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“Nous exerçons un métier à la fois très normé et très humain”

Décodages | Management | publié le : 04.11.2016 | Sabine Germain

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“Nous exerçons un métier à la fois très normé et très humain”

Crédit photo Sabine Germain

Quelle feuille de route vous ont donné vos actionnaires, Ramsay Health Care et le Crédit agricole ?

Renforcer notre position de leader de l’hospitalisation privée en France. Ce leadership nous permet d’investir et de développer la qualité. Dans notre métier, la qualité entraîne la profitabilité de long terme. Nous investissons 150 millions d’euros par an : pour un groupe dont le résultat net est de 36 millions, c’est un effort important ! Ces investissements portent bien entendu sur les équipements, puisque 50 % des connaissances techniques sont obsolètes en six ans. Mais aussi sur le recrutement et la formation, car la qualité n’est pas liée qu’à l’acte chirurgical mais à la prise en charge globale du patient.

Aujourd’hui plus qu’hier ?

Les métiers médicaux sont de plus en plus spécialisés : aujourd’hui, un chirurgien n’est plus orthopédiste mais spécialiste de la main ou du pied, voire d’une articulation précise. Face à cela, nous avons des patients polypathologiques : une femme atteinte d’un cancer du sein peut être suivie par 17 praticiens différents, de l’oncologue au chirurgien, en passant par le diététicien. La technicité ne suffit pas ; il faut aussi de la coordination et de l’écoute. Comme le progrès technique est infini, cela nous pose un formidable défi managérial.

Quelle organisation mettez-vous en place pour relever ce défi ?

En santé, il faut partir des besoins du patient et être capable d’y répondre dans sa zone géographique. Le groupe est donc organisé autour de 22 pôles territoriaux. Nous exerçons un métier à la fois très normé et très humain, avec plus de 100 métiers différents, une accessibilité 24 heures sur 24, des moments de joie et beaucoup de drames… Le principe est donc que « tout doit être décentralisé sauf… ». Nous centralisons les fonctions régaliennes et tout ce qui peut être mieux fait à grande échelle : les finances, les achats, la maintenance… Pour le reste, les directeurs généraux d’établissement doivent être autonomes. Je suis très attentif à leur recrutement, à leurs compétences managériales, mais aussi à leur comportement et à leurs valeurs.

Les cliniques privées ont été exclues du champ d’application du pacte de responsabilité et du CICE. Comment le vivez-vous ?

Ça me rend furieux : nous sommes le neuvième recruteur de France, nous investissons, nous créons de l’emploi non délocalisable, avec une vraie mobilité sociale. Mais comme l’hôpital public ne pouvait bénéficier du CICE, nous en avons été privés. Malgré tout, nous continuons à payer 10 points de charges sociales de plus que le public tout en étant moins bien rémunérés par la Sécurité sociale. Selon les spécialités, les actes nous sont remboursés entre 30 % et 70 % de moins que dans les hôpitaux publics.

Vous vous sentez mal-aimés ?

87 % de notre chiffre d’affaires est payé par la Sécurité sociale, nous sommes donc comptables des deniers publics. Mais un débat très français perdure : peut-on gagner de l’argent dans la santé ? Je pense que oui, dès lors qu’on est transparent sur les résultats et le niveau de qualité servi. Qui peut croire que les 2 000 hôpitaux français assurent le même niveau de qualité ? Certainement pas la Haute Autorité de santé, dont les statistiques nous positionnent en leader de la qualité hospitalière, juste après les grands instituts du cancer. Malgré tout, nous sommes moins bien rémunérés que le public. Pis encore : les tarifs des 2 200 actes changent chaque année et nous les découvrons à leur publication, le 1er mars. Un établissement bénéficiaire le 28 février peut devenir structurellement déficitaire le lendemain si sa spécialité est impactée. Malgré cela, nous arrivons à gagner de l’argent là où l’hôpital public est déficitaire.

Qu’est-ce qui fait qu’un infirmier ou une aide-soignante décide de venir travailler chez vous plutôt que dans le public ?

Pas le niveau de salaire, qui est assez similaire dans les deux univers. Les soignants sont très attentifs à la réputation des établissements ainsi qu’à la qualité des lieux et de l’environnement technique. Nous savons également être innovants en termes de flexibilité et d’organisation du travail : les horaires en deux fois douze heures attirent les soignants, notamment ceux qui ont envie de garder une activité libérale en parallèle.

Pascal Roché

55 ans.

2000

Directeur général adjoint d’Axa France Services.

2002

P-DG de Barclays France.

2011

Directeur général de Ramsay Générale de santé.

Auteur

  • Sabine Germain