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Des outils de diagnostic en veux-tu en voilà

Dossier | publié le : 04.11.2016 | N. L.

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Des outils de diagnostic en veux-tu en voilà

Crédit photo N. L.

Labels, baromètres, indicateurs, expertises CHSCT, observatoires internes… Il existe de très nombreuses méthodes pour mesurer la QVT. Mais toutes ne se valent pas.

Exit l’expertise CHSCT, place au baromètre social ? Le raccourci peut paraître hâtif mais il traduit une tendance de fond. Longtemps pratiqué, le recours à l’expertise, notamment en matière de risques psychosociaux, montre en effet ses limites. S’il permet parfois de dépasser le déni des dirigeants, il peine le plus souvent à convaincre les entreprises de mettre en œuvre des plans d’actions. Normal, ces travaux sont commandés par les syndicats, et payés malgré eux par les employeurs ! Résultat, ces derniers poussent au déploiement d’autres diagnostics, cette fois-ci à leur main… Formellement, ces outils ne peuvent se substituer aux expertises CHSCT, prévues dans un cadre légal : risque grave avéré ou latent, projet susceptible de modifier les conditions de travail, l’hygiène ou la sécurité. Mais ils constituent néanmoins un moyen de diagnostic au champ d’investigation plus large, conduisant dans certains cas les représentants du personnel à renoncer ou à surseoir au recours systématique à l’expert.

Mais tous les outils ne se valent pas, loin s’en faut. Recommandé par la Fabrique Spinoza, le label Great Place to Work est décrié par de nombreux préventeurs pour son questionnement trop général à l’égard des salariés. Quant à la certification Top Employers, elle n’est fondée que sur les déclarations et documents des entreprises. « C’est de l’enfumage, estime Jean-Claude Delgenès, directeur général de Technologia. Il s’agit de satisfecit artificiels délivrés aux lauréats, qui évacuent une grosse partie des véritables problématiques. Heureusement, un nombre croissant d’entreprises font un choix plus exigeant. » Isabelle Bouillet-Gabin, directrice associée du cabinet Éléas, le confirme. « Les directions qui nous sollicitent sur des diagnostics-actions associent de plus en plus toutes les parties prenantes. Un comité de pilotage ou groupe de travail ad hoc réunit des représentants de la direction, la médecine du travail, parfois des experts des métiers et systématiquement les délégués du personnel, dont la présence nous paraît indispensable. »

Démarche partagée

Indispensable notamment pour rechercher un compromis sur la méthodologie d’un questionnaire, les thématiques abordées et les questions posées. « Pour ne pas être contestée, pour être enrichie, la démarche doit être partagée, abonde Jean-Luc Odeyer, président fondateur du Groupe JLO. Il faut faire un état des lieux de l’existant, relever les points forts et les faiblesses, avec un focus particulier sur la santé au travail et sur la place du travail perçue par les salariés. Mais si le dialogue social est fragile, s’il s’agit de mettre en place des actions correctives plutôt que préventives, parler d’une démarche QVT peut s’avérer contre-productif. »

Dès lors, un questionnaire étoffé, discuté avec les différents acteurs de la qualité de vie au travail dans l’entreprise pourrait-il constituer la meilleure méthode de diagnostic ? Isabelle Bouillet-Gabin en doute. « Un questionnaire seul ne suffit pas car il ne fait que donner la température, il ne met pas en mots les problématiques. Impossible de faire l’impasse sur une approche qualitative, sur la base d’entretiens individuels menés par un tiers neutre et bienveillant », assure-t-elle.

Autre écueil, le marché de la mesure de la QVT, du bien-être, de l’engagement fourmille tellement d’acteurs qu’il est bien difficile, pour une entreprise, de séparer le bon grain de l’ivraie. « Il faut demander aux prestataires les références scientifiques qui ont permis d’élaborer le questionnaire, conseille Jean-Pierre Brun, fondateur associé du cabinet Empreinte humaine. Sur un sujet aussi important, mieux vaut s’assurer que les outils sont fiables et maîtrisés. Mais attention à ne pas y investir trop de temps et d’argent ; c’est sur les pistes d’amélioration qu’il faut mettre le paquet. »

Tous les experts le disent, un questionnaire ne doit pas tenir lieu d’action. Un travers pourtant classique. « On voit beaucoup d’enquêtes de climat social coûteuses ne débouchant sur rien, déplore Martine Keryer, médecin du travail et secrétaire nationale CFE-CGC. Discutons plutôt d’organisation et de qualité du travail pour agir efficacement. » Autre reproche syndical récurrent, l’absence de restitution sérieuse des résultats aux salariés, malgré les promesses de départ pour booster la participation. Un mauvais calcul, qui peut délégitimer la démarche. De façon alternative ou complémentaire, certaines entreprises misent classiquement sur les indicateurs sociaux pour établir leurs diagnostics : absences de courte durée, congés payés non pris, turnover, etc.

Retour sur investissement

Depuis peu, plusieurs grands groupes, à l’instar de la Société générale ou de la SNCF, ont mis en place des observatoires QVT auxquels siègent les représentants du personnel. Leurs missions ? Définir les indicateurs les plus pertinents et les suivre dans la durée, choisir les thématiques de travail et élaborer des préconisations. Mais l’exploitation statistique des données sociales et de santé peut aller nettement plus loin. Ainsi le cabinet Mozart Consulting propose-t-il depuis 2009 l’Ibet, l’indice du bien-être au travail, sur une échelle de 0 à 1. « Nous passons en revue 20 indicateurs, regroupés en trois catégories : la non-disponibilité des salariés, les sorties forcées à l’initiative de l’employeur et les départs à l’initiative du salarié, explique Victor Waknine, son président fondateur. C’est un outil de diagnostic plus fiable qu’un questionnaire, capable de chiffrer précisément l’impact financier du désengagement. »

Pour combiner les approches quantitatives et qualitatives, de nouveaux partenariats émergent, à l’instar de celui noué il y a dix-huit mois par Technologia et Mercer. Leur méthode ? Le premier établit une cartographie QVT des points forts et faibles de l’entreprise sur une dizaine de thématiques, pour chaque famille de métiers. Puis suggère des pistes d’actions pour réduire les facteurs les plus irritants ou mettre en place des compensations. Le second fournit des indicateurs de pilotage mensuel, sur l’absentéisme notamment, à partir des données sociales et de santé de l’entreprise. Puis il chiffre les économies réalisables par l’entreprise si elle agit sur les causes identifiées par Technologia et peut… en tenir compte dans ses tarifs d’assurance. Pourra-t-on calculer demain le retour sur investissement de la QVT ? Ou du moins s’en approcher ? C’est en tout cas le rêve de nombreux DRH, pour mieux convaincre les directions générales et financières d’en faire une priorité.

Un lien étroit avec la compétitivité

« Les doutes des équipes dirigeantes sur les retombées économiques de la QVT persistent alors même que de très nombreux travaux de recherche mettent en évidence des liens entre cette dernière et la performance économique des entreprises » : c’est le constat dressé par la Fabrique de l’industrie, Terra Nova et le réseau Anact-Aract dans leur tout récent rapport « La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité ». Les auteurs mettent en avant les bénéfices d’un niveau élevé d’engagement : « Des salariés moins souvent absents, moins stressés, changeant moins souvent de poste ou d’entreprise, fournissant plus d’efforts, faisant un travail de meilleure qualité et prenant plus d’initiatives. » À condition de s’appuyer sur les leviers de l’engagement : reconnaissance, compétence, relation à autrui, contribution, soutien social, autonomie et sens. Un rapport très complet (161 pages hors annexes) qui insiste sur le rôle clé des pratiques organisationnelles et managériales, recense les atouts et les limites du lean management, de l’entreprise libérée, de l’entreprise responsable et promeut les organisations du travail responsabilisantes, exemples à l’appui.

Auteur

  • N. L.