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Entretien avec Laurent Allard, directeur général d’OVH

Décodages | publié le : 03.09.2016 | S. G.

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Entretien avec Laurent Allard, directeur général d’OVH

Crédit photo S. G.

Vous êtes arrivé à la direction générale d’OVH en février 2015. Quelle est votre feuille de route ?

Quand je suis arrivé, Octave (Klaba, le fondateur, NDLR) m’a dit : « Il n’y a jamais eu de directeur général, fais ce qu’il faut. » Il a toujours fonctionné par plans de cinq ans, avec une cible précise : exister sur le marché français pour la période 1999-2004, devenir un acteur multipays en 2009, être présent sur le continent américain en 2014. Je suis arrivé à l’aube de la quatrième étape : être un acteur mondial en 2019. On va le faire !

Le fonctionnement d’OVH est-il très différent de ce que vous avez connu ?

J’ai plus de trente ans d’expérience dans les nouvelles technologies et l’international. Dans le fond, les objectifs sont toujours les mêmes : une croissance profitable, de l’innovation, un contrôle des dépenses, du développement commercial… Le vrai changement, c’est la dynamique propre à une entreprise innovante. Ici, le leadership, la volonté d’innover et la mise en avant des talents priment sur l’organigramme. Je connaissais OVH pour en avoir été client, je savais que tout y allait très vite. Mais j’étais en dessous de la réalité : de l’intérieur, tout va encore plus vite ! Je dois gérer une boîte en croissance de 30 % par an. C’est un problème de riche, mais c’est un vrai problème. Nous devons perpétuellement adapter nos habitudes de travail pour rester agiles tout en grandissant. Car nous voulons garder une dynamique de start-up.

Comment fait-on pour structurer une entreprise de 1 000 salariés qui était encore une start-up il y a dix ans ?

Comme dans n’importe quelle entreprise, je mets en place les structures de gouvernance qui fixent des plans et objectifs pluriannuels puis les déclinent. Avec un horizon temporel spécifique. À savoir un comité exécutif par semaine et une revue formelle des résultats tous les mois. Nous sommes très attentifs à l’alignement des valeurs telles que nous les voulons et telles que nous les vivons. Ces valeurs – le collectif, l’agilité (c’est-à-dire l’itération et le droit à l’erreur), l’exigence et la bienveillance – ne sont affichées nulle part. Nous n’avons pas besoin de les placarder pour les vivre.

En tant qu’entreprise du numérique, qu’attendez-vous de l’État ?

Nous n’avons besoin ni d’un État providence ni d’un État gendarme. Juste d’un État facilitateur, qui nous aide à jouer notre rôle dans l’écosystème numérique. De ce point de vue, la French Tech est une réussite. Nous attendons également de l’exemplarité. Quand un conseiller ministériel me tend sa carte de visite avec une adresse Gmail (la messagerie de Google, NDLR), je tique. Enfin, l’État doit continuer à fixer des règles. Nous ne voulons pas que nos data centers contiennent des boîtes noires accessibles aux demandes d’investigation gouvernementales comme aux États-Unis. Nous avons su le faire entendre et, finalement, la loi renseignement est une bonne loi. En revanche, je ne peux que m’interroger sur le traité de libre-échange transatlantique : il est difficile de ne pas être suspicieux face à une telle volonté de tout cacher.

Quel regard portez-vous sur la très contestée loi travail ?

Je me garderai bien de donner des leçons aux entreprises qui sont en situation difficile et revendiquent davantage de flexibilité. Chez OVH, nous investissons à long terme. Sauf missions ponctuelles, nous offrons des CDI, avec une période d’essai de quatre mois pour avoir le temps de former la recrue et de l’évaluer en situation. J’ai pu constater que quand on traite bien ses collaborateurs, c’est du gagnant-gagnant. Car on n’attire pas durablement en CDD.

Que vous inspire le débat sur l’ubérisation des relations de travail ?

La question du modèle de référence qu’on veut voir s’imposer dans le monde du travail me semble fondamentale. Mais elle n’a rien à voir avec la numérisation. Le vrai problème, c’est de voir 10 % du PIB mondial partir dans des paradis fiscaux sans être réinvestis. En économie, il n’y a que deux questions qui vaillent : comment créer de la richesse et comment la redistribuer. Créer de la valeur sans la partager n’a pas de sens. Mais la création de valeur ne doit pas non plus être un tabou !

Laurent Allard

54 ans.

1984

Directeur informatique du Crédit du Nord.

1993

Directeur informatique d’Axa.

2008

DSI de Logica.

2012

Directeur technique de CGI.

2015

Directeur général d’OVH.

Auteur

  • S. G.