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Idées

Des droits nouveaux pour les ubérisés

Idées | Livres | publié le : 01.02.2017 | Nicolas Lagrange

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Des droits nouveaux pour les ubérisés

Crédit photo Nicolas Lagrange

Face à la poussée des travailleurs hybrides, Gilbert Cette et Jacques Barthélémy plaident pour un autre cadre.

L’emploi connaît de profondes et durables mutations. Le salariat se confond avec le travail free-lance et les règles juridiques en perdent leur latin. Pour éviter un décrochage, le droit doit donc évoluer. À la demande de deux think tanks de sensibilités différentes, Terra Nova et l’Institut de l’entreprise, l’économiste Gilbert Cette et l’avocat Jacques Barthélémy apportent une réponse éclairée, après un précédent rapport sur une réforme du droit du travail, publié à l’automne 2015. Leur mérite est de remettre en cause plusieurs représentations bien ancrées. Non, le travail indépendant ne prolifère pas, mais stagne ou régresse depuis les années 1990 aux États-Unis et dans les pays européens, hormis au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. En France, il progresse sur la période récente, mais recule sur les trente dernières années. Non, aucun lien de causalité ne peut être établi entre son développement et l’essor de l’économie numérique. Enfin, le travail indépendant est en moyenne plus qualifié et plus autonome que le salariat, et la tendance s’accentue : « Nous sommes très loin de l’ubérisation décrite par certains comme le développement d’un emploi indépendant peu qualifié et soumis à la dictature de plates-formes numériques ! », soulignent les auteurs. D’où la nécessité selon eux de ne pas dupliquer le cadre du salariat, surtout si l’on veut éviter de brider les nouvelles formes d’activité.

Mais cette indépendance reste de façade. Bien souvent, les « ubérisés » dépendent économiquement d’un ou plusieurs donneurs d’ordre, ce qui induit des protections nouvelles. La négociation collective (dans la branche, le groupe, l’entreprise) pourrait fixer des normes pour définir cette dépendance économique, sans pour autant créer une catégorie intermédiaire de « professionnel parasubordonné ». Et lui conférer des droits spécifiques, pour ne pas complexifier le cadre réglementaire, préviennent Cette et Barthélémy. Mieux vaut réfléchir à un socle minimum de droits attachés à l’activité professionnelle plutôt qu’au statut, dans la logique du CPA, préconisent-ils. Les non-salariés économiquement dépendants pourraient bénéficier d’une couverture AT-MP prise en charge au moins partiellement par le donneur d’ordres, d’une portabilité renforcée des couvertures santé et prévoyance en cas de changement de statut, d’une couverture perte d’emploi subie ou des droits collectifs d’expression et de représentation. Nul doute que ces préconisations donneront de l’eau au moulin de ceux qui plaident pour un Code du travail plus souple.

Travailler au XXIe siècle. L’ubérisation de l’économie ? Éditions Odile Jacob. 118 pages, 19,90 euros

Auteur

  • Nicolas Lagrange