de l’accord. Mais la négociation avec les syndicats est intéressante. Elle permet de croiser les points de vue des différents « experts » car, sur ce sujet, tout le monde a un avis en fonction de son vécu.
Oui. On constate une évolution sur la notion même d’égalité professionnelle. Au fur et à mesure, elle devient plus englobante, plus large. Avec des thématiques nouvelles qui apparaissent au fur et à mesure des versions. Par ailleurs, la façon d’écrire change également. On passe de l’utilisation systématique du masculin neutre à des noms différenciant les genres, comme « salarié(e) s », puis « salarié-e-s » car « on ne met pas les femmes entre parenthèses ». Ou encore, on suit les préconisations des pouvoirs publics pour ne plus parler d’égalité hommes-femmes mais d’égalité femmes-hommes.