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Quand le bio s’invite à la cantine

Décodages | publié le : 06.03.2017 | Valérie Auribault

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Quand le bio s’invite à la cantine

Crédit photo Valérie Auribault

Mieux manger en entreprise, les salariés le réclament de plus en plus. Bon nombre de sociétés se sont d’ores et déjà lancées dans le bio local. Une mayonnaise qui prend.

À 11 h 30, les salariés d’IFP Énergies Nouvelles à Rueil-Malmaison affluent au restaurant d’entreprise. Au menu : steak haché, feuilleté d’agneau ou dos de saumon. Le tout agrémenté de riz ou de petits légumes. Les plats sont copieux. Et, cerise sur le gâteau, certains mets sont bio. « À 12 h 30, nous avons déjà servi 600 couverts », précise le chef cuisinier. Comme bon nombre d’entreprises qui mangent désormais bio et local, IFP Énergies Nouvelles a profité du Grenelle de l’environnement de 2007 pour s’engager. Le Grenelle incitait alors à l’introduction de 20 % de produits bio dans les cantines d’ici à 2020. « Nous tentons d’être à la pointe de tout ce qui peut favoriser le respect de l’environnement. La restauration bio et locale en fait partie », souligne Gérard Thibault, chargé du contrat de la restauration de l’entreprise publique. « Nous proposons du pain bio tous les jours, poursuit-il. Mais aussi du steak haché, des pâtes, divers légumes secs, des pommes de terre, des carottes, des aubergines, des fruits et des laitages. » Dans les assiettes, 20 % de produits bio, parmi lesquels 75 % de bio local. Car associer le local au bio demeure impératif. « Cela n’aurait pas de sens de faire venir des produits bio depuis l’Espagne », estime Philippe Bruel, directeur du site de Rueil-Malmaison chez API restauration. « Respecter l’environnement, c’est se fournir au plus près. » Des produits frais et de saison, donc. Ici, pas de tomate en hiver. « C’est une politique différente. Il n’y a pas de centrale d’achats. Tout se passe à Rungis, où nous achetons directement nos produits frais, explique Philippe Bruel. Et pour le poisson, nous privilégions la pêche durable. » Un changement gagnant puisqu’une enquête interne en octobre 2016 révélait que 88 % des salariés étaient satisfaits. Fort de ce succès, cafétérias avec sandwichs bio à emporter et marchés proposant des produits bio et locaux sont venus compléter l’offre.

Tous autour de la table.

Selon les chiffres de l’Agence Bio, 62 % des établissements de la restauration d’entreprise augmentent le nombre de produits bio dans leurs menus. Et 73 % des salariés se disent intéressés par ce type de restauration. Un choix souvent impulsé par la direction (54 %). Ainsi, Schneider Electric, Thales, l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) ou encore le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ont opté pour ce modèle. « Il y a une vraie tendance qui se met en place, observe Florence Liautaud, fondatrice et directrice du cabinet FL Conseil. Auparavant, la restauration d’entreprise était là pour nourrir le plus grand nombre au plus bas prix. Aujourd’hui, il y a une interaction avec l’entreprise, plus soucieuse de la santé de ses salariés. Les responsables RSE ont un vrai rôle à jouer. » Quant aux salariés, soucieux de leur alimentation et de la répercussion de celle-ci sur leur santé, ils souhaitent manger au travail comme à la maison.

L’entreprise Somfy SAS a donc sauté le pas. « En trois ans, nous sommes passés de 5 % à 20 % d’ingrédients bio dans les menus », explique Hervé Arnaud, directeur des affaires sociales du groupe. Pour cela, une convention tripartite entre l’entreprise, la Sogeres et la région Rhône-Alpes a été mise en place. Afin de ne pas augmenter le coût des 650 repas servis chaque jour aux salariés, Somfy et ses partenaires ont travaillé sur le respect des ingrédients de saison et le choix de produits locaux. « L’association Corabio nous a apporté son réseau, son expérience et ses connaissances, souligne Justine Zawada, ingénieure développement durable chez Somfy SAS. L’expertise d’un organisme spécialisé est cruciale. » Forte de cette volonté de mieux vivre au travail, Somfy SAS a installé, voilà cinq ans, une direction du développement durable. « Il faut une sensibilisation collective, insiste Hervé Arnaud. À Somfy, le service des ressources humaines, la direction des affaires sociales… tout le monde s’est mis autour de la table. » Une stratégie partagée par Bruno Renard, chef du service vie du centre et coordinateur de la responsabilité sociétale au CEA : « Il est crucial que le chef d’entreprise soit sensibilisé et proactif. » Tout comme le sont les syndicats qui soutiennent ces actions. « Nous approuvons cette démarche qui représente notre vision du développement durable. Cette action reste positive dès lors que le prix du repas pour le salarié ne varie pas », précise un délégué syndical. Or les produits bio, locaux et frais sont souvent plus chers.

Une autre organisation.

Certaines entreprises négocient le prix avec le prestataire ou prennent le surcoût à leur charge afin d’éviter une note trop salée pour le salarié. D’autres laissent le soin à l’employé de régler le supplément. « La part salariale est de 5 à 6 euros par repas. Soit 1 euro de plus qu’auparavant, explique Jacques Borrel, secrétaire du syndicat CFDT au CEA et d’ESRF. Pour les chercheurs et les cadres, la qualité de l’alimentation est un critère important. Le coût supplémentaire n’est pas un problème. Mais pour un employé non qualifié, cela peut être significatif. » Néanmoins, le syndicat a soutenu l’initiative à cause de la qualité des repas proposés. Une qualité qui a permis de revoir certains convives qui avaient déserté le restaurant d’entreprise. Pour Florence Liautaud, « si le salarié est éclairé et informé, il est prêt à mettre le prix ». Reste à convaincre en cuisine. Et parfois, c’est la soupe à la grimace. « Une grève du personnel a déjà été observée sur un restaurant de 1 500 repas par jour! », se souvient Mathilde Azzano, chargée de mission restauration collective chez Corabio. Une situation qui n’a pas duré après une sensibilisation du personnel.

Pour Thierry Paul Gentreau, directeur de restaurant Somfy pour Sogeres, cela s’explique : « Pour les restaurateurs, l’organisation est tout autre avec le bio. Les produits sont frais, les légumes doivent être préparés, les viandes cuites sur place et les desserts maison. Il faut donc prévoir le temps de cuisson et anticiper la préparation. » Un vrai changement dont d’autres se réjouissent, car 46 % des équipes de cuisine encouragent l’idée du bio. « Nos cuisiniers estiment que maintenant, au moins, ils cuisinent », fait remarquer Gérard Thibault. Quant à l’offre, elle varie grandement d’un territoire à l’autre. Il est plus aisé de s’approvisionner en Rhône-Alpes qu’à Paris. Toutefois, Thierry Paul Gentreau est optimiste. « Les entreprises sont de plus en plus en demande de produits bio et locaux. Une forte demande qui permet aux producteurs de se projeter. »

Et d’accroître le marché. Dans l’Isère, Thales, Safran et la CAF partagent un restaurant interentreprises (RIE). Le conseil de gestion de ce RIE, qui fixe la répartition des coûts, a opté pour cette nouvelle restauration. Pour ce faire, une petite cantine peut s’approvisionner directement chez le producteur. La gestion peut être directe ou concédée. « C’est une responsabilité sociétale, rappelle Bruno Renard. Impliquer le salarié dans la protection de la planète est pour lui une satisfaction. Et un salarié heureux est plus productif. » Les entreprises l’ont bien compris. La Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) enregistre de plus en plus de demandes de la part des sociétés. De son côté, Corabio l’affirme : « Aucun retour en arrière de la part des entreprises ayant choisi le bio local n’a été observé. »

Repères

73 % des salariés se disent intéressés par la restauration bio.

62 % des établissements de restauration d’entreprise augmentent le nombre de produits bio dans leurs menus.

Source : Agence Bio

Auteur

  • Valérie Auribault