Votre thèse* porte sur l’incidence de l’orthographe lors des processus de recrutement. S’agit-il d’un sujet majeur ?
En France, on survalorise l’importance de l’orthographe plus qu’ailleurs, notamment dans les pays anglo-saxons. On la voit comme une compétence non seulement technique, mais aussi relationnelle et sociale. Faire des fautes, c’est être laxiste, manquer de rigueur, de culture. Il existe dans l’Hexagone une norme sociale implicite qui interdit la violation de la norme orthographique, en particulier dans des situations formelles comme un recrutement.
Malgré tout, les recruteurs font preuve de très peu de tolérance vis-à-vis des fautes. Ils considèrent qu’une mauvaise orthographe génère des coûts cachés. Lors de mes entretiens, ils usaient de mots très durs pour qualifier ceux qui faisaient des erreurs. Ils parlaient d’eux comme d’individus ayant des lacunes en matière de savoir-être, de professionnalisme, de compétences.
Certains assimilaient même fautes d’orthographe à manque d’intelligence.
À expérience égale, une personne commettant des fautes a trois fois plus de risques d’être éliminée dans la phase de présélection que celle qui n’en fait pas ! Ce n’est pas tant le nombre de fautes que leur place et leur nature qui conduisent à la dépréciation et au rejet du postulant. Les recruteurs différencient les coquilles des autres fautes, les premières étant mieux tolérées.
L’orthographe peut aussi être un critère d’exclusion pour des emplois faiblement qualifiés qui ne nécessitent pas d’écrire au quotidien. Ce qui plaide pour d’autres méthodes de présélection, comme les mises en situation professionnelle. Il faut que les recruteurs cessent de demander quasi systématiquement un CV et une lettre de motivation. Ce qui se fait encore dans 88 % des cas.
* « L’appréciation des compétences orthographiques en phase de présélection des dossiers de candidature : pratiques, perception et implications pour la GRH », octobre 2015.