« Je suis adhérent du Parti socialiste depuis 1986, sans y militer. » Pour ne pas être accusé de vouloir régler ses comptes, Jean-Claude Mailly commence par rappeler ses convictions à titre personnel. Sa charge contre « un certain amateurisme » de l’exécutif n’en est pas moins lourde : absence de concertation, fuites médiatiques, consultations partielles, usage du 49.3… que François Hollande avait qualifié en 2006 d’« arme lourde des exécutifs légers », persifle le syndicaliste. Il enfonce le clou. C’est peut-être, écrit-il, « le président qui parle le plus de dialogue social, mais celui qui en fait le moins ». Un hôte de l’Élysée « convivial et disponible », mais dont il est difficile d’obtenir « une réponse précise ».

Les critiques à l’encontre de Manuel Valls sont encore plus appuyées. En cause ? Sa propension à classer rapidement les gens « dans les colonnes ennemies ou amies. Les compromis deviennent aussitôt particulièrement difficiles ». Il a tout du chef du gouvernement pyromane lorsqu’il dénonce l’ambiguïté du service d’ordre de la CGT à l’égard des casseurs, assure l’auteur. Il est autoritaire lorsqu’il refuse toute concession, notamment sur la majoration des heures supplémentaires, contre l’avis d’une centaine de députés socialistes. À l’opposé du ministre de l’Économie, Michel Sapin, qui a montré « ses qualités d’écoute et de négociateur » lorsqu’il était Rue de Grenelle, ou du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, revenu finalement sur l’interdiction du défilé du 23 juin 2016.

Le Medef n’est pas épargné. Pierre Gattaz ne « cherche pas à comprendre le raisonnement de son interlocuteur ». La CFDT est également épinglée : « Laurent Berger a changé de position sans prévenir sur les retraites complémentaires. Depuis cette époque – octobre 2015 –, nous ne nous parlons plus. » Tandis que « cela a fonctionné correctement » avec Philippe Martinez, secrétaire général d’une CGT pourtant vieille sœur ennemie.

Sur le fond, Jean-Claude Mailly argumente, vitupérant contre de nombreuses dispositions sur le temps de travail, dont la possibilité pour les branches d’autoriser une modulation du temps de travail sur trois ans… Une disposition pourtant validée par FO Métaux dans la métallurgie ! Le leader de FO en est convaincu : le conflit sur la loi travail laissera des traces profondes dans la majorité, l’opposition, le patronat et les organisations syndicales. On attend avec impatience le point de vue des autres principaux acteurs de ce feuilleton politico-social.

Les Apprentis sorciers. L’invraisemblable histoire de la loi travail, Jean-Claude Mailly. Éd. Les Liens qui libèrent. 128 pages, 12,50 euros.