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Idées

Le spectre des classes sociales

Idées | Livres | publié le : 04.10.2016 | Jean Mercier

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Le spectre des classes sociales

Crédit photo Jean Mercier

La société française est en voie de restructuration, avec des écarts abyssaux entre les extrêmes de l’échelle sociale.

Toutes les civilisations sont mortelles disait Paul Valéry, et celle de la classe moyenne, que l’on voyait structurer nos sociétés pour des siècles, ne se porte pas bien du tout. Pour le constater, souligne Louis Chauvel, il faut plonger dans le monde opaque des patrimoines. Ceux-ci sont, selon lui, aujourd’hui les plus puissants facteurs d’inégalité, mais aussi les plus mal appréhendés. Les mesures d’écart sur des moyennes de revenus cachent souvent l’apparition de différences abyssales entre les plus riches et ceux qui se trouvent au bas de l’échelle sociale.

« Pour ne prendre qu’un exemple, observe le sociologue, en termes d’inégalités dynamiques, au rythme de croissance d’alors, les ouvriers des années 1950 étaient situés à trente ans d’intervalle du niveau de vie des cadres, alors qu’en 2013 ils sont distants de plus d’un siècle. » Et, au sommet de la pyramide, l’envolée des richesses peut atteindre des hauteurs stratosphériques suivant que l’on appartient ou pas au petit cercle des « vraiment riches ». Ce phénomène doit beaucoup au processus de « repatrimonialisation des richesses », en grande partie lié à ce qui se passe au niveau des prix de l’immobilier. Selon que l’on « en a ou pas », le bien immobilier peut ouvrir ou non la porte à « des opportunités de plus-value longue d’une intensité historiquement inédite depuis le xixe siècle ».

Parallèlement, estime Louis Chauvel, les catégories qui forment la classe moyenne ont subi près de quatre décennies de stagnation salariale en termes réels. La seule possibilité d’amélioration du niveau de vie pour un salarié réside désormais dans la double activité au sein du couple. Le chercheur note encore que de 1995 à 2010 « la progression du pouvoir d’achat est restée proche du néant dans chaque catégorie sociale de salariés ». Plus grave, ces couches de la société vivent désormais sous la menace lancinante de la dévalorisation sociale et du déclassement, principalement liée au chômage de masse. À quoi s’ajoute encore l’effet générationnel : les premiers enfants du baby-boom ont connu une progression de 40 % de leur niveau de vie par rapport à leurs aînés, retombée à un rythme trois fois moindre pour les cohortes suivantes.

Ce que Louis Chauvel sent se profiler, c’est « la restructuration en classes de la société française ». On ne trouvera pas dans son ouvrage beaucoup d’éléments rassurants pour l’avenir, mais il faut convenir avec lui que la lucidité du diagnostic reste la meilleure arme contre la maladie.

La Spirale du déclassement, Louis Chauvel. Éditions Seuil. 224 pages, 16 euros.

Auteur

  • Jean Mercier