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Décodages

Des community managers à maturité

Décodages | publié le : 05.12.2016 | Marianne Rigaud

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Des community managers à maturité

Crédit photo Marianne Rigaud

En quelques années, la fonction s’est professionnalisée. Mieux comprise, plus reconnue, elle prend part aux stratégies de communication. Avec des pros qui ont les nerfs solides et le sens de la repartie.

Ils sont les pros de Facebook, Twitter ou Snapchat. Les community managers évoluent dans un monde à mi-chemin entre journalisme, communication et marketing. Couteau suisse des réseaux sociaux, le community manager y publie des contenus, interagit avec les internautes autour d’une marque et prend soin de l’e-réputation de celle-ci. Négligé il y a quelques années, souvent confié à de jeunes geeks, le poste est devenu aujourd’hui hautement stratégique. Son profil a fortement évolué. Selon une enquête menée pour le Blog du modérateur en 2016, le CM est une femme très diplômée de 28 ans, en CDI depuis cinq ans en moyenne à Paris. Les deux tiers des répondants ont étudié le commerce ou la communication. Avec un salaire médian de 28 000 euros par an, 27 % travaillent en agence, contre 42 % chez l’annonceur. Le reste se répartit entre institutions et sociétés spécialisées. Alban Barthélemy, 28 ans, est passé de l’une à l’autre. À ses débuts dans l’agence La Netscouade, il gérait un portefeuille de clients : « Le matin, je publiais sur les réseaux sociaux pour un magazine scientifique, le midi pour une personnalité politique et le soir pour un cabinet d’architecture. J’étais la petite main numérique. » Il y a un an, il rejoint l’université Paris-Saclay à temps plein. « En agence, on apprend beaucoup et très vite, mais ça peut devenir répétitif car les clients ne sont pas toujours très originaux dans leurs demandes », résume le jeune homme, qui dit se sentir plus libre aujourd’hui. Il peut tester des choses, « sur Snapchat exemple », et se concentre sur un seul projet ambitieux : « Dépoussiérer une communication digitale institutionnelle. » Un métier où la créativité a encore sa place.

Diversification.

Marion Meyer a, elle aussi, quitté une agence (DDB) pour un annonceur (Celio), pour finalement revenir sur ses pas chez Publicis cette fois. Trentenaire, elle cumule déjà sept ans d’expérience où elle a évolué du poste de community manager à celui de social media strategist. Aujourd’hui, elle fait le lien entre les commerciaux et les créatifs pour décider comment pousser le message du client sur tel ou tel réseau. « Le métier s’est professionnalisé et diversifié. Il est aujourd’hui reconnu, identifié en termes de compétences, il correspond à des fiches de poste. Mais tout le monde ne comprend pas encore bien le sens de ce travail. Chez Celio, par exemple, le P-DG râlait parce qu’il n’y avait pas assez de fans sur Facebook. Mais le community manager n’est pas un magicien ! » explique-t-elle.

Si des formations initiales spécifiques voient désormais le jour, la majorité des professionnels se forme encore sur le tas. C’est le cas de Mélanie Chaluleau, qui a glissé du journalisme au community management. Arrivée au journal local l’Union en 2012, elle a suivi deux cours en ligne pour se professionnaliser. « Les gens pensent que tu peux être community manager en claquant des doigts parce que tu as une page sur Facebook. Il faut appliquer des techniques d’hameçonnage, se tenir au courant sans arrêt, maîtriser ses nerfs quand il y a des commentaires insultants. C’est un vrai travail, on s’intéresse aux chiffres en créant des tableaux Excel pour voir quelles publications marchent ou non. Beaucoup estiment qu’un post sur Facebook se fait tout seul : parfois ça me prend vingt minutes ! » affirme-t-elle. Du travail de pro, en somme.

Humour recommandé.

Les CM qui trient et répondent aux commentaires doivent, si possible, avoir le ton juste et un sens développé de la repartie. « Il faut de l’humour et de la créativité », analyse le formateur Sébastien Bailly. Pour lui, le meilleur exemple reste la gendarmerie et la police nationale : elles n’ont rien à vendre, ne sont pas du tout attendues sur le terrain de l’humour, mais ont su créer sur les réseaux sociaux un capital sympathie. Un tour de force. Hadrien Lavielle, 32 ans, connaît l’exercice. Il met sa créativité depuis trois ans au service d’Interbev, la filière bétail et viande. Pas simple a priori. Pour le Salon de l’agriculture 2016, il a créé le compte Twitter de la vache Cerise grâce auquel il a pu faire dialoguer l’animal avec des visiteurs et raconter en filigrane le quotidien de son éleveur Joël Sillac. Un grand succès. « Après des débuts un peu longs, l’intégration du community management aux différents pôles de communication d’Interbev s’est assez bien faite. Il devient évident que le CM joue un rôle clé dans la communication, ne serait-ce que par ses interactions avec les services de presse, résume Hadrien Lavielle. Et bosser pour la filière élevage et viande, c’est aussi être en première ligne des crises. C’est très formateur. »

Gestion de crise.

La crise, le Graal ou le cauchemar du métier… L’agroalimentaire n’y échappe pas. En septembre 2016, l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) est sévèrement mise en cause dans l’émission « Cash Investigation » sur France 2. Le lendemain, la responsable de communication digitale de l’Ania, Laure Campagne, donne rendez-vous sur Twitter autour du hashtag #askAnia et répond aux questions avec la directrice du pôle alimentation et santé. « Les internautes qui se sont reconnectés le lendemain avaient des questions de fond, plus réfléchies que si nous avions déployé ce dispositif dès la fin de l’émission. Montrer que nous étions ouverts au dialogue a apaisé les gens », dit-elle. Et amélioré l’image du secteur. Pour Laure Campagne, le bilan de l’opération et de ses deux ans à l’Ania est positif : « On n’est plus dans le bidouillage. C’est devenu une vraie profession qui prend part à la stratégie. Avant on réfléchissait d’abord aux relations presse, puis après à la déclinaison sur digital. Maintenant, c’est l’inverse. »

Et la professionnalisation se déploie toujours plus. La SNCF a créé en octobre une social room, soit 12 personnes qui animent Twitter, Facebook, Instagram et YouTube pour informer les usagers et échanger avec eux. Une première pour gérer près de 1 600 interactions par jour, dont 60 % concernent les horaires, le trafic et le service clients. Des échanges pas toujours agréables. Où professionnalisme et humour sont la règle d’or.

Du troll au bad buzz

Les community managers sont régulièrement confrontés à deux problèmes. Les trolls, ces internautes râleurs, parfois violents. Leur répondre sérieusement ne fait qu’alimenter leur haine. Il reste donc le silence ou l’humour, dont les meilleures reparties sont recensées sur le blog « Hall of fame ». Plus redouté que le troll, mais moins fréquent, il y a aussi le bad buzz. Cet emballement négatif des réseaux sociaux risque de se propager sur le Web et d’impacter durablement la marque. De SFR à Quick en passant par Playmobil, personne n’est à l’abri. Si besoin, « le community manager doit rapidement reconnaître son erreur et s’excuser », conseille Marion Meyer. « Il faut déplacer la conversation en message privé pour désamorcer les tensions », préconise Mélanie Chaluleau. Et surtout garder son calme en ligne.

Auteur

  • Marianne Rigaud