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Idées

Contrat de travail et fin des évaluations annuelles

Idées | Juridique | publié le : 05.12.2016 | Emmanuelle Barbara

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Contrat de travail et fin des évaluations annuelles

Crédit photo Emmanuelle Barbara

General Electric, 300 000 salariés dans le monde, référence absolue en matière de management, tourne le dos au système annuel de notation pratiqué depuis des décennies. Il visait à hiérarchiser leurs performances en cinq catégories, les moins bien notés – les 10 % au bas de l’échelle – étaient invités à quitter le groupe.

Cette décision illustre l’obsolescence du dispositif, qui correspondait au travail du xxe siècle. En abandonnant la référence annuelle pour lui préférer une évaluation permanente, le groupe américain prend acte que le temps long n’existe plus.

De même, en concédant au salarié un vrai devoir d’initiative, il admet la possibilité de l’erreur ou de l’échec. Mieux, l’évaluation se fait au travers d’une application mobile et s’effectue à 360 degrés. Les salariés peuvent commenter les performances de leur manager autant que l’inverse. Et ils jugent également le travail de leurs pairs. On oublie le rituel de la rencontre formelle, qui apparaît désormais totalement décalée. On valorise au contraire la collaboration, le travail en réseau, la responsabilisation. De l’aveu de General Electric, ce virage ne pose aucun problème chez les plus jeunes des salariés. Pour cause, ils ne veulent plus « subir » le travail ; ils recherchent l’autonomie dans un « travail pour soi » et non plus le job pour lui-même.

Quelle est la traduction en droit du travail de cet abandon de l’évaluation qui se répand un peu partout ? Les esprits les plus chagrins mettront cette initiative sur le compte d’une mode managériale tenant davantage du marketing que d’un changement de fond de la relation de l’employeur au salarié. Ils craindront même une situation encore plus stressante pour ce dernier. Pour les autres, cette initiative traduit à elle seule la fin de l’univers de l’usine conçu sur la division scientifique du travail, c’est-à-dire sur un rapport d’obéissance verticale et pérenne au poste (perpétuité), pour lui substituer les canons du xxie siècle, faits de coopération horizontale et d’agilité (brièveté). De là à dire que le travail subordonné s’est affranchi du lien de subordination, symbole du contrat de travail, il n’y a qu’un pas qu’il convient de franchir. L’enjeu consiste à redéfinir d’urgence le contrat de travail en cohérence avec notre époque pour garantir le maintien du salariat parmi les autres formes d’emploi.

Auteur

  • Emmanuelle Barbara