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Agirc-Arrco, le bon élève de la gestion paritaire

À la une | publié le : 01.02.2017 | Sabine Germain

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Agirc-Arrco, le bon élève de la gestion paritaire

Crédit photo Sabine Germain

Gérés sans intervention excessive de l’État, les régimes de retraite complémentaire Agirc et Arrco font figure d’exemple. Au prix de divisions syndicales et de mesures douloureuses, ils sont parvenus à engager une réforme qui préserve l’avenir.

Les retraites complémentaires représentent à elles seules plus de la moitié des dépenses gérées de façon paritaire. « Elles ont su s’adapter sans jamais coûter un euro au contribuable », note Frédéric Agenet, président de l’Agirc (régime de retraite des cadres du privé), vice-président de l’Agirc-Arrco (régimes cadres et non-cadres) et représentant du Medef dans le collège employeurs. « C’est bien la preuve que le paritarisme est capable d’assumer ses responsabilités », abonde Jean-Louis Malys, président de l’Arrco et représentant de la CFDT.

Surtout si on lui laisse les coudées franches : alors que l’État a pris la main sur la gestion de l’assurance maladie, les retraites complémentaires des salariés du privé restent de la seule responsabilité des partenaires sociaux. Les pouvoirs publics ont bien tenté quelques intrusions, notamment lors de la dernière négociation, en 2015 : en annonçant publiquement avoir promis à Bruxelles 2 milliards d’euros d’économie sur les retraites complémentaires, le gouvernement a clairement mis la pression sur les négociateurs. Une pression qui, paradoxalement, leur a donné plus envie que jamais de défendre leurs prérogatives. « Nous avons alors eu conscience que l’avenir même du paritarisme était en jeu », se souvient Carole Couvert, alors présidente de la CFE-CGC.

La négociation a pourtant frôlé la catastrophe. Et pas seulement parce que la dramatisation fait partie du folklore paritaire. Dans la nuit du 29 au 30 octobre 2015, après une journée de psychodrame, les partenaires sociaux ont accouché au forceps d’un accord « assurant la pérennité de la retraite complémentaire », selon les termes du communiqué diffusé alors par l’Agirc-Arrco. Mais au prix de véritables sacrifices pour toutes les parties : les salariés en activité, qui ont vu le prix d’achat de leurs points de retraite augmenter dès le 1er janvier 2016; les employeurs, dont la cotisation AGFF* a été étendue à la tranche C de rémunération (entre quatre et huit fois le plafond de la Sécurité sociale); et, enfin, les retraités, dont la date de revalorisation des pensions a été décalée au 1er novembre (contre le 1er avril auparavant), à un niveau inférieur de 1 point à l’indice des prix à la consommation.

Decision difficile.

Cet accord n’a été ratifié que par les syndicats dits réformistes (CFDT, CFTC et CFE-CGC). La CGT et FO n’ont pas voulu s’associer à un texte qui recule d’un an l’âge de départ à taux plein et marque « une rupture avec le principe historique selon lequel les pensions complémentaires doivent pouvoir être liquidées simultanément avec la retraite de base de la Sécurité sociale », a alors commenté la CGT. De fait, une telle décision n’a pas été facile à prendre. Mais elle est la preuve, pour les signataires, que les partenaires sociaux savent adopter des mesures douloureuses quand il le faut. « Les régimes Agirc et Arrco avaient cumulé environ 15 milliards d’euros de déficits entre 2009 et 2015 », rappelle l’économiste Jean-Charles Simon (lire page 24), auteur d’une note au Kärcher, « Faut-il en finir avec le paritarisme ? », pour l’Institut de l’entreprise (octobre 2016). Ces déficits avaient pu être épongés grâce aux réserves accumulées durant les années excédentaires et conservées précieusement pour encaisser le choc démographique. Mais cela ne pouvait durer bien longtemps.

Tenus par une obligation d’équilibre financier, les partenaires sociaux ont dû trouver des solutions alors que « les réserves de l’Agirc étaient en train de fondre, rappelle Jean-Louis Malys. Sans réforme, elles auraient été épuisées dès 2018. Quant aux réserves de 59 milliards de l’Arrco, elles étaient sur la même trajectoire, avec un assèchement programmé en 2027 ». Reculer l’âge de départ à taux plein d’un an est, pour Frédéric Agenet, la preuve que les partenaires sociaux « sont capables de prendre des mesures de long terme, alors que le régime général n’a su procéder qu’à des ajustements de moyen terme ». Il regrette que l’État n’ait pas ouvert la voie : « En laissant les partenaires sociaux jouer ainsi les éclaireurs, il ne leur simplifie pas la tâche. »

L’accord de 2015 a entériné une autre décision difficile : l’unification des régimes Agirc et Arrco à partir du 1er janvier 2019. C’est le fruit d’un processus de convergence engagé en 1996, qui s’est traduit en 2002 par la création d’un groupement d’intérêt économique réunissant les services des deux associations. Mais cette unification n’en reste pas moins « un vrai tour de force pour deux régimes dont les histoires et les règles sont très différentes », estime Pierre Chaperon, directeur du cabinet Agirc-Arrco, qui voit là une véritable « réforme systémique ».

Gestion assainie.

Pour Jean-Charles Simon, c’est la moindre des choses alors que les deux régimes doivent assainir leur gestion. Le taux de cotisation aux caisses Agirc et Arrco, « près de 25 % du salaire brut sur les tranches dépassant le plafond de la Sécurité sociale », lui semble « exorbitant en comparaison des prélèvements obligatoires pour les retraites hors de nos frontières ». Et de fustiger les coûts de gestion de ces régimes, qui avoisinent les 2 milliards d’euros. Soit 2,7 % de la masse des cotisations, « un niveau relativement constant », observe le rapport d’information parlementaire sur le paritarisme remis en juin 2016.

Il faut pourtant reconnaître que l’Agirc et l’Arrco ont fait de sérieux efforts pour réduire leurs coûts de fonctionnement et leurs effectifs. Entre 2011 et 2015, ils sont passés de 365 à 343 millions d’euros (– 6 %) et de 2 931 à 2 536 salariés équivalents temps plein (– 13 %) à l’Agirc; de 1 373 à 1 286 millions d’euros (– 6 %) et de 11 367 à 10 028 salariés (– 12 %) à l’Arrco. Le tout alors que les « coûts informatiques ont beaucoup augmenté en raison de la mise en place d’un nouveau système commun de gestion, l’Usine retraite », poursuit le rapport d’information parlementaire.

Cette réduction des coûts a également impacté la vingtaine d’instituts de protection sociale (Agrica, AG2R-La Mondiale, Klesia, Humanis, Pro BTP…) qui assurent la gestion opérationnelle des complémentaires : ces groupes, eux-mêmes gérés de façon paritaire, « ont fait de gros efforts, note Jean-Louis Vincent, DRH de SNCF Logistics et président de Klesia. Ils ont mis en œuvre deux plans d’économies de gestion de 300 millions d’euros chacun sur dix ans (2012-2022) pour une activité qu’ils gèrent de façon totalement bénévole. On peut saluer leur sens de l’intérêt général ».

En décembre 2014, mettant l’Agirc et l’Arrco en garde contre la fonte trop rapide de leurs réserves, la Cour des comptes a souligné le travail de partenaires sociaux qui « ont su assumer pleinement leurs responsabilités et, mieux que les pouvoirs publics pour le régime général, définir à chaque période de crise une démarche volontaire, méthodique, rigoureuse et attentive à la juste répartition des efforts entre tous les acteurs ». Dans un rapport dont la tonalité, plutôt sévère, visait à préparer les partenaires sociaux aux décisions difficiles qu’ils ont prises l’année suivante, un tel commentaire a valeur de satisfecit.

* Destinée à l’Association pour la gestion du fonds de financement de l’Agirc et de l’Arrco.

1,487 milliard

d’euros de déficit pour l’Agirc.

1,532 milliard

d’euros de déficit pour l’Arrco.

Source : Agirc-Arrco 2015.

Auteur

  • Sabine Germain